En janvier par exemple, la banque centrale américaine a réduit ses injections mensuelles dans l’économie à 65 G$ US, alors qu’elles se situaient depuis leur début, en septembre 2012, à 85 G$. La Fed prévoit supprimer graduellement l’assouplissement quantitatif.

En fait, la question du tapering en entraîne deux autres : «Quel sera son effet sur l’économie des États-Unis ?» et «Quel sera son effet sur la Bourse ?» Les analystes à qui Finance et Investissement a parlé prévoient que le retrait de la Fed n’aura pas de conséquences négatives sur l’économie.

«En fait, si la Fed se retire, cela montre que l’économie se porte mieux», affirme Guy Côté, premier vice-président à la Financière Banque Nationale.

«La Fed est mieux placée que quiconque pour évaluer l’économie. Je crois que celle-ci est assez robuste pour se maintenir d’elle-même», dit Nicolas Chevalier.

Redémarrer la consommation

Jusqu’ici, les données donnent raison à de telles analyses. Malgré un repli de la création d’emploi en janvier, le taux de chômage ne cesse de baisser, atteignant un creux de 6,7 % au cours du même mois, bien que ce chiffre exclue les ex-chômeurs qui ont cessé de chercher du travail.

De plus, les prix des maisons continuent de se renforcer. Et cela ne peut que continuer dans ce sens, juge Guy Côté, car l’impact sur la confiance des consommateurs, dont les achats représentent 70 % du PIB américain, sera déterminant.

«Imaginez que vous ayez connu la crise de 2008, mais que les choses vont bien depuis deux ans et que votre maison prend de la valeur. Cela donne confiance aux consommateurs et crée un « effet de richesse ». Ils augmenteront leurs dépenses, ce qui entraînera la reprise des chaînes de production partout dans le monde, en Chine particulièrement.»

Cette reprise tiendra dans la mesure où les taux d’intérêt ne remonteront pas en réaction au tapering de la Fed.

C’est l’inconnue de l’heure. L’arrêt du stimulus monétaire «pourrait hausser l’inflation, et en 2015, les taux pourraient fort bien remonter, ce qui aurait un effet négatif sur l’économie», anticipe Jean-René Adam, chef des placements et vice-président, marchés nord-américains, chez Hexavest, à Montréal.

«Ce sera difficile pour la Fed de contrôler les taux si elle effectue son tapering. Par contre, si les taux ne remontent pas trop, l’économie pourrait poursuivre sur sa lancée.»

Tentation

Dans un tel contexte, plusieurs se demandent si le moment est bien choisi pour investir dans les marchés boursiers américains. Au début de février, ceux-ci lançaient d’importants signaux d’essoufflement.

Guy Côté n’hésite pas un instant. «Le marché américain a connu un rendement de 30 % au cours de 2013. À présent, les gens prennent leurs profits, ce qui est normal après une hausse aussi forte. En fait, cette baisse est saine. Cette faiblesse est une occasion d’entrer dans le marché, tout particulièrement pour ceux qui ont manqué la remontée des dernières années.»

Jean-René Adam considère la situation d’un tout autre oeil. «Nous ne touchons pas à la Bourse. D’autant plus que le sentiment est très positif en ce moment. Quand tout le monde est du même côté, cela entraîne des excès.»

Selon ce portefeuilliste, les évaluations sont à un de leurs niveaux les plus élevés, soit un ratio cours/bénéfice de 16, alors que la moyenne historique s’établit à 14.

La stimulation monétaire a agi tout au long des dernières années, entraînant la Bourse à la hausse, même pendant les périodes grises.

«Nous pensons que si l’assouplissement quantitatif a aidé la Bourse, son arrêt va lui nuire. Selon nous, la force de l’économie est déjà escomptée dans les prix, et on a déjà vu la Bourse baisser, même dans le contexte d’une bonne économie», dit Jean-René Adam.

Voie médiane

Entre ces deux extrêmes, il y a une voie médiane, celle des belles occasions. Même Jean-René Adam, malgré son pessimisme, les reconnaît, notamment dans le secteur pharmaceutique, où l’émergence de plusieurs nouveaux médicaments et des «pipelines» de recherche bien garnis présentent de bonnes perspectives de bénéfices.

Nicolas Chevalier est encore plus enthousiaste. Tout d’abord, comme Jean-René Adam et Guy Côté, il croit que l’économie américaine est en plein essor.

«Cependant, même dans des marchés difficiles, on trouve des occasions», dit Nicolas Chevalier. Et plus que dans la croissance, dit cet investisseur dont le style est définitivement de type croissance, «c’est dans le changement que nous investissons.»

Or, l’économie américaine connaît actuellement des changements nombreux. Au premier chef, dans le domaine énergétique, où le boom pétrolier et l’abondance en gaz naturel créent des occasions exceptionnelles. Toutefois, ce ne sont pas ces secteurs qui intéressent Nicolas Chevalier et sa firme, mais plutôt leurs effets indirects.

Ainsi, dans un État en pleine expansion comme le Dakota, où le taux de chômage avoisine les 3 %, la prospérité pétrolière incite Nicolas Chevalier à investir… dans une chaîne de dépanneurs, Stripes.

Tout d’abord, les affaires sont bonnes, note-t-il. Et surtout, le marché des dépanneurs, qui compte de 15 000 à 20 000 dépanneurs au Texas seulement, étant très fragmenté, et Stripes étant particulièrement dynamique, «il offre des occasions de consolidation», note Nicolas Chevalier.

Autre dynamique de changement : l’impartition. Après avoir revu leur chaîne de valeur dans les récentes années moroses, les entreprises ont investi dans leurs activités essentielles et confié une foule d’activités à des sous-traitants.

Nombre d’entreprises bénéficient du phénomène dans une multitude de secteurs, que ce soit en informatique, en comptabilité, dans les services d’entretien ou de cafétéria, par exemple.