Comme son chiffre d’affaires est sous la barre du milliard de dollars américains, Twitter bénéficie du JOBS Act (Jumpstart Our Business Startups Act). Cette loi créée en 2012, qui vise à favoriser l’entrée en Bourse de petites entreprises, lui a permis de ne diffuser ses informations que trois semaines seulement avant son entrée en Bourse, prévue pour la mi-novembre.

À la mi-octobre, l’entreprise publiait un prospectus dans lequel elle affiche une croissance soutenue de ses ventes et de son trafic au cours trois premiers trimestres de 2013. Twitter a alors plus que doublé son chiffre d’affaires, par rapport à la même période en 2012. Pour les neuf premiers mois de 2013, les revenus de Twitter s’établissent à 422 M$ US.

Le nombre d’utilisateurs actifs a pour sa part augmenté en moyenne de 39 % pour les trois premiers trimestres de 2013. Plus de 231 millions d’utilisateurs gazouillent sur le média social.

Toutefois, l’entreprise a affiché des pertes plus importantes depuis le début de 2013 qu’au cours de l’année précédente, passant de 69 M$ à 132 M$. Une situation qu’elle explique essentiellement par ses dépenses marketing, qui ont plus que doublé durant la même période.

Tout le monde se souvient de l’entrée en Bourse difficile de Facebook à l’été 2012. Le géant des médias sociaux a vu la valeur de ses actions monter légèrement, pour dégringoler par la suite, passant de 45 $ US à 19 $ US en moins de quatre mois.

Selon John Pliniussen, Twitter saura tirer des leçons du premier appel public à l’épargne (PAPE) de ses cousins Facebook et LinkedIn, qui pourraient lui servir d’exemple. Le réseau professionnel, qui a fait son entrée en Bourse en 2011, a connu un succès immédiat. Depuis, la valeur de ses actions ne cesse de croître. Au cours de la dernière année seulement, son cours a bondi de 120 %.

Will Ashworth, responsable des ventes institutionnelles chez Dow Jones, mesure pour sa part l’intérêt pour les médias sociaux. Il a publié récemment un texte sur Investopedia qui concluait que les médias sociaux se cannibalisent en offrant des services concurrentiels.

«Les investisseurs ne semblent pas se soucier des revenus à venir, parce que Twitter risque d’être sérieusement touchée par la croissance de Facebook, qui étend sa présence sur les plateformes mobiles en attirant les annonceurs.»

Il ajoute : «Quand Facebook est devenue une société publique, les investisseurs étaient sceptiques, bien que l’entreprise ait été rentable. Twitter ne l’est toujours pas, mais les investisseurs veulent ses actions».

Les marchés boursiers lorgnent eux aussi les médias sociaux, nouvelles coqueluches du milieu. Depuis 2011, le NYSE a su attirer Pandora Media, LinkedIn, Yelp et Twitter. Pour leur part, Groupon et Facebook ont rejoint le Nasdaq.

Une lutte entre les différents marchés se profile à l’horizon, indique Adam Sussman, directeur de la recherche chez TABB Group, une firme américaine de consultants. En entrevue au Financial Post, il déclarait : «En ce qui a trait à l’inscription des médias sociaux sur les marchés boursiers, nous assistons à la troisième manche d’une même partie. De plus, étant donné que Twitter se joint au NYSE, je pense que nous pouvons dire que la partie est nulle.»

L’instinct d’un oiseau de proie

Il n’empêche que, pour l’instant, tous les yeux sont tournés vers Twitter, qui se prépare depuis plus d’un an à cette annonce. En 2012, l’entreprise de San Francisco a multiplié les acquisitions en mettant la main sur Bluefin Labs, une entreprise qui analyse les données aussi bien à la télévision que sur le Web.

En septembre, elle a acheté MoPub, une entreprise en démarrage dont les produits permettent de cibler les internautes en temps réel lors de grands événements télévisuels en tenant compte de plusieurs caractéristiques, notamment le type d’appareil utilisé et la situation géographique. Qui plus est, l’acquisition de MoPub – qui diffuse approximativement deux milliards de publicités par jour – permettra à Twitter d’enregistrer les profits qu’elle réalisera sur d’autres sites Internet.

«Et les acquisitions ne font que commencer ; il y en aura beaucoup d’autres», assure John Pliniussen. Il cite par exemple les stratégies déployées au cours des années précédentes par les géants d’Internet : Google, Facebook, Microsoft, et précise : «Tout le monde veut croître et devenir un empire. Twitter n’est pas différent».

À l’instar d’entreprises Internet présentes en Bourse – Facebook, LinkedIn, Groupon et Pandora – Twitter devrait se montrer des plus dynamiques et des plus audacieuses. The Economist résume l’affaire en quelques mots : «Le logo de Twitter est un beau petit oiseau, mais pour gagner les batailles brutales qui l’attendent, l’entreprise devra prouver qu’elle a l’instinct d’un oiseau de proie.»