L’actif implicite viendra s’ajouter à l’actif existant (portefeuille d’investissement et autres), et pourrait être composé de l’épargne future du client ou même d’un héritage à venir. De ce bilan étendu devrait se dégager (ou pas) ce que les auteurs appellent la «richesse discrétionnaire», soit un excédent théorique, qui s’élève à 4 M$ dans le tableau.

Investir ce qu’on peut perdre

Selon les auteurs, la richesse discrétionnaire représente ce qu’une personne peut se permettre de perdre. «Il ne faut pas gérer l’actif, mais plutôt la richesse discrétionnaire», indique Jarrod Wilcox en entrevue.

Normalement, cette portion du portefeuille devrait être investie dans des actifs plus risqués comme des actions, mais Jarrod Wilcox se garde néanmoins de prescrire une composition précise de portefeuille.

Selon lui, cette manière de procéder fait en sorte que la tolérance au risque de l’investisseur est déterminée par sa condition financière, et non par ses émotions (voir l’encadré ci-dessous).

L’analyse de la richesse discrétionnaire permet également de déterminer le «levier implicite» du client. On l’obtient en divisant la valeur de la richesse discrétionnaire par celle du portefeuille. Par exemple, si le portefeuille du client illustré dans le tableau perd 10 % de sa valeur, sa richesse discrétionnaire baisse de 25 %.

Le levier implicite permet de mieux comprendre pourquoi la tolérance au risque d’un client dépend de sa condition financière. «Si vous êtes âgé, mais que votre richesse discrétionnaire étendue fait en sorte que votre levier est faible, vous pourriez investir une part importante de votre actif en actions. C’est pourquoi les fonds à date cible basés sur l’âge des investisseurs sont problématiques», écrit-il sur le site jarrodwilcox.com.

Cependant, Jarrod Wilcox recommande une «révision périodique» de la situation financière du client afin de revoir la composition du portefeuille. Une baisse de la valeur du portefeuille milite en faveur d’une réduction de la portion «actions» d’un portefeuille et une hausse, permet une augmentation de cette portion.

Comme au casino

Dan diBartolomeo, président fondateur de Northfield, une firme d’analyse financière de Boston, est un de ceux qui croient que cette nouvelle stratégie est la bonne. Il considère que les méthodes traditionnelles ne permettent pas aux clients de choisir efficacement entre une quantité presque infinie de portefeuilles.

«L’approche de la richesse discrétionnaire et les calculs qui s’y rattachent permettent aux investisseurs de déterminer le portefeuille le plus efficient dans leur situation. Pour la plupart des investisseurs, c’est un pas de géant dans une prise de décision sensée sur le plan financier», dit-il.

Pour Dan diBartolomeo, l’approche de Jarrod Wilcox et Frank Fabozzi permet aussi de réévaluer plus efficacement le portefeuille en cas de sursauts majeurs des marchés. «La stratégie actuelle, en cas de turbulences sur les marchés, varie entre ne rien faire ou simplement rééquilibrer le portefeuille en fonction des prémisses de départ», déplore-t-il.

«Ce que les investisseurs ignorent souvent, c’est que lorsque les marchés financiers ont chuté, leur propre situation financière (actif par rapport au passif) a changé et leur capacité de supporter les risques futurs est moins grande qu’avant», ajoute-t-il.

Pour lui, il est clair que, après une chute boursière importante, même si un client continue d’avoir espoir de meilleurs rendements futurs, si sa position financière ne le lui permet plus, il devrait vendre ses actions et attendre que sa situation s’améliore pour réinvestir sur les marchés.

«Vous ne pouvez pas parier 50 $ au casino si vous n’en avez que cinq, analyse-t-il. La vision traditionnelle de la théorie du portefeuille segmente les investisseurs selon leurs vues sur le marché. Les experts financiers, quant à eux, segmentent les investisseurs selon leur position financière. L’approche de la richesse discrétionnaire tient compte de ces deux dimensions en même temps.»

Néanmoins, Jarrod Wilcox note qu’au final, le résultat n’est pas si différent de ce que de «très bons conseillers» offrent à leurs clients. Ce que son approche permet, estime-t-il, c’est de mettre ce service à la portée des «simples mortels».