Cela implique une valeur assignée à l’entreprise d’un peu moins de 3 M$.
Wafu n’a pas été en mesure de recueillir les 500 000 $ qu’elle visait au départ, mais ce coup de pouce a été fort utile.
«Depuis ce financement, nous avons été en mesure de croître beaucoup plus rapidement», dit Gil Michel-Garcia, président-directeur général de Wafu.
«Nos ventes étaient de 1,5 M$. Grâce au financement, nous allons les faire passer à 2,5 M$.»
Wafu attend maintenant l’occasion de répéter l’expérience.
«Nous pensons à une nouvelle ronde de financement, ajoute Gil Michel-Garcia. Mais j’aimerais attendre que la législation soit mise en place en Ontario, de façon à pouvoir faire une autre offre de financement de 500 000 $ simultanément au Canada et aux États-Unis.»
Domaines bien distincts
Le «financement social» fait de plus en plus parler de lui. Pourtant, on ne le pratique nulle part en Amérique du Nord dans sa forme «pure», sauf en Saskatchewan, grâce à une législation en vigueur depuis le début de décembre.
Il faut d’abord distinguer le financement social pour des collectes de fonds au bénéfice d’organismes sans but lucratif – nettement le plus répandu – du financement d’actionnariat d’entreprises.
Au total, les différents sites de crowdfunding ont recueilli 2,8 G$ US en 2012, montant qui est appelé à grimper à 5 G$ US en 2013, selon Perry Niro, président fondateur de Finanso, le nouveau Centre québécois en financement social.
De ce total, les collectes de fonds pour les organismes sans but lucratif représentent encore la part du lion, mais «c’est dans le secteur de l’actionnariat que les jeux se feront», soutient Perry Niro.
Le financement social «pur» repose sur la mise en place de sites Internet qui offrent des projets d’investissement au grand public et vendent à celui-ci des titres de propriété dans les entreprises engagées dans ces projets.
C’est ainsi qu’on le pratique en Australie, par exemple, qui a pris les devants par rapport aux autres pays.
En Amérique du Nord, le crowdfunding est pratiqué seulement par des courtiers, habituellement actifs dans le secteur des produits dispensés. Ils offrent des titres uniquement à des investisseurs accrédités (dont le revenu annuel est d’au moins 200 000 $ ou qui possèdent au moins 1 M$ d’actif).
Toutefois, tant aux États-Unis qu’au Canada, les autorités de réglementation se penchent sur le phénomène, ne sachant pas tout à fait encore comment l’aborder.
Aux États-Unis, la Securities and Exchange Commission a publié un document de consultation de 585 pages qui, selon Perry Niro, est fort indigeste. On craint qu’il nuise au secteur plutôt que de l’aider.
Entre Bourse et capital de risque
Le problème tient au fait que le financement social se tient à la frontière entre deux mondes fort différents : l’investissement boursier et le capital de risque, dit Patrick Théorêt, directeur du financement des sociétés à l’Autorité des marchés financiers.
L’investissement boursier est structuré pour protéger le plus possible l’investisseur en faisant porter la responsabilité sur un courtier.
Celui-ci a l’obligation de bien connaître son client et doit fournir un prospectus qui fait uniquement état de la performance passée de l’entreprise. Advenant une fraude ou un cas de fausse représentation, l’investisseur a un recours légal à l’endroit de son courtier.
Dans le capital de risque, le courtier n’existe pas. L’investisseur ne doit compter que sur lui-même. Le prospectus est remplacé par le plan d’affaires dans lequel abondent les projections futures – normalement exclues des prospectus.
Autre dimension cruciale : la revente des titres acquis. Dans le marché secondaire de la Bourse, tout titre peut habituellement être revendu instantanément.
Dans les sites de crowdfunding, il n’en est rien, les titres étant souvent peu liquides. L’investisseur peut être obligé de détenir ses titres fort longtemps, des années même.
«C’est un aspect qui est négligé en ce moment,» souligne Gil Michel-Garcia.
Toutefois, tout cela est appelé à changer, selon Perry Niro, «car un marché secondaire va se mettre en place», dit-il.
Risques et périls
Conclusion des organismes de réglementation : le crowdfunding est un secteur à plus haut risque, où les investisseurs ont besoin d’être plus avertis et où ils peuvent se brûler plus facilement.
Cependant, le secteur est trop attrayant pour qu’on l’interdise. Il est susceptible de devenir une solution aux problèmes de financement des entreprises en démarrage. «Les moyens de financement actuellement disponibles sont difficilement accessibles pour ces entreprises», explique Patrick Théorêt.
«Le crowdfunding comble un immense vide dans le marché», tranche Gil Michel-Garcia.
En effet, les entreprises qu’il vise doivent compter sur du financement informel, dans un no man’s land entre argent des proches et capital de risque. De plus, ces entreprises n’intéressent pas les banques.
En même temps, l’insertion d’une entreprise dans un réseau social peut considérablement la dynamiser en étendant son marché et en élargissant ses sources de financement.
C’est pourquoi un cadre règlementaire doit déterminer qui sera détenteur d’un site de crowdfunding – plus probablement des courtiers autorisés du secteur des produits dispensés.
Il faut également établir quelle information sera obligatoire et s’assurer que les participants soient conscients des risques dans lesquels ils s’engagent.
Surtout, on veut limiter les risques des participants, notamment ceux liés à la fraude ou à la faillite de l’entrepreneur.
C’est ainsi qu’on parle de plafonner les montants que peuvent recueillir les entreprises. Par exemple, on pourrait établir un maximum de 150 000 $ deux fois par an, comme c’est le cas en Saskatchewan.
Plus encore, on prévoit établir des plafonds d’investissement, par exemple interdire toute injection de plus de 2 500 $ par personne, quitte à établir un maximum annuel de 5 000 $.
Rien n’est encore fixé. Toutefois, un échafaudage de règlementation est en train de se mettre en place au Québec.
«J’ai confiance qu’au cours de 2014, nous publierons des règles, probablement en parallèle avec l’Ontario», avance Patrick Théorêt.