Vétéran de l’industrie des FCP, Jean Morissette a été cofondateur de Gestion financière Talvest et président de Services financiers Partenaires Cartier pour le Québec jusqu’au rachat de cette dernière par Gestion de patrimoine Dundee en 2004. Il est maintenant consultant.
Placements NEI semble être une des exceptions qui confirme la règle. Dans sa publicité, elle dit être «l’une des rares firmes de placement au Canada à ne retenir que les services de gestionnaires de portefeuille indépendants».
En septembre dernier, elle a d’ailleurs nommé la montréalaise Addenda Capital sous-conseiller du Fonds d’actions internationales Éthique NEI.
Pressions sur les profits
Selon Jean Morissette, les promoteurs subissent des pressions économiques énormes, et les gestionnaires indépendants – au premier chef, les gestionnaires vedettes – en font les frais.
«Nous sommes à l’ère du décaissement. Dans l’industrie des fonds, la croissance dépend principalement des hausses de rendements des marchés. Un gestionnaire vedette indépendant peut coûter 50, 75 ou 100 points de base. Les promoteurs veulent récupérer cette marge en retranchant les mandats donnés à l’externe», remarque le consultant.
En ajoutant de la profondeur à leurs équipes de gestionnaires, les promoteurs de FCP maximisent également l’espace tablette dans les réseaux de distribution. Les technologies de l’information ont favorisé ce mouvement de concentration à l’interne.
«Aujourd’hui, on peut facilement gérer des fonds d’actions de pays émergents à partir de Montréal ou de Toronto», constate Jean Morissette.
Nombreux rapatriements
De fait, comme le montre «La tournée 2014 des sociétés de FCP» de Finance et Investissement, la majorité des fonds mis en marché au cours de la dernière année sont gérés à l’interne.
C’est le cas par exemple des six nouveaux fonds de Placements Mackenzie. Cette société a en outre rapatrié un mandat auparavant assumé par un gestionnaire du Kansas, Waddell & Reed.
Sa société soeur Investors a fait de même avec un fonds qui était piloté par Eaton Vance, en le redirigeant chez Putnam, qui appartient au même groupe, Great-West Lifeco.
Récemment, RBC Gestion d’actifs a donné un exemple peut-être plus frappant encore.
Regroupée à Londres au sein de RBC Global Asset Management (UK), une nouvelle équipe de gestionnaires de fonds d’actions internationaux de RBC est désormais responsable d’un actif de 1,6 G$ d’actif piloté par la torontoise Sky Investment Counsel. L’équipe londonienne a également pris la direction des nouveaux Fonds d’actions mondiales RBC et Fonds spécifique d’actions mondiales RBC.
firmes canadiennes boudées
Autre tendance : souvent, les promoteurs qui font encore appel à des gestionnaires externes semblent n’avoir d’yeux que pour des firmes de grande taille établies à l’extérieur du Canada.
Par exemple, le nouveau Fonds de revenu flexible NWQ Sun Life est géré par NWQ Investment Management Company, de Los Angeles. NWQ appartient à Nuveen Investments, un géant de plus de 225 G$ US d’actif.
De son côté, Scotia a fait appel à la floridienne Polen Capital Management (4,7 G$ US) et à la bostonnaise Lee Munder Capital Group (5,7 G$ US).
Pour sa part, la CIBC a confié des mandats de gestion à la new-yorkaise Pzena Investment Management (27 G$ US), à la californienne Causeway Capital Management (34 G$ US) et à la floridienne INTECH Investment Management (48 G$ US), propriété de Janus Capital.
Petits à l’échelle nord-américaine, les gestionnaires de fonds indépendants du Québec et du Canada peinent à se faire remarquer. Certains passent sous le contrôle d’acteurs plus importants, comme cela a été le cas pour Addenda Capital, acquise par le Groupe Co-operators en 2008.
Très rarement, des gestionnaires indépendants parviennent à créer leurs propres familles de fonds, comme Jarislowsky Fraser en 2010 après qu’elle a perdu des mandats de gestion de la TD.
Cela dit, le chemin des gestionnaires indépendants vers les portefeuilles des épargnants est, sans conteste, de plus en plus long et difficile.
Il semble bien difficile d’attirer l’attention des grands promoteurs, à moins d’avoir la taille d’un Fiera Capital, qui a obtenu récemment deux mandats de la britannique Russell Investments Company (Royaume-Uni).