Ainsi, plusieurs questionnaires cherchent en vain à mesurer la tolérance des clients au moyen de facteurs non financiers, selon Michael Roszkowsky, professeur de psychologie de l’Université LaSalle, à Philadelphie et expert dans le domaine depuis les années 1980.

«Certaines questions mesurent davantage la tolérance au risque physique ou social, affirme-t-il. On pose des questions sur les goûts du client pour le parachutisme ou la plongée sous-marine, ou encore sur sa propension à engager la conversation avec des inconnus, alors que cela n’a pas nécessairement de lien avec sa tolérance au risque financier.»

Les tests employés sont également trop courts, selon Michael Roszkowsky : «Les conseillers ne veulent pas lasser leur client avec de longs questionnaires».

Discussion et biais

Même si un test ne présentait pas ces défauts, il ne devrait pas être considéré comme l’aboutissement de la mesure du profil d’investisseur, d’après Paul Resnik, un des cofondateurs de FinaMetrica, une société australienne spécialisée dans la mesure des «profils de risque».

Un test sur la tolérance au risque n’est qu’un outil dont le conseiller doit se servir pour mieux connaître son client, explique-t-il. Une discussion franche avec celui-ci doit suivre.

Paul Resnik suggère de faire ce qui s’apparente à une petite psychanalyse, où le client discute lui-même de ses propres résultats. «C’est en partie le client qui guide le conseiller dans l’interprétation», estime-t-il.

S’il est important de discuter avec son client, le conseiller doit cependant prendre garde de ne pas «projeter» sa propre confiance sur son client. Paul Resnik rappelle en effet que les individus initiés à la finance ont tendance à avoir une plus grande tolérance au risque. Dans certains cas, cela pourrait involontairement mener un conseiller à inciter son client à prendre plus de risques.

Une étude de 2001 a d’ailleurs révélé qu’une consultation avec un conseiller a pour effet d’augmenter la prise de risques.

Paul Resnik ajoute que l’évaluation du profil de risque ne se limite pas à l’évaluation de la tolérance. Ce profil doit tenir compte aussi du «risque requis» pour que le client atteigne certains objectifs, et bien sûr, de sa capacité financière à prendre de tels risques.

En ce qui concerne le risque requis, le conseiller a en effet la responsabilité de discuter franchement avec le client du rendement requis sur ses avoirs pour qu’il atteigne ses buts.

Pour ce qui est de la capacité financière du client, le conseiller doit poser un diagnostic différent selon qu’il a affaire à un multimillionnaire ou à un client dont l’actif financier est de 20 000 $. Subir une perte de 10 000 $ touchera davantage le second que le premier.

Outils critiqués

Il n’est peut-être pas étonnant que les questionnaires traditionnels sur la tolérance au risque soient des outils critiqués, puisqu’il ne ressort pas de consensus clair des nombreuses études scientifiques sur le sujet. Par exemple, même si plusieurs recherches ont conclu que les jeunes ont une tolérance au risque plus élevée, elles ne mesuraient pas l’évolution de ces mêmes individus dans le temps.

Plusieurs chercheurs croient en fait que la tolérance au risque pourrait bien être un trait de personnalité stable, un peu comme le groupe sanguin. C’est du moins la conclusion d’une étude publiée en 2012 dans le Journal of Economic Psychology. Les auteurs affirment qu’un changement dans le degré de tolérance aurait plus à voir avec la diminution de la taille du ménage qu’avec le vieillissement. Autrement dit, le départ des enfants ou d’un conjoint aurait plus d’influence sur la tolérance au risque que le simple fait de vieillir.

Une autre étude récente publiée dans le Journal of Financial Services Marketing évaluait l’impact du rang familial sur l’appétit du risque. Ses auteurs concluaient que les aînés de famille sont en général plus conservateurs en matière de finances, alors que les benjamins prendraient plus de risques.

Cela dit, la nuance est de mise. Selon Paul Resnik un «événement traumatique» tel que la chute de la valeur du portefeuille d’un client a toujours le potentiel de changer la tolérance au risque d’un individu.

Après l’analyse de résultats recueillis pendant quelque 50 ans dans une enquête du gouvernement américain sur les finances personnelles, des chercheurs ont récemment conclu qu’un investisseur qui a déjà fait l’expérience de rendements négatifs a plus de chance d’être moins tolérant au risque. Paul Resnik recommande d’ailleurs de soumettre de nouveau ce client à un test s’il a traversé un tel événement.

Michael Roszkowsky, qui a étudié l’impact de la crise financière de 2008 sur plus de 350 000 investisseurs, considère pour sa part qu’il est difficile de tirer une conclusion quant aux réels changements causés par un tel événement.

Même s’il admet que de tels changements sont possibles, ils peuvent aussi être, selon lui, liés à la perception du risque. «Les gens ne sont pas nécessairement moins tolérants après une chute boursière, ils perçoivent simplement les marchés comme plus risqués», explique-t-il.