Il s’agit d’un produit assez unique et niché, innovateur, qui s’adresse principalement aux divisions de courtage et aux services de risque, aux organismes de réglementation et aux Bourses, résume-t-il. Il peut être utilisé par exemple pour optimiser des modèles d’investissement ou des systèmes transactionnels automatiques servant à des transactions à haute fréquence, ou aux fins de distribution de données structurées et non structurées à des clients.
«C’est un produit qui fait des choses qu’on ne retrouve pas ailleurs sur le marché, car aucune technologie traditionnelle n’arrive à fonctionner avec une telle quantité d’information prise en charge. Notre concurrence principale, ce n’est pas une autre firme ayant développé une plateforme comme la nôtre, ce sont les institutions financières qui essaient de construire quelque chose à l’interne», constate Francis Wenzel.
Rayonner au-delà de l’Amérique
Plusieurs clients d’importance, dont NASDAQ Canada, la Banque Nationale et CME Group, qui regroupe les Bourses Chicago Mercantile Exchange, Chicago Board of Trade et Chicago Board Options Exchange, ont déjà adopté la plateforme TickVault.
TickSmith, qui est présent à New York et à Toronto, recherchait un partenaire capable de soutenir l’ouverture d’un plus gros bureau de vente à New York et d’un bureau à Londres et de permettre la multiplication des activités de promotion et de marketing.
La firme n’avait «pas besoin d’argent pour survivre», c’est pourquoi le partenariat ne se limite pas à un volet financier, précise Francis Wenzel. Il évoque plutôt du smart money, c’est-à-dire un investissement qui s’accompagne «de toute une expertise».
« Illuminate est un groupe dont les fondateurs sont issus du même milieu que nous, celui du courtage et des valeurs mobilières. Ils se sont engagés à soutenir de plus petites entreprises technologiques offrant des solutions novatrices pour le monde du courtage et de la finance, et ils sont armés d’un incroyable réseau de contacts et d’experts pour aider ces entreprises dans lesquelles ils investissent à aller plus loin », ajoute Francis Wenzel.
Il estime que ce partenariat devrait permettre à TickSmith de cibler et rejoindre beaucoup plus aisément les participants des marchés financiers susceptibles d’adopter sa solution technologique. Surtout, il n’implique aucune délocalisation du développement de la plateforme, assure Francis Wenzel.
«La plateforme règle un problème fondamental, qui consiste à mettre en un seul endroit des quantités faramineuses d’informations boursières et financières afin de pouvoir en tirer de la valeur. Nous avons bien l’intention d’y ajouter d’autres fonctionnalités et de le faire depuis Montréal, dit-il. Il y a beaucoup de ressources à Montréal, beaucoup d’expertise, mais surtout, lorsqu’il est question de programmation et de design de nature innovatrice, de créativité, on en retrouve beaucoup à Montréal, ce que l’on ne voit pas dans d’autres parties du monde.»
Montréal se classe au 18e rang du palmarès des 25 villes les plus high-tech de la planète du magazine anglais Business Insider publié en août 2017, derrière San Francisco, New York et Londres, qui occupent les trois premiers rangs. On y évoque la forte culture start-up propre à Montréal et on souligne que toute personne désirant être designer industriel ou programmeur « devrait envisager de déménager à Montréal, et encore plus dans le cas de celles voulant travailler dans les secteurs des technologies portables ou de la réalité virtuelle ».
TickSmith commence également à s’intéresser à l’apprentissage machine (machine learning) et à l’intelligence artificielle (IA). «Nous ne sommes pas des experts en machine learning, mais les firmes qui veulent en faire de manière sérieuse se heurtent rapidement au fait qu’il leur faut accéder à beaucoup de data utilisable en un seul endroit, et ce problème, nous l’avons résolu pour le monde du courtage», rappelle Francis Wenzel.
Dégager des synergies, à Montréal
Dans son «Plan économique du Québec 2017-2018», le ministre des Finances, Carlos Leitão, s’est engagé à verser 1,5 M$ sur deux ans à Finance Montréal pour la création d’un pôle d’excellence destiné aux nouvelles technologies financières. Il faisait ainsi écho à la principale recommandation d’une étude d’EY publiée en février 2017.
«Le constat tiré de la trame de fond de toutes les entrevues effectuées, c’est qu’à défaut de s’organiser et en laissant le secteur croître de manière « organique », il y aurait tout de même un développement des fintechs à Montréal, mais il ne se ferait certainement pas aussi rapidement», commentait Sébastien René, associé et leader des Services consultatifs en technologies de l’information d’EY pour le Québec, lors d’un entretien avec Finance et Investissement.
«Est-ce que c’est bien qu’on essaie de dénombrer et de regrouper le troupeau pour voir s’il n’y a pas des synergies à dégager ? Absolument !» estime Francis Wenzel, qui juge pertinente l’initiative visant à créer un pôle de technologie financière à Montréal.
D’autant que le terme fintech est vraiment générique, comme si le fait de vendre du popcorn dans un cinéma de la Rive-Sud de Montréal sous-entendait qu’on avait rejoint l’industrie du cinéma, illustre-t-il.
Francis Wenzel est d’avis que de la fintech, il y en a depuis toujours à Montréal, « c’est juste que maintenant, il existe une étiquette fintech ».
« Cela fait 32 ans que je suis dans l’industrie. Au début des années 1990, nous étions trois cofondateurs de TickSmith sur quatre à travailler pour une firme appelée Exchange Market Systems (EMS) – soit lui-même, Marc-André Hétu et David Côté, l’autre cofondateur étant Tony Bussieres – et nous avons alors été directement impliqués dans la création de la majorité des solutions de courtage électronique utilisées par les banques canadiennes », évoque-t-il.
La mode des fintechs, telles que nous les connaissons aujourd’hui, découle de la crise financière de 2009, estime Francis Wenzel.
Les institutions financières, surtout celles situées au sud de la frontière, ont dû rationaliser en raison des pertes encaissées, et les groupes de recherche et développement ont alors beaucoup écopé. Sauf que les problèmes que ces personnes tentaient de régler existaient toujours et bon nombre d’entre elles ont créé leur entreprise, ce qui a mené au mouvement que l’on connaît en matière de fintech, raconte Francis Wenzel.
Aujourd’hui, le terme fintech « colle autant pour une entreprise comme TickSmith, qui a développé un produit B2B destiné aux institutions financières, qu’à une firme ayant mis au point une solution de micropaiement sous forme d’application offerte sur l’App Store et qui pourrait être diffusée auprès de millions de personnes. Donc, c’est vraiment très large », précise Francis Wenzel.
La création d’un pôle d’excellence fintech prend tout son sens, parce qu’il y a justement une diversité d’expériences mise en cause, selon Francis Wenzel.
«Si vous venez chez TickSmith, vous constaterez que les fondateurs sont un peu plus âgés, plusieurs ont la quarantaine. Par contre, nous faisons affaire avec des fintechs dont les opérateurs n’ont pas encore 20 ans. Dans ce milieu, il y a toujours des moments difficiles et ce qui est plaisant, c’est que les gens dans les start-up en général n’ont pas peur de s’entraider. Cette variété d’expériences, c’est une chose qui peut être partagée d’une firme à l’autre, et structurer les choses pour le faire ne peut certainement pas être une mauvaise initiative.»