Même si les conseillers n’ont pas à se transformer en experts en fiscalité, ceux-ci doivent être en mesure de comprendre certaines subtilités entourant l’augmentation du taux d’inclusion des gains en capital de 50 % à 66,67 % qui s’applique depuis le 25 juin.
Larry H. Frostiak, expert en fiscalité chez Frostiak & Leslie Comptables professionnels agréés, en a exposé quelques-unes à l’occasion de la Conférence Acuity 2024, organisée par Knowledge Bureau, à Montréal, en novembre.
D’abord, pour les particuliers, ceux-ci peuvent profiter d’un taux d’inclusion de 50 % pour leurs gains en capital annuels égaux ou inférieur au seuil annuel de 250 000 $. Pour les gains en capital réalisé après le 24 juin 2024, le taux d’inclusion de 66,67 % s’appliquera aux personnes réalisant des gains en capital supérieurs à 250 000 $.
Ce seuil de 250 000 $ s’applique à chaque individu, si bien que les conjoints n’ont pas besoin de partager le seuil annuel de 250 000 $.
Larry H. Frostiak a précisé qu’un client ne peut pas reporter à une année subséquente son seuil annuel de 250 000 $. De plus, selon lui, il n’y a pas d’indexation du seuil annuel de 250 000 $. « Il n’y a aucune clause de droit acquis pour les ventes/dispositions après le 24 juin 2024, même si elles ont été structurées ou conclues à cette date ou avant », a-t-il noté dans sa présentation.
Dans le cas d’une disposition réputée au décès d’un client, le seuil annuel de 250 000 $ s’applique intégralement l’année du décès. Or, les gains en capital réputés dépassant 250 000 $ sont inclus au taux d’inclusion de ⅔, ce qui peut accroître la charge fiscale pour certains clients. Cela pourrait être le cas si un client détient par exemple plusieurs propriétés immobilières et un portefeuille non enregistré dont les titres ont un gain en capital latent important.
Les conseillers devraient également connaître une subtilité concernant la provision relative aux gains en capital. Un client peut par exemple créer une telle provision lorsqu’il vend une immobilisation et que son paiement soit réparti sur plusieurs années.
« Par exemple, dans le cas d’une immobilisation qui est vendue pour 50 000 $, vous pourriez recevoir 10 000 $ au moment de la vente, et le solde de 40 000 $ pourrait être réparti sur les quatre années suivantes. En pareil cas, vous pourriez avoir droit de demander une provision. Une provision vous permet généralement de reporter la déclaration d’une partie du gain en capital à l’année où vous recevez le produit de disposition », lit-on sur le site de l’Agence de revenu du Canada.
Les provisions relatives aux dispositions antérieures à 2024 sont réputées être « incluses dans le revenu » au 1er janvier 2024 pour l’année d’imposition 2024, selon Larry H. Frostiak. Le taux d’inclusion serait de 50 %.
« Toutefois, pour les années 2025 et suivantes, les provisions seront soumises à un taux d’inclusion de ⅔ même si les gains en capital ont été réalisés avant le 25 juin 2024. Pour les particuliers, le seuil annuel de 250 000 $ peut s’appliquer aux montants en réserve », a précisé l’expert en fiscalité.
La bonne nouvelle est qu’il est possible de choisir en 2024 d’inclure la provision complète afin de bénéficier d’un taux d’inclusion de 50 % des gains en capital.
Cette subtilité force les clients à décider entre utiliser la provision, mais potentiellement payer plus d’impôt ou payer l’impôt à l’avance afin de profiter du taux d’inclusion des gains en capital de 50 %. Tout dépendant de l’ampleur de la réserve, un paiement anticipé en 2024 de l’impôt pourrait faire économiser à terme beaucoup d’impôt, selon l’expert.
Chaque décision devrait être évaluée au cas par cas et tenir compte du concept de la valeur temporelle de l’argent ainsi que d’autres facteurs non fiscaux, a-t-il fait valoir.
Enjeux pour les détenteurs de sociétés de portefeuille
Les nouvelles règles risquent de donner des maux de tête aux détenteurs de sociétés de portefeuille et à leurs comptables. En effet, les sociétés par actions n’ont pas de seuil de 250 000 dollars, si bien que tous les gains en capital réalisés depuis le 25 juin sont soumis au taux d’inclusion de 66,67 %.
Pour 2024, on doit compter deux périodes à suivre, soit la période du 1er janvier au 24 juin 2024 (période 1) et celle du 25 juin au 31 décembre 2024 (période 2).
Il existe des règles transitoires pour les exercices fiscaux chevauchant le 24 juin 2024. Sans entrer dans les détails, « la formule complexe de calcul de la moyenne pour calculer le taux d’inclusion du gain en capital pour la période 1, et la période 2, peut donner des résultats inattendus pour le calcul du compte de dividendes en capital (CDC) », lit-on dans la présentation du conférencier.
Les nouvelles règles entourant le taux d’inclusion des gains en capital toucheront bon nombre d’entrepreneurs dont ceux qui sont propriétaires de sociétés privées sous contrôle canadien (SPCC) ayant un portefeuille d’investissement ou de sociétés vendant des immobilisations, par exemple des terrains ou des bâtiments.
« Les impôts sont nettement plus élevés pour réaliser un gain en capital par l’intermédiaire d’une SPCC, car le taux d’inclusion des gains en capital (TIGC) sera plus élevé — 66,67 % au lieu de 50 % et la réduction du compte de dividendes en capital (CDC) à 33,33 % au lieu de 50 %. Il est nécessaire de repenser les stratégies d’accumulation de richesse pour les propriétaires d’entreprises privées », a fait valoir Larry H. Frostiak.
Que faire ?
Il n’y a pas de solutions miracles pour les clients qui ont un important portefeuille d’actifs détenus dans une société par actions.
On pourrait être tenté de retirer certains actifs de la société pour accéder au seuil de 250 000 $ par an disponible pour les particuliers, par exemple sous forme d’un dividende. « Mais ce n’est probablement pas la solution la plus optimale : les calculs ne sont pas favorables », a dit l’expert.
Si cela convient au client, un conseiller pourrait songer à réaffecter les actifs de la société dans un régime de retraite personnel ou un régime de retraite individuel (RRI) ou envisager l’option de souscrire à une assurance vie permanente. « Ou tout simplement éviter de déclencher des gains en capital et conserver les actifs ayant des gains en capital latents important à long terme ! » a-t-il suggéré.
NDLR : Newcom Média, qui détient Finance et Investissement, était commanditaire de cet événement. Knowledge Bureau n’a pas eu de droit de regard sur la couverture de l’événement.