Le financement participatif, c’est une campagne de financement traditionnelle : par exemple, un réalisateur pourrait financer son projet de film en faisant appel au public et lui remettrait un bien ou un service, comme une copie ou une affiche du film.

Toutefois, les entrepreneurs industriels ou commerciaux sont de plus en plus nombreux à faire appel au financement public de leurs projets, financement pour lequel ils émettent des titres.

La petitesse des projets – les besoins de financement sont modestes, allant de 500 000 $ à quelques millions de dollars – rend cependant le premier appel public à l’épargne (PAPE) trop coûteux.

C’est ainsi que la vente de titres d’entreprises à capital fermé par l’entremise d’une plateforme sociale, sorte de Facebook des valeurs mobilières, a vu le jour.

«C’est une façon d’ouvrir le placement privé à tous les investisseurs, et non seulement aux investisseurs qualifiés, tout en permettant aux PME de solliciter du financement», selon Pascal de Guise, associé du cabinet BCF et spécialiste de la question.

L’avocat d’affaires relève que seulement 4 % des sociétés canadiennes cotées en Bourse sont québécoises. Il est d’avis que le financement participatif par équité a le potentiel d’augmenter ce pourcentage.

À l’heure actuelle, seuls les investisseurs qualifiés, soit ceux ayant des revenus annuels d’au moins 200 000 $, ont accès au placement privé.

Il y aurait 41 000 investisseurs qualifiés au Québec, selon les évaluations de BCF.

Ce bassin investit dans le capital fermé d’une entreprise notamment par l’entremise du financement fait sans prospectus, permis en vertu de la dispense prévue au règlement 45-106.

L’enjeu pour les régulateurs, c’est de voir s’il y a lieu de démocratiser davantage cette forme de financement en permettant aux plus petits investisseurs d’y participer.

L’an dernier, les sociétés inscrites à la Bourse de croissance TSX ont réalisé 1 844 financements de capital, dont 93 % en vertu de la dispense 45-106, qui permet le financement participatif par équité.

Les audiences tenues par l’AMF ont fait ressortir que la formule du financement participatif pourrait permettre aux entreprises des régions de combler leurs besoins continus en capital. Elles pourraient ainsi s’abreuver à même le capital de la région.

«Dans l’Ouest canadien, les entrepreneurs utilisent ce mode de financement participatif. Mais ici au Québec, les gens ne l’utilisent pas», note Louis Morrisset, surintendant des marchés de valeurs à l’AMF, qui se demande s’il faut en faire plus, et surtout comment aider les PME à se financer sur les marchés.

Depuis décembre dernier, l’AMF permet de se financer à hauteur de 500 000 $ par des investissements personnels de moins de 2 000 $, sans avoir à fournir d’états financiers vérifiés.

Les portails Web

L’une des grandes préoccupations des régulateurs porte sur les plateformes de sollicitation.

Les portails Web de financement participatif pullulent en Europe et en Amérique du Nord. Ils font office d’intermédiaire financier, sans en avoir le statut.

«Il n’y a rien présentement pour encadrer les intermédiaires financiers (que sont les plateformes sociales). Il est donc impossible de rencontrer les clients, et les entrepreneurs ne peuvent pas s’adresser directement à un [courtier]», déplore Maxime Lévesque, de la plateforme Fundo.ca.

C’est ce rôle qui doit être encadré, soutient Sophie Jean, analyste à la réglementation de l’AMF. «Le modèle traditionnel [d’investissement] se base beaucoup sur le fait que le courtier a une relation avec le client. On se pose la question, à savoir s’il y a véritablement une relation entre l’investisseur et le portail Internet.»

Qui dit relation entre un client et un courtier dit analyse des besoins, vérification diligente des produits offerts, probité des dirigeants, garanties contre la fraude…

«À quoi ressembleraient les obligations d’un portail en terme de statut de personne inscrite ?» demande Sophie Jean.

Pierre Lortie, conseiller principal chez Fraser Milner Casgrain, met en garde contre une définition des plateformes de financement participatif qui les classerait avec les courtiers à escompte.

«Le portail ne peut être autre chose qu’un gardien, un gatekeeper. On ne peut pas lui donner des responsabilités de courtier, sinon on dénature le projet.»

Et le client qui veut investir 2 000 $ dans une entreprise locale, de qui on exigerait de remplir toutes les conditions réglementaires d’usage pour les clients des fonds d’investissement, irait voir ailleurs.

Le problème du régulateur, «c’est que tous les investisseurs doivent être traités également. On ne peut avoir d’investissement à deux vitesses», à savoir des investisseurs qui sont protégés, et d’autres pas. Ce type de financement fe rait bien des heureux, conclut Pascal de Guise.

«Le secteur financier montréalais aurait bien besoin de cela : plus d’accès aux marchés, c’est plus d’emplois dans le secteur, c’est aussi un accès élargi pour les investisseurs et plus de financement pour les entrepreneurs.»