La vente de papier commercial adossé à des actifs, dont certains étaient toxiques, les produits garantis des assureurs canadiens, ou encore la faillite de MF Global, causée par des investissements trop audacieux dans la dette européenne, sont autant d’événements qui résultent d’une mauvaise gestion du risque.
Les conditions actuelles de marché – croissance à 2 %, taux d’intérêt à des niveaux historiquement bas et très grande volatilité boursière -, conjuguées à la tendance qu’ont les institutions financières à prendre davantage de risque pour pallier les mauvais rendements, ont incité le Bureau du surintendant des institutions financières du Canada (BSIF) à resserrer les exigences de gouvernance applicables aux institutions financières de juridiction fédérale.
Les assureurs de personnes, de dommages et les grandes banques à charte sont donc dans le collimateur du régulateur.
Ce sont surtout les assureurs de personnes qui se retrouvent le plus souvent sur le radar du régulateur au Canada. Les mésaventures de certaines compagnies qui ont dû s’endetter pour financer leurs produits garantis ont incité Julie Dickson, la surintendante des institutions financières au pays, à demander aux assureurs une plus grande prudence dans leur gestion du risque.
Elle enjoignait ainsi les assureurs en quête de meilleurs rendements à faire montre de prudence. Les compagnies d’assurance vie doivent «mettre en place des mécanismes de contrôle accru, s’adjoindre des experts des catégories de placement envisagées et en discuter à fond avec leur conseil d’administration», disait-elle l’automne dernier.
La quête du rendement et son corollaire, la prise de risque, augmentent, constate Julie Dickson. Lors d’une discussion sur la prise de risque en décembre dernier, la surintendante rapportait que «les gens me disent être témoins de la conclusion de contrats de prêts assortis de clauses de protection moins strictes».
En outre, elle disait remarquer qu’en assurance, il se dessine «un mouvement qui se rapproche davantage des placements alternatifs. Et face à cela, il faut vraiment intensifier la gestion des risques. On doit savoir ce qu’on fait».
Comme nous l’écrivions récemment (Finance et Investissement, janvier 2013), les distributeurs d’assurance vie hésitent à vendre des produits de longue durée. «L’époque des produits cow-boy est révolue, mais on se demande parfois comment certains assureurs feront pour honorer leurs engagements», expliquait Gino Savard, président de l’agent général Mica Cabinet de services financiers, de Québec.
Dans la foulée de l’affaire de la manipulation du Libor, le chancelier de l’Échiquier du Royaume-Uni, George Osborne, l’équivalent du secrétaire au Trésor ou du ministre des Finances sous d’autres cieux, a tiré une première salve au début du mois de février en exigeant des banques qu’elles scindent leurs activités d’investissement de celles du service au détail.
«Nous voulons électrifier la clôture de l’enclos», disait par analogie George Osborne dans son discours qui présentait les nouvelles règles applicables aux banques.
Il en a profité pour exiger du secteur bancaire qu’il développe des normes professionnelles, à l’instar des ordres professionnels, comme les avocats ou les médecins.
En Europe, aux États-Unis, sur le sixième continent, partout en Occident les normes deviennent plus strictes, les exigences augmentent, et tant les autorités que le public en redemandent : la reddition de comptes, la transparence, la gestion adéquate des risques font l’objet de mesures législatives.
Aux États-Unis, les banques doivent désormais conserver au bilan au moins 5 % du crédit qu’elles accordent. On y a aussi réduit leur capacité à faire des affaires avec les fonds de couverture, et des discussions sont toujours en cours pour les obliger à se départir de leurs activités de swaps sur taux.
Autrement dit, le Canada s’inscrit dans une tendance mondiale qui pousse les institutions financières à prendre au sérieux leur rôle quant au risque systémique.
La nouvelle directive concernant la gouvernance des institutions financières du BSIF émise le 28 janvier dernier propose un train de mesures.
Dorénavant, les administrateurs des institutions financières seront responsables des activités de leurs filiales. Le conseil d’administration doit en outre approuver et être en fin de compte responsable des fonctions de surveillance, ainsi que des mandats et des budgets accordés à cette fonction.
Par ailleurs, le chef de la direction est désormais chargé de s’assurer que les hauts dirigeants responsables de la surveillance ont les coudées franches et les ressources nécessaires pour faire leur travail. Les fonctions de président du conseil et de chef de la direction doivent être distinctes.
Un comité d’évaluation et de gestion du risque doit être également mis sur pied par le conseil. Alors que plusieurs institutions financières se dotaient déjà d’une telle structure, elle est maintenant obligatoire. Le comité de vérification aura, quant à lui, la responsabilité de s’assurer que les états financiers reflètent le plus fidèlement possible les flux de trésorerie, la situation financière et les opérations de la société.
Enfin, toutes les institutions financières devront se doter d’un Agent principal de gestion des risques, ou Chief Risk Officer (CRO).
Le BSIF veut ainsi responsabiliser davantage les administrateurs quant aux risques que prennent les banques et les assureurs.
Est-ce trop ? Suffisant ? Pas assez ?
La seule certitude, c’est que le régime réglementaire canadien a fait en sorte qu’il est le seul pays du G20 à s’être sorti sans problème de la récente crise financière.