Pas étonnant que les gens soient en proie à autant d’incertitude et d’appréhension, surtout un retraité qui, arrivé au moment de puiser dans ses épargnes, découvre que les marchés ont fondu de 50 %.

Risque émotif

Tout le travail du conseiller consiste à désamorcer les mines affectives logées dans la psyché des clients. Fabien Major, conseiller en sécurité financière et propriétaire de Major Gestion Privée, à Montréal, a établi une liste impressionnante des 25 risques qui pèsent sur un portefeuille. Ces risques vont de la perte possible de capital ou de l’absence de liquidité au risque d’actes terroristes, en passant par les risques de faillite et de maladie.

Il en est un autre, fort important, dont le conseiller doit également tenir compte : le risque émotif. Un risque qui fait que le client perd le sens des réalités de la chose financière.

Ces émotions exacerbées ont pour effet que le client n’associe pas le risque aux bons éléments. Par exemple, il juge que l’immobilier est un investissement très sûr et sans risque. Vraiment ?

Tout d’abord, une maison ne représente pas toujours un bon investissement. D’autre part, «que fait-on du risque de liquidité lié à une maison ? demande Fabien Major. Si une urgence impose de vendre votre maison en 24 heures, le pourrez-vous ? Et que devient la valeur de votre maison si un membre des Hell’s Angels emménage à côté de chez vous ?»

Par contre, les gens imaginent le mot «risque» placardé sur tout le marché boursier. «Le risque de marché les traumatise, ajoute-t-il. Pourtant, rien de tel que de vrais chiffres pour leur montrer qu’ils se nourrissent de préjugés. L’an dernier, par exemple, les portefeuilles ont monté de 5 à 9 %.» Et d’ajouter Hélène Gagné : «En 2012, mes clients ne voulaient pas détenir d’actions européennes, qui ont pourtant été la meilleure catégorie d’actifs, tout particulièrement en Allemagne».

Éducateur

En bref, le travail du conseiller en «est un d’éducation», soutient Guy Boudreault, assureur vie agréé et conseiller en sécurité financière, à Québec. Celui-ci veille à faire comprendre à ses clients qu’il y a deux risques prédominants : tout perdre, une éventualité très, très peu probable, et ne rien faire, une paralysie qui est souvent la meilleure façon de perdre et de ne pas atteindre ses objectifs de retraite pour une majorité d’épargnants.

Une idée persistante que ce conseiller doit constamment combattre chez ses clients, c’est de penser qu’ils ont «perdu», par exemple 20 % quand les marchés baissent d’autant. «Mais non ! rétorque Guy Boudreault. Tant que vous ne vendez pas vos titres, vous n’avez rien perdu.»

Le remède à toutes ces craintes et appréhensions tient à la formule classique d’un portefeuille bien diversifié, où différentes catégories d’actifs ont une corrélation minime les unes par rapport aux autres : obligations, titres de secteurs défensifs, titres de grandes capitalisations, titres à dividendes, etc.

Pour communiquer cela aux clients, «il faut chasser le vocabulaire et le jargon financiers de notre langage, observe Fabien Major. Car un autre risque pèse tant sur le client que sur son conseiller : «ne pas se faire comprendre», fait-il ressortir.

L’exemple du Canadien

C’est pourquoi le conseiller montréalais n’hésite pas à recourir régulièrement aux comparaisons avec le monde du hockey, un monde que tous les Québécois comprennent par affinité instinctive.

«Je vais dire à une cliente : « Si le Canadien gérait ses joueurs comme vous gérez votre portefeuille, madame Giguère, il se retrouverait avec sept gardiens devant le but ». À monsieur Jutras, je vais dire qu’il a six joueurs au centre, pas d’attaquants sur les ailes et peu de défenseurs.»

Qu’est-ce qu’un gardien de but dans cette analogie ? Les liquidités. Un joueur de centre ? Des titres de type blue chip. Des attaquants ? Des titres de dividendes ou, à la rigueur, de petite capitalisation. «Et si on réussit à mettre tous les « joueurs » en place, on peut dire qu’on a une bonne équipe», conclut Fabien Major.

Cependant, avant de s’avancer sur le terrain des sports, il rappelle la base de toute bonne communication : l’écoute. Et celle-ci accompagne une interrogation pertinente. Que veut dire le risque pour le client ? Est-ce la possibilité de tout perdre ? De ne pas atteindre ses objectifs ? Et quelle est sa capacité de résistance face à la perte ? Dans tous les cas, il encourage le recours au langage concret. Il ne s’agit pas de dire qu’une perte acceptable ne représente que 5 % du portefeuille, mais bien 10 000 $ sur un portefeuille de 200 000 $.