«Si on peut remplacer l’École dans l’attribution d’une bourse ou d’une chaire de recherche, on le fait. Quand l’École a voulu acquérir une première résidence d’étudiants, c’est la Fondation qui a fourni les fonds», cite-t-il en exemple.

«Dans la situation actuelle, notre Fondation est devenue une condition sine qua non pour que les HEC puissent espérer conserver le même niveau de qualité», juge-t-il.

Cependant, la tâche n’est pas aisée pour les fondations québécoises qui doivent composer avec une culture philanthropique qui est moins ancrée dans la province qu’elle ne l’est aux États-Unis ou même dans le reste du Canada.

La fondation québécoise la plus importante est celle de l’Université McGill, au troisième rang au Canada, qui cumule un actif de plus de 1 G$, selon l’Association canadienne du personnel administratif universitaire. Loin derrière, au 18e rang, se trouve la fondation de l’Université de Montréal, avec quelque 245 M$ (voir le tableau).

Si on les compare aux fondations universitaires américaines, le portrait est saisissant. L’Université de Toronto, où se trouve la fondation universitaire canadienne la plus importante, se classe au 49e rang dans un palmarès canado-américain ; McGill est quant à elle reléguée au 73e rang, d’après la National Association of College and University Business Officers (NACUBO).

Les cinq premières universités (américaines) du classement ont toutes un actif sous gestion de plus de 20 G$ US. La première, Harvard, avait 35 G$ US sous gestion en 2014.

Stratégies différentes

Cela dit, il existe une autre différence majeure entre les fondations américaines et canadiennes, et elle a plutôt trait à la stratégie d’investissement. Les fondations américaines recourent beaucoup plus aux stratégies dites «alternatives» (capital-actions privé, immobilier, infrastructures, fonds de couverture, etc.).

Les grandes fondations américaines (plus de 1 G$ US) investissent en moyenne 57 % de leur portefeuille dans ce genre de stratégies, selon la NACUBO.

Quant aux fondations qui ressemblent davantage à leurs homologues canadiennes, c’est-à-dire celles dont l’actif se situe entre 101 et 500 M$ US, elles investissent en moyenne 33 % de leur actif dans des stratégies alternatives. Dans le cas des fondations américaines dont l’actif varie de 51 à 100 M$ US, ce taux est de 24 %. Au Québec, la seule fondation universitaire qui investisse au-delà de ce pourcentage est l’Université McGill, qui place 30 % de son actif dans des placements alternatifs.

Les fondations canadiennes investissent en moyenne 16 % de leur actif dans les stratégies alternatives, 22 % en actions canadiennes, 37 % en actions étrangères, et 24 % en titres à revenu fixe.

Peu de placements alternatifs

Guillaume Gosselin, gestionnaire principal au service des placements de l’Université McGill, admet que cette fondation tend davantage vers le modèle américain en investissant davantage dans des placements alternatifs.

«Pour le faire, il faut des ressources, souligne-t-il néanmoins. Il y a aussi une question de taille. Dans certaines catégories d’actifs, il faut des montants substantiels pour investir, mais aussi pour être suffisamment diversifié.»

Pascal Duquette, qui a été président et chef de la direction chez Gestion de portefeuille Natcan jusqu’en 2012, souligne quant à lui que les stratégies alternatives, «ce n’est pas la spécialité canadienne», tant sur le plan de l’expertise que de l’offre d’investissement.

«Au Québec, il y a très peu de fonds d’infrastructures ou de fonds d’immobilier. De plus, les expériences québécoises en la matière n’ont pas été en général très concluantes», dit-il.

De son côté, Sébastien Naud, conseiller principal et chef de bureau chez Mercer à Québec, admet que le marché des placements alternatifs n’est pas très développé au Québec et au Canada, mais il souligne toutefois que ces placements sont de plus en plus accessibles. Et rien n’empêche, selon lui, même une petite fondation d’investir dans des fonds étrangers.

Selon Sébastien Naud, le fait que les fondations universitaires sont souvent gérées en tandem avec les caisses de retraite n’est peut-être pas étranger au fait que les fondations canadiennes font preuve d’un plus grand conservatisme.

Le rendement préoccupe

Quoi qu’il en soit, selon un sondage mené l’année dernière et en 2013 par Mercer auprès d’une quarantaine de fondations de toutes sortes, il reste que le rendement est la préoccupation principale des gestionnaires canadiens. «L’enjeu principal des fondations est de générer des rendements pour pouvoir maintenir leur taux de dépenses», explique Sébastien Naud. En effet, si la taille des fondations canadienne diffère de celle de leurs homologues américaines, leurs taux de dépenses sont sensiblement les mêmes, soit entre 4 et 4,5 % de l’actif annuellement.

Mercer voit clairement un potentiel dans l’aide qu’elle peut apporter aux fondations. La société vient d’acquérir Hammond, une société américaine spécialisée dans le service-conseil aux fondations américaines.

«Nous considérons que pour les caisses de retraite et les fondations, les solutions ne sont pas les mêmes. D’un côté, on promet une rente à long terme, et de l’autre, on veut maintenir un taux de dépenses constant. La stratégie de gestion du risque n’est pas la même», explique Sébastien Naud.

Pour sa part, Pascal Duquette se dit moins préoccupé des rendements que de l’entrée d’argent frais. Il a mené récemment à HEC Montréal, conjointement avec l’Université de Montréal et l’École polytechnique, ce qu’il qualifie de «plus grande campagne de soutien jamais tenue» afin d’amasser 500 M$. Et même si la fibre philanthropique des Québécois est des plus fragiles, il garde espoir. «On part de loin, mais on s’améliore», dit-il.