Ils s’exposent en effet à un risque de recours civil et risquent de devoir payer des dédommagements pouvant leur coûter des millions de dollars, selon Me Charles Lupien et Me Costa Ragas, du cabinet montréalais de Fasken Martineau, qui donnaient une conférence dans le cadre du Colloque du conseil en fonds d’investissement (CFIQ), jeudi.

Par exemple, un seul courriel non conforme peut se transformer en un dédommagement de 200 $, mentionnaient les deux avocats dans leur présentation. Donc, une campagne de marketing litigieuse auprès de 5000 clients potentiels, lesquels recevant un courriel par semaine durant huit semaines, pourrait coûter en tout… 8 M$ à un contrevenant.

« Avec le droit d’action privé, de grandes entreprises qui ont beaucoup d’argent vont devenir des cibles très attrayantes pour les bureaux de recours collectifs », indiquait Charles Lupien. Ces cabinets d’avocat pourraient en effet attaquer des institutions financières qui n’auraient pas respecté la loi, même de façon non intentionnelle.

Pour éviter de tels risques, les conseillers et leurs sociétés peuvent préparer l’entrée en vigueur de la loi, dont la date n’est pas encore connue. « On a la chance que la loi ait été adoptée, mais qu’elle ne soit pas encore en vigueur. On a du temps pour se préparer, mais les gens ont tendance à croire qu’on peut régler la question en une journée. Ce n’est pas le cas », soutient Charles Lupien. Plusieurs départements d’une entreprise devront embrasser le changement pour se conformer à la loi.

Courriels non sollicités

D’abord, le représentant devra probablement changer de façons de solliciter ses clients potentiels. Par exemple, il ne pourra plus leur envoyer des courriels sans avoir préalablement obtenu leur consentement.

« Je reçois fréquemment des courriels de conseillers qui ont juste trouvé mon adresse dans la liste d’avocat du site de Fasken Martineau. Avec la nouvelle loi, ce genre de pratique ne sera pas permise », soutient Costa Ragas, avocat chez Fasken Martineau.

En conséquence, un conseiller peut s’attendre à ce que sa liste de contacts diminue de manière significative. La loi prévoit que les conseillers pourront continuer d’envoyer des courriels à leurs clients actuels ainsi qu’aux personnes qui ont été clients dans les deux ans précédant l’envoi du courriel. Ils pourront également continuer de communiquer avec leurs clients afin de se conformer à d’autres lois ou règlements.

Cependant, certaines personnes de la liste risquent de ne plus pouvoir être contactées par courriel à moins de renouer contact avec eux par un autre moyen légal. « Le ménage de cette liste, c’est long sur le plan technique, mais c’est aussi long, car il faut convaincre les gens d’accepter de faire cette purge, note Charles Lupien. Si les conseillers perdent la moitié de leur liste de contacts, ils ont tendance à ne pas apprécier la chose. »

Pour éviter une telle épuration, les conseillers peuvent, d’ici l’entrée en vigueur de la loi, renouer contact avec d’anciens clients afin que ceux-ci consentent à ce qu’on communique avec eux par courriel.

D’autres temps…

Une autre pratique que la loi contribuera probablement à faire disparaître est l’achat de listes d’adresse courriel de clients potentiels, auprès d’associations ou d’entreprises, afin d’envoyer des messages de masse. « Dans la plupart des cas, ce ne sera plus permis », soutient Costa Ragas.

La loi prévoit d’autres exceptions intéressantes pour les conseillers. Par exemple, si un client potentiel a remis volontairement sa carte à un conseiller lors d’un déjeuner d’affaires d’une chambre de commerce, ce dernier pourra lui envoyer des courriels.

Le courriel doit avoir un lien avec ce à quoi le client a consenti, précise Charles Lupien : « Si je vous donne ma carte d’affaires dans le cadre du concours pour gagner un iPad, vous ne pouvez pas me solliciter pour m’offrir vos services. Cependant, dans la mesure où les circonstances dans lesquelles la carte d’affaires a été donnée précisent qu’en plus de donner un iPad on utilisera l’adresse également pour vous contacter, c’est permis. »

Afin de préparer l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, les deux avocats recommandent aux sociétés de réviser et de mettre à jour le formulaire en ligne d’obtention des coordonnées des visiteurs des sites ainsi que les systèmes de désabonnements pour les envois de masse.