La première édition du Grand championnat canadien ESG a annoncé le 10 novembre dernier les sept firmes de gestion d’actifs qui se partageront un mandat d’investissement de 104,5 millions de dollars (M$). Inspiré des Olympiques ESG du Royaume-Uni, le championnat a été l’occasion d’analyser les principales tendances et les meilleures pratiques d’investissement ESG.
En première place, la montréalaise Alphafixe se voit confier un mandat de 38 M$, suivi de Jarislowsky Fraser (25 M$), Manulife (15 M$), PH&N (13,5 M$), UBS et Shroeders (ex-aequo : 5 M$) et Rally Assets (3 M$). Soixante candidatures ont été soumises parmi lesquelles 11 finalistes se sont mesurés dans un événement public en mai 2022 dans un format rappelant l’émission Dans l’œil du dragon, et parmi lesquels les sept gagnants ont été retenus.
Les fonds invités à participer au concours se répartissaient en trois catégories : actions cotées et titres à revenu fixe, représentant 61% des soumissions; alternatifs (immobilier, infrastructure, fonds spéculatifs, etc.), pour 27% des soumissions; multi-actifs, pour 12%. Le changement climatique et l’équité, la diversité et l’inclusion sont les sujets ESG qui ont été explicitement évalués étant donné leur nature systémique globale.
Pour la phase finale du championnat, l’évaluation des dossiers a été réalisée par les firmes Millani Inc. et Normandin Beaudry de même que par les neuf investisseurs institutionnels. Les lauréats ont été récompensés sur la base de la performance financière et ESG de leurs fonds et selon la mesure dans laquelle leur stratégie respectait les priorités d’investissement ESG des neuf investisseurs institutionnels.
L’événement a été organisé par neuf investisseurs institutionnels, parmi lesquels on compte la Fondation familiale Trottier, la Fondation McConnell, la Fondation du Grand Montréal et deux fiducies privées qui n’ont pas dévoilé leur nom. Il a été l’occasion de saluer un secteur ESG en pleine vigueur puisque, ce qui était une stratégie de niche il y a dix ans encore « est maintenant une stratégie d’investissement courante appliquée à plus de 60% des actifs sous gestion au Canada et à près de 40% du marché mondial, » peut-on lire dans l’étude qui a accompagné le championnat.
L’étude fait également ressortir deux grands chantiers en cours, mais qui restent à parfaire. D’une part, on constate un resserrement des règlementations pour réduire l’écoblanchiment et le marketing mensonger, un travail qui s’effectue autant en Europe qu’aux États-Unis et au Canada. D’autre part, la mise en place de définitions standardisées, d’exigences de divulgation obligatoire pour les entreprises, de normes de divulgation ESG pour les produits d’investissement restent à compléter.
« Nous voulions que le Grand championnat canadien ESG mette en évidence les meilleures pratiques dans le but d’améliorer la compétitivité des gestionnaires d’actifs, mais également d’identifier et corriger les lacunes à combler dans le secteur », a expliqué Éric St-Pierre, directeur général de la Fondation familiale Trottier et organisateur du Championnat.
Le championnat a été l’occasion de faire ressortir quelques points forts du secteur ESG canadien. En premier lieu, les systèmes internes de données et d’analyse ESG ne se contentent pas de s’appuyer sur des fournisseurs externes. Ensuite, compétences, expertise et formation se sont considérablement raffermis.
Aussi, les références à la rémunération et aux incitations à l’action ont été évoquées par un certain nombre de participants comme positives, mais il manquait les détails pour faire le lien avec l’impact sur les décisions d’investissement. Enfin, les petites entreprises d’investissement ont fourni des soumissions de haute qualité et sophistiquées malgré leurs ressources moindres.
Dans tout l’exercice, une seule faiblesse notable est ressortie, commente Daniel Simard, conseiller de la direction chez Aequo Services d’engagement actionnarial Inc. « De nombreuses firmes de gestion d’actifs ont développé des données et des systèmes de notation ESG en interne. Bien que cela démontre un certain niveau d’engagement, les outils développés en interne sont souvent une ‘boîte noire’ et compliquent ainsi la tâche des détenteurs d’actifs qui doivent valider la fiabilité du processus d’évaluation ESG. Une plus grande transparence est nécessaire. ».
Un peu à l’image de tout le secteur ESG, le championnat a été l’occasion de constater les manques d’objectifs, de processus et de priorités communs entre les neuf co-investisseurs. Néanmoins, ils ont convenu de deux points de repère pour garantir une certaine cohérence entre toutes les parties prenantes. a) Intégration ESG : considération explicite et systématique des
facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance dans le processus de décision d’investissement, de l’analyse de l’investissement aux activités de gérance. B) Impact : investissements réalisés dans l’intention de générer un impact social et/ou environnemental spécifique, positif et mesurable, parallèlement à un rendement financier.
On peut constater un autre manque au terme de l’exercice: aucun résultat de performance des fonds en lice et aucune description de leurs compositions et stratégies n’ont été présentés, non plus aucune comparaison de performance avec des fonds de format traditionnel. Un appel logé à ce sujet auprès d’Éric St-Pierre, de la Fondation familiale Trottier, est resté sans réponse.