«Cependant, dès qu’il s’agit d’un message commercial, ils doivent inclure une option de désinscription et leurs coordonnées précises», remarque Nancy Lachance, responsable de la conformité chez Investia Services financiers.
Ce qui est permis
La nouvelle loi limite considérablement la prospection de clients par messagerie électronique.
Pour solliciter des clients potentiels, les conseillers doivent obtenir leur consentement exprès, c’est-à-dire une indication explicite donnée de vive voix ou par écrit, ou leur consentement tacite (voir notre encadré).
«Par exemple, on peut envoyer un message commercial à un consommateur qui s’inscrit à une infolettre et coche une case indiquant qu’il accepte que ses coordonnées soient communiquées à d’autres pour la promotion de produits et services», précise Antoine Aylwin, associé chez Fasken Martineau.
«Ou encore, à un consommateur qui remet sa carte professionnelle en demandant de le contacter», ajoute-t-il.
De plus, un conseiller peut communiquer une fois par courriel avec un client potentiel qui lui a été référé, dans la mesure où il lui fournit le nom complet de la personne qui l’a recommandé. Il doit aussi inclure dans son message les exigences d’identification et de désabonnement prévues par la loi.
«Cependant, il ne peut pas relancer le client potentiel s’il n’a aucune réponse de sa part», précise Nancy Lachance.
«Les demandes de renseignements d’un particulier faites par courriel, sur le site Internet de l’entreprise de services financiers ou autrement, sont considérées comme un consentement tacite, souligne Antoine Aylwin. Un conseiller peut donc envoyer des messages commerciaux, avec une option de désinscription, pendant une période de six mois.»
Michel Mailloux, formateur en éthique et déontologie chez Déontologie.ca, juge toutefois que, par prudence, il est préférable de publier sur le site Internet de l’entreprise du conseiller une phrase pour expliquer qu’il pourrait y avoir des communications par courriel, et les sujets qui pourraient être abordés.
«La même phrase devrait se retrouver sur le formulaire d’ouverture de compte», indique-t-il.
Sont-ils vos vrais amis ?
Les réseaux sociaux comme Facebook et LinkedIn n’échappent pas à la nouvelle loi.
Les conseillers ne peuvent pas envoyer de messages commerciaux à des clients potentiels par la messagerie interne de ces réseaux ou l’adresse courriel des utilisateurs, à moins qu’il ne s’agisse de membres de la famille ou de très bons amis (pas de simples connaissances).
«Il est toutefois possible de publier sur les réseaux sociaux des messages commerciaux dans les « messages à tous »», précise Antoine Aylwin.
De plus, toute personne qui publie volontairement son courriel quelque part, même dans le journal, peut recevoir légalement des messages commerciaux non sollicités. Ces messages doivent cependant être reliés aux activités de la personne.
«Par exemple, un conseiller ne peut pas offrir des produits et services financiers par envoi électronique à un médecin. En revanche, une revue médicale pourrait proposer un abonnement à un médecin», explique Pierre-Ian Tremblay, conseiller juridique, conformité réglementaire, chez Investia.
D’autres solutions coûteuses
Évidemment, pour contourner cette loi, les conseillers peuvent toujours utiliser le télécopieur, le téléphone ou la poste.
Toutefois, ces solutions sont moins flexibles que le courriel. Tous les particuliers n’ont pas un télécopieur. Quant au téléphone, les conseillers doivent respecter la liste nationale des numéros de télécommunication exclus.
«Automatiquement, les coûts de publicité vont exploser, croit Michel Mailloux. Au lieu de dépenser 0,02 $ par courriel, le conseiller dépensera 1,50 $ par envoi postal. Et 10 000 envois coûteront donc 15 000 $ au lieu de 200 $.»
Pénalités salées
Il reste que les conseillers ont tout intérêt à ne pas enfreindre la loi anti-pourriel, car des sanctions sévères sont prévues. L’amende pour une infraction peut atteindre jusqu’à 1 M$ pour une personne physique et 10 M$ pour une personne morale.
De plus, un courriel non conforme pourrait entraîner un dédommagement de 200 $ versé au consommateur. Donc, une campagne de marketing auprès de 1 000 consommateurs équivaudrait à une pénalité de 200 000 $.
«Le consommateur doit cependant entreprendre un recours privé pour obtenir ce dédommagement, explique Pierre-Ian Tremblay. Mais cela ouvre la porte aux recours collectifs.»
Au fur et à mesure que des sanctions seront imposées et qu’il y aura «une interprétation» de la loi, la marge de manoeuvre des conseillers et les pénalités seront mieux comprises.
Du 1er au 22 juillet dernier, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a reçu 34 000 plaintes de consommateurs, soit plus de 1 000 plaintes par jour.
«Comme chaque plainte doit faire l’objet d’une enquête, je ne sais pas comment le CRTC va gérer ça, dit Michel Mailloux. Je pense que l’amende sera donnée en fonction de la taille de l’entreprise et de la gravité de la faute commise.»
Flous réglementaires
Pour éviter les pénalités, les conseillers doivent aussi faire attention aux zones grises de la loi.
Par exemple, la loi prévoit que les conseillers pourront continuer d’envoyer des courriels aux personnes qui ont été leurs clients pendant les deux ans précédant l’envoi en question.
«La définition de client est très floue», souligne Michel Mailloux. Il y a une zone grise lorsqu’il n’y a pas de communications régulières entre le représentant et le client, explique-t-il.
Si une police d’assurance a été achetée d’un coup il y a 10 ans, il n’est pas certain qu’un représentant puisse communiquer avec un client, même s’il a le devoir déontologique d’aller au-devant de ses besoins, remarque Michel Mailloux. Pour le savoir, il faudra attendre que des juristes ou des tribunaux se penchent sur la question.
De plus, le conseiller ne doit pas confondre message commercial et information. Pierre-Ian Tremblay donne l’exemple d’un courriel qui inviterait un client existant ou un client potentiel à se rendre sur le site du conseiller où des messages commerciaux sont publiés. Ce courriel serait de nature commerciale.
Il en est de même pour un courriel qui proposerait une discussion sur le régime enregistré d’épargne-études à un client qui vient d’avoir un enfant.
«Les messages d’information, qui ne sont pas touchés par la loi, sont notamment un compte rendu des rendements financiers et la mention que le conseiller procède à l’achat d’un produit financier comme convenu», précise Nancy Lachance.