La popularité grandissante du courtage à escompte menace-t-elle le gagne-pain des courtiers de plein exercice ? Les jeunes utilisateurs du « Faites-le vous-même » de ces plates-formes électroniques se tourneront-ils un jour vers de véritables courtiers en chair et en os ?
Ex-vice-président principal, solutions gérées chez Fonds Dynamique, Marc St-Pierre ne se formalise pas de la popularité du courtage en ligne.
« Je ne crois pas que les courtiers en valeurs mobilières seront touchés de façon significative. Les institutions financières, avec leurs grilles de rémunération régressives, ne les encouragent pas à prendre des clients aux actifs inférieurs à 250 000 $ ou même 500 000 $. Les amateurs plus fortunés de courtage en ligne n’y consacrent généralement qu’une petite partie de leurs portefeuilles, pour s’amuser ou pour se mesurer à la performance de leurs courtiers », dit Marc St-Pierre, qui est maintenant consultant spécialisé en gestion de portefeuille.
Et les jeunes ? « En début de carrière, leurs actifs ne leur permettent pas d’être clients de courtiers en valeurs mobilières », rétorque Marc St-Pierre.
Observateur attentif de l’industrie, Dan Hallett rappelle une règle d’or éprouvée par le temps. « Au fur et à mesure qu’ils vieillissent et qu’ils accumulent des richesses, les jeunes investisseurs tendent à solliciter les services d’un professionnel », dit-il.
Toutefois, ajoute le vice-président, recherche de HighView Financial Group, ce retour ne se fera pas par enchantement.
« Les jeunes clients reviendront vers les conseillers à la condition que l’industrie œuvre de façon plus professionnelle et avec une plus grande transparence. Les performances à long terme déçoivent, en partie à cause d’attentes irréalistes dès le départ. Des réglementations telles que les réformes axées sur le client amélioreront certains aspects de la relation client-conseiller. Toutefois, la réglementation ne peut pas résoudre tout ce qui doit être amélioré. La confiance des jeunes clients envers l’industrie n’est pas ce qu’elle devrait être. Il y a beaucoup à faire ! », affirme Dan Hallett.
Minuit moins une
Consultante en leadership et gestion de carrière ainsi que chroniqueuse-experte à Finance et Investissement, Sara Gilbert estime que le vieillissement des effectifs des courtiers de plein exercice ajoute à l’urgence d’agir.
« Une partie importante des clientèles jeunes échappe déjà aux courtiers de plein exercice. Ce phénomène s’est accentué avec les plates-formes de courtage en ligne. À long terme, il y a un risque de ‘fonte’ des clientèles jeunes. Et comme l’heure de la retraite approche pour de nombreux courtiers, les difficultés à renouveler leurs clientèles affectent d’autant la valeur de leurs pratiques », dit-elle.
Selon Sara Gilbert, les courtiers de plein exercice ne sont pas au bout de leurs peines.
« Les courtiers de plein exercice sont en droit de s’inquiéter. Ce qui n’est pas le cas des planificateurs financiers et des spécialistes de la gestion de patrimoine qui offrent une plus grande complémentarité par rapport aux besoins des investisseurs des plates-formes en ligne. Les institutions financières feront moins d’argent avec ces plates-formes mais elles resteront au centre du jeu puisque leurs services de gestion de patrimoine, de type Gestion privée 1859, pourront éventuellement récupérer ces jeunes clients aux actifs plus élevés », dit-elle.
Une occasion de se réinventer
Mais rien n’est perdu, affirme Jean Morissette.
Consultant d’expérience en gestion de patrimoine, Jean Morissette est d’avis que les courtiers de plein exercice et l’industrie doivent changer en acceptant d’accompagner les utilisateurs de courtage à escompte.
« Les comportements des investisseurs ne sont plus nécessairement les mêmes que par le passé. Les jeunes cherchent à gérer eux-mêmes leurs avoirs financiers avec des plates-formes électroniques. Certains, qui travaillent dans les Ubisoft de ce monde, font déjà beaucoup d’argent. Et ils peuvent éprouver le besoin d’être accompagnés quand ils le désirent. Les courtiers n’ont cependant pas adapté leurs offres de service avec des conseils personnalisés transmis comme ces clients le veulent, via des iPads et autres téléphones intelligents », dit Jean Morissette.
Selon ce pionnier de la distribution indépendante des fonds d’investissement, qui fut co-fondateur de Gestion financière Talvest et de Services financiers Partenaires Cartier, la vague des plates-formes de courtage à escompte constitue l’occasion idéale de se réinventer.
« Si j’étais un courtier de plein exercice, je canaliserais des efforts de marketing auprès de ces clientèles. Je leur ferais connaître mon intérêt à gérer une partie de leur argent. Ces jeunes investisseurs en ont d’ailleurs les moyens et bien souvent, l’intérêt. Et ne l’oublions jamais, ces jeunes constituent la clientèle fortunée de demain ! », dit Jean Morissette.