En effet, les clients de firmes, qui ont une bien plus forte concentration de fonds maison dans leur portefeuille, n’hésitent pas à recommander leur conseiller à leur entourage. Si peu de gens de l’industrie ne sont pas étonnés par ce résultat, certains, comme Gino Savard, président de MICA Cabinets de Services Financiers, pensent que c’est parce que « les clients n’ont aucune idée du potentiel de conflit d’intérêts ».
« Peu importe où travaille le conseiller, s’il est bon, il va avoir du succès et être référé », affirme-t-il. Du moment que le conseiller comprend son client, qu’il parvient à évaluer sa tolérance au risque et le faire investir dans des produits qui lui conviennent, il sera recommandé, sur ce point les intervenants interrogés se rejoignent.
Plusieurs conviennent aussi qu’il est normal qu’un conseiller soit plus enclins à offrir un fonds maison s’il le connaît mieux, notamment parce qu’il obtient plus d’information sur celui-ci de sa firme.
Le point plus délicat, c’est le biais qui pourrait pousser leurs conseillers à opter pour des fonds maison. Certains, dont les Autorités canadiennes en valeurs mobilières, soulignent le risque de conflits d’intérêts découlant des avantages supplémentaires, directs ou indirects, que des conseillers obtiennent lorsqu’ils offrent des produits maison.
« C’est un biais dangereux au niveau éthique. Le mode de rémunération fait que le conseiller va probablement présenter avec plus d’ardeur un produit maison », estime Philippe Pratte, chef des investissements et gestionnaire de portefeuille chez Pratte gestion de portefeuilles.
Pour Éric Lauzon, vice-président développement des affaires et recrutement chez Gestion de Patrimoine Assante et Robert Lachance, Vice-président – Ventes, Investissements et Retraite au Groupe Cloutier, la performance des investissements n’est de toute façon pas ce qui importe le plus les clients.
« De plus en plus de clients ne fondent plus les décisions sur les investissements, mais sur la gestion de patrimoine », estime Éric Lauzon. « Le point le plus important, c’est la qualité de service et comment le conseiller travaille avec le client. La relation que l’on peut avoir avec un conseiller est plus qualitative que quantitative et ce sondage le fait ressortir d’une façon différente, ajoute Robert Lachance. Il faut aussi admettre que le monopole de la qualité de gestion, de la performance des fonds, ce n’est pas juste les firmes indépendantes qui l’ont. »
Éric Lauzon affirme d’ailleurs que les différences de rendement entre les meilleurs fonds équilibrés et les pires ne sont pas énormes. « Même si le conseiller voulait vendre un produit ou l’autre parce qu’il y trouvait un avantage, les clients ne verraient pas beaucoup de différences car les produits ont des rendements similaires », tempère-t-il.
Éric Lauzon fait aussi valoir que les conseillers indépendants ne font affaire qu’avec trois ou quatre fournisseurs de fonds. Robert Lachance explique cette relative concentration par le fait que, autrement, un conseiller « finit par passer plus de temps à les surveiller qu’à écouter son client et lui expliquer ce qu’il fait pour lui ».
Cependant, Gino Savard fait valoir que si un de ces fonds sous performait, il n’hésiterait pas à l’expulser de ses portefeuilles car cela n’aurait pas la moindre conséquence pour lui ou sa rémunération.
Si les clients de grandes firmes peuvent légitimement s’attendre à avoir des fonds maison dans leur portefeuille, le problème réside dans les clients de firmes qui ne s’affichent pas clairement comme des filiales d’institutions financière, comme pour les firmes Assante, SFL ou Investia.
« Si tu as un représentant d’Investia, tu n’as aucune idée de sa propriété industrielle. Tu te rends compte d’un coup que tu as beaucoup d’iA Clarington, explique Gino Savard. Mais au moins, le représentant ne perçoit pas de bénéfice supplémentaire en utilisant ces fonds. Cependant, il arrive qu’il y ait de petites affaires. Le compte autogéré va être gratuit si tu mets un certain montant de fonds iA Clarington ou ton système d’exploitation à l’interne va te coûter moins cher. Encore là, le client ne peut pas savoir ça. »
Quelques solutions
Gino Savard affirme que le client ne peut pas se rendre compte de ce problème, car il n’est pas à même de comparer le rendement qu’il obtient par rapport à celui qu’il obtiendrait avec un autre produit. Il estime qu’une révision des titres des conseillers en services financiers pourrait apporter une forme de solution. Pour lui, cela donnerait au public un moyen de vraiment différencier les différentes sortes de conseillers.
« À l’automne dernier, lors d’une rencontre, l’Autorité des marchés financiers nous a dit qu’elle déposerait quelque chose dans ce sens-là. La tendance alors semblait d’avoir trois titres : un titre comme « représentant de Desjardins », un entre-deux qui pourrait régler le cas des conseillers Assante, Investia ou SFL et un titre vraiment blanc de conseiller indépendant. »
Philippe Pratte place ses espoirs dans le Modèle de relation client-conseiller (MRCC2), l’initiative de l’industrie pour tenter de clarifier les frais payés. Selon lui, cela permettrait d’éviter que certains clients ayant investi dans des fonds communs pensent qu’ils ne paient pas de frais de gestion parce qu’ils sont dans une institution.
« En espérant que ces nouveaux rapports vont porter l’investisseur à poser des questions, s’éduquer, s’informer et lui éviter de tomber dans des processus de vente agressifs », déclare-t-il.