Discussions en profondeur
«Il y a encore moins de femmes que d’hommes dans le milieu financier, parce qu’elles pensent que c’est un milieu de chiffres et de mathématiques, alors que c’est beaucoup plus un milieu de relations humaines», remarque Guylaine Dufresne, directrice principale Investissement et Planification financière chez Banque Laurentienne. «C’est un monde de relation de confiance, et nous, les femmes, avons cette facilité de créer des liens ainsi qu’une écoute peut-être plus grande que nos collègues masculins.»
Monette Malewski, propriétaire, présidente et directrice générale du Groupe M Bacal, va encore plus loin en affirmant qu’en assurance, «les femmes sont les meilleures pour l’industrie, parce qu’elles vont plus profondément dans leurs discussions pour mieux comprendre la situation». Elle s’explique : «Si quelque chose est arrivé hier, nous devons demander : « Est-ce que tout est en ordre ? » Nous devons parler de leurs dossiers médicaux, de leurs finances, de leur famille, et même de leur amant ; ce sont des questions délicates.»
Les professionnelles estiment d’ailleurs que les femmes sont naturellement plus à l’aise dans le domaine des services-conseils. «Je crois que les hommes voient la situation de façon un peu plus technique, tandis que nous la voyons [dans une perspective] plus large», souligne Annie Duchesne, présidente de Planifia, conseillère en sécurité financière et en rente collective, et représentante de courtier en épargne collective et sur le marché dispensé.
«Quand le client vient nous voir, c’est pour ses finances, oui, mais ça peut être aussi pour une réorganisation plus globale. Il a besoin que nous l’écoutions ; à ce sujet, je pense que nous avons un avantage», renchérit Maud Salomon, conseillère en sécurité financière, représentante autonome et représentante de courtier en épargne collective rattachée à MICA Capital. «C’est sûr que les [professionnels] plus anciens prennent peut-être ça pour du commérage, mais l’écoute est un travail actif et une partie importante de mon analyse», précise-t-elle.
Deux mondes bien différents
«Je crois que mon côté féminin apporte un volet plus enveloppant, plus mère de famille, fait valoir Annie Duchesne. Cet aspect de ma pratique, plus proche des émotions et de l’empathie, attire certaines clientèles.» Les autres femmes, par exemple. «Si on veut aller chercher une clientèle féminine, nous avons un avantage, parce que les femmes aiment bien parler aux autres femmes», croit Monette Malewski. Maud Salomon estime que «la discussion est peut-être plus ouverte, sincère et fluide».
Si Guylaine Dufresne reconnaît que certaines femmes sont plus à l’aise devant d’autres femmes, elle ne veut pas généraliser. «Ça dépend de l’attitude et de l’expérience des gens, dit-elle. Si une dame a rencontré un professionnel qui s’est montré condescendant, je comprends qu’elle va être échaudée et va vouloir consulter une femme.» Elle constate qu’en général, ses clients de 45 ans et moins «ne font pas vraiment de différence» entre les professionnels des deux sexes.
Sauf que la planificatrice financière travaille peut-être dans un milieu d’exception : la convention collective des employés syndiqués des succursales de la Banque Laurentienne est écrite au féminin ! «Ça m’a sauté aux yeux quand je suis arrivée il y a 12 ans, se souvient Guylaine Dufresne. À un moment, les femmes étaient plus présentes que les hommes. Aujourd’hui, pour les conseillers et les planificateurs, c’est presque 50-50.»
La situation est bien différente du côté des professionnelles indépendantes. «Nous ne sommes pas très nombreuses, affirme Maud Salomon. Je ne sais pas si c’est une facilité ou une difficulté, mais ce serait agréable d’avoir plus de femmes dans le milieu, car je trouve qu’il y a un désir de travailler ensemble et de s’aider.» D’ailleurs, elle s’interroge sur la ventilation des statistiques qui ont inspiré cette série. Si la CSF a déclaré ne pas être en mesure de faire cette distinction, «une majorité des femmes affiliées à l’IQPF sont employées par des institutions financières ou par leurs filiales», selon la responsable des communications, Liette Pitre.
L’écart tient peut-être un peu au fait que la pratique indépendante s’apparente à l’entrepreneuriat, un domaine encore très masculin. Étant l’une des rares à être certifiée FEA (Family Enterprise Advisor) au Québec, Monette Malewski est aux premières loges pour constater que «souvent, nous devons forcer un peu les fondateurs des entreprises à penser à leurs filles comme ils pensent à leurs garçons».
«C’est ma fille qui me succèdera, et pour au moins huit ou neuf de mes collègues masculins, c’est la même chose, conclut-elle. Ils sont ravis et pensent que leurs filles vont être incroyables.»