N’ayant pas accès aux Bourses nord-américaines, Gulfstream décide de retenir les services de Lévesque Beaubien Geoffrion (LBG), prédécesseur de Financière Banque Nationale (FBN) à compter de 1994.
Dès l’ouverture d’un compte auprès de LBG pour ses clients, Gulfstream négocie avec deux représentants de LBG, lesquels ne font qu’exécuter les ordres en provenance de Gulfstream.
Désirant faire profiter certains de leurs clients de l’occasion d’investir offshore, ces deux représentants demandent à Gulfstream d’ouvrir des comptes pour eux. Ainsi, 19 comptes sont ouverts et gérés exclusivement par les deux représentants à partir de Montréal.
En 1996, Andrew Pullan, un investisseur très expérimenté et agressif, résident de Toronto, décide d’investir offshore en ouvrant directement un compte auprès de Gulfstream, soit un compte distinct, sans conseil et sans marge, pour lequel il est le seul à prendre les décisions relativement aux transactions.
Pour ses commandes, Andrew Pullan traite avec Carolyn Hall, de Gulfstream, qui à son tour retransmet ses instructions aux deux représentants de Montréal. Après un certain temps, Andrew Pullan communique directement avec ces derniers.
En février 1998, les 19 comptes de LBG auprès de Gulfstream ont accumulé un déficit totalisant près de 2 M$, en raison de la gestion déficiente et fautive d’un des représentants de LBG.
Les représentants de LBG ont aussi demandé à Gulfstream de réunir ces 19 comptes en un seul compte, le «Clearwater Account», afin d’éponger les pertes entre les divers comptes. Sans le consentement d’Andrew Pullan, Gulfstream fusionne également le compte autogéré et sans marge de celui-ci avec les 19 comptes.
La conséquence de cette fusion est que le Clearwater Account est liquidé sans qu’Andrew Pullan puisse intervenir. À la lumière de ces faits et à la suite de sa perte, Andrew Pullan réclame sa perte en capital, sa perte de profits et des dommages-intérêts punitifs.
Première instance
Le juge a reconnu la faute du représentant de LBG en raison de sa négligence dans la gestion des comptes, et du fait qu’il a tenté de camoufler ses erreurs en fusionnant les comptes. Par conséquent, de l’opinion du juge, LBG a manqué à son devoir de supervision et de surveillance des activités de son employé, d’où sa condamnation.
En outre, le juge a retenu tant la faute de Gulfstream que celle de LBG, tout en précisant que les fautes n’avaient pas été commises à la même époque et que les conséquences juridiques engendrées étaient différentes.
Cependant, le juge était d’avis que seule la faute de LBG avait causé les dommages subis par Andrew Pullan, puisque la perte de capital résultait de la mauvaise gestion du compte et non de la fusion non consentie.
Cour d’appel
La Cour d’appel a estimé que, bien qu’un investisseur soit expérimenté comme Andrew Pullan, ce dernier n’avait pas à supporter les risques découlant des gestes lourdement fautifs d’un représentant, surtout si ces gestes vont à l’encontre des instructions précises qu’Andrew Pullan avait formulées, soit la création d’un compte distinct autogéré et sans marge, ce qui vient confirmer les conclusions du juge de première instance.
De plus, la Cour d’appel a conclu qu’il existe un lien causal entre la faute de Gulfstream et les dommages subis par Andrew Pullan. De fait, la Cour a jugé que Andrew Pullan était toujours client de Gulfstream, une situation qui créait donc une relation contractuelle entre les parties et qui imposait une obligation de résultats.
Pour la Cour d’appel, Gulfstream a commis deux fautes, la première en permettant que le compte d’Andrew Pullan devienne un compte à marge, et la seconde en autorisant la fusion du compte d’Andrew Pullan au Clearwater Account.
*Associée chez Gowling Lafleur Henderson s.e.n.c.r.l., s.r.l. en collaboration avec Me Karen Aguilar et Me Joanna Lozowik. Le présent article ne constitue pas un avis juridique.