Des mains tendues en cercle. Dans chaque main on voit des billets de diverses pays.
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Une ronde de financement, c’est un processus long et particulièrement coûteux pour les entrepreneurs. Cependant, le jeu en vaut la chandelle car cela permet souvent de grandir plus vite et d’atteindre le marché avant ses compétiteurs, à condition évidemment de maximiser la récolte. Car en plus d’offrir de l’argent, ces rondes peuvent permettent également de gagner en popularité, de générer de nouveaux contacts et d’élargir les expertises.

Évidemment la compétition est féroce dans ce domaine. Philippe Daoust, responsable de l’investissement en capital-risque de la Banque Nationale, explique que depuis qu’il occupe ce poste (octobre 2017), il a rencontré près de 300-400 entreprises. De ce nombre, il en a ramené peut-être de 10 à 15 % à la banque. Les autres ne passent pas le test. Soit parce qu’il est encore trop tôt, ou parce qu’elles ne proposent pas des produits intéressants pour la stratégie de la banque.

« On rencontre vraiment énormément de compagnies. Il y a beaucoup de startups sur le marché canadien, américain et mondial. Et sur toutes ces compagnies, il y en a peut-être une trentaine avec laquelle la banque fait affaire. Sur celles-ci, nous avons investi dans 13 d’entre elles », spécifie-t-il.

Processus entourant ces rondes

Le processus à l’origine des rondes de financement, soit l’introduction aux capitaux (seed) est complexe et long. Il peut être découpé en plusieurs étapes.

  • Pré-seed : la phase où une personne a une idée de startup. Il va ensuite voir sa famille ou un « ange » pour demander de l’argent en échange d’une partie de ce que la compagnie pourrait devenir dans le futur. Cette première somme, qui peut souvent atteindre entre 50 000 $ et 200 000 $, permet de construire un prototype.
  • Seed : Pendant cette phase on construit le prototype. On pourrait également approcher des clients potentiels. Durant cette ronde, on cherche à récolter entre 100 000 $ et 300 000 $. Ces deux phases sont habituellement les plus coûteuses, car les gens de l’externe qui investissent vont prendre une bonne portion de la compagnie. On parle ici de 20-30 % pour 150 000 $ environ, précise Philippe Daoust.
  • Pré-série A ou série A : là, on construit vraiment le produit ou la solution. La ronde permettra alors de l’améliorer. Souvent, on tente d’amasser autour de 450 000 $ à 1,5 ou 2 millions de dollars (M$).

Ensuite viennent les autres séries dont le nombre et les montants demandés dépendent du but de l’entreprise et de la grosseur du marché visé.

La plupart du temps les fonds d’investissement vont se spécialiser leur implication dans certaines de ces étapes, explique Philippe Daoust. A-Venture par exemple, une société européenne de capital risque qui gère différents incubateurs principalement dédiés à l’économie numérique, est très fort en seed et en série A. La Banque Nationale, elle, se spécialise davantage dans les étapes pré-série A à série B. Cependant, les investisseurs peuvent participer à d’autres rondes d’investissements sans les diriger.

Séduire les investisseurs

Puisque la compétition est féroce, il est essentiel pour un entrepreneur d’être bien préparé avant de proposer sa solution à des investisseurs.

« Un des problèmes des entrepreneurs c’est que souvent ils ont créé un marteau sans se demander s’il y avait un clou à frapper avec. Quand les startups m’approchent, moi je leur demande toujours quel problème elles veulent régler et ce n’est pas toujours clair », explique Philippe Daoust.

Il estime donc que la première chose à faire c’est de se demander quel problème l’on peut voir dans l’industrie et ensuite trouver une solution. En agissant de la sorte, les entrepreneurs auront davantage de chance d’intéresser les investisseurs, affirme-t-il.

Il faut ensuite se construire un plan d’attaque crédible. « Souvent, je rencontre des compagnies qui me présentent un plan et sur cinq ans, ils pensent qu’ils auront battu Google et Amazon », s’amuse l’expert. Selon lui, il faut faire attention, car être trop optimiste peut décrédibiliser le projet dans son ensemble.

La troisième étape consiste à déterminer à quoi l’argent des rondes de financement va servir concrètement. « Il faut savoir quoi faire avec cet argent, où on veut amener l’entreprise avec. C’est ça que les investisseurs vont vouloir financer et c’est cela qui va déterminer la valeur de l’entreprise », insiste-t-il.

Des domaines populaires

Afin d’aider les startups à trouver le clou où frapper, le responsable de l’investissement en capital-risque de la Banque Nationale cible trois domaines très en demande en ce moment.

Évidemment la sécurité figure en numéro un, particulièrement depuis la fuite de données personnelles survenue chez Desjardins. Ce sujet est au centre de l’actualité et il est sûr que les compagnies vont vouloir trouver des partenaires pour les aider là-dedans.

Un autre secteur est celui de l’intelligence artificielle. Les gens commencent seulement à fouiller ce domaine et à lui trouver des applications. Selon l’expert, il y a encore beaucoup de place pour les nouvelles compagnies.

Finalement, Philippe Daoust propose de se concentrer sur l’expérience client. « Les entreprises sont là depuis au moins une vingtaine d’années et l’expérience client est appelée à changer à travers la technologie. Les banques ne veulent pas être en retard. »

Les startups de la Banque Nationale

Ces deux dernières années, la Banque Nationale a choisi d’investir dans 13 compagnies, car celles-ci vont lui permettre d’accélérer sa transformation ou d’offrir un meilleur service à leurs clients.

Parmi elles, on retrouve une seule compagnie américaine. Nommée MX, celle-ci fait de l’agrégation de données. Les autres compagnies sont toutes québécoises.

« On a consciemment fait le choix d’investir plus massivement au Canada, car la Banque Nationale croit au marché canadien. On veut aider les entrepreneurs d’ici », déclare Philippe Daoust.

Parmi les compagnies québécoises, on retrouve Flinks, qui permet de faire de l’agrégation de données sur le site de la Banque Nationale; MindBridge, qui fait des audits internes et Dialogue, une plateforme de soins virtuels.

Quelques chiffres

En 2018, les investissements dans le capital-risque au Canada ont atteint 3,5 milliards de dollars américains (G$ US). Le Québec s’est surpassé cette année avec un investissement de 1,3 G$ dont 861 M$ à Montréal et 427 M$ à Québec. En comparaison, la Belle province avait investi 840 M$ en 2017. L’Ontario a quant à lui investit 1,5 G$ US en 2018.