«Au Canada, on cherche le plus souvent à tout faire à l’intérieur d’une société, parce que l’impôt des sociétés y est moins élevé que celui des individus. Aux États-Unis, parce que l’impôt sur le revenu des sociétés est plus élevé, on vise l’inverse : des outils qui préservent les taux d’imposition individuels, tout en conservant, dans les deux pays, des mécanismes de protection contre des créanciers.»
Louer l’immeuble
Par ailleurs, le choix de l’outil variera selon les objectifs poursuivis. Prenons le cas d’un couple qui achète un immeuble non pas pour y vivre, mais pour le louer.
Dans un tel cas, l’outil à privilégier est la société en commandite où les commanditaires sont des individus, selon Shlomi Steve Levy.
L’avantage clé, ici, tient au fait qu’une telle société restreint la responsabilité civile aux avoirs de la société.
Si ces avoirs sont un immeuble de 500 000 $ et qu’une poursuite de 10 M$ advient, seul cet immeuble pourra être saisi, et non pas d’autres actifs que détiennent personnellement les commanditaires au Canada ou ailleurs.
Évidemment, les revenus de location seront imposés. Si les commanditaires sont des particuliers, le taux d’imposition aux États-Unis sera de 15 à 39,6 %, le taux maximal s’appliquant à un revenu supérieur à 400 000 $ (ou 450 000 $ pour le revenu combiné d’un couple marié).
Selon l’hypothèse de Shlomi Steve Levy, si on suppose que le revenu de location de l’immeuble d’un des commanditaires est de 100 000 $, ce dernier sera imposé au taux approximatif de 25 % aux États-Unis.
Au Québec, le taux d’imposition applicable sera d’environ 40 %. Le commanditaire ne paiera au fisc canadien que la différence entre 40 et 25 %, en raison du traité fiscal entre le Canada et les États-Unis qui évitera souvent la double imposition par des mécanismes de crédit d’impôt étranger.
Il arrive bien sûr que le détenteur d’un immeuble soit une société. Cependant, il vaut mieux éviter cette option autant que possible, car à ce moment-là, l’impôt américain est de 35 % au niveau fédéral, et il s’y ajoute un impôt qui varie selon chaque État : 5,5 % en Floride, 8,84 % en Californie, et 10 % dans l’État de New York, ce qui inclut la taxe de la ville de New York.
Pour les particuliers, le taux maximal d’imposition est de 25 % au fédéral, et plusieurs États, notamment la Floride, n’imposent pas les personnes.
Ponction inattendue
Évidemment, vient un moment où le client souhaite vendre son immeuble. Petite particularité inattendue, rapporte Stéphane Leblanc, fiscaliste chez Ernst & Young, à Montréal : sur toute vente supérieure à 300 000 $, le fisc américain se réserve une ponction de 10 %, parce que le bien est de propriété étrangère. Ces 10 % sont retenus par l’attorney au moment de la transaction.
Deux conditions cumulatives permettent d’échapper à cette ponction, note l’avocat Shlomi Steve Levy : si la valeur de l’actif est inférieure à 300 000 $ et que l’acheteur signe un affidavit garantissant qu’il habitera lui-même l’immeuble.
Le décès du client peut également apporter son lot de complications fiscales.
L’impôt successoral américain, affirme Stéphane Leblanc, «est l’élément du fisc américain le plus inquiétant pour nous, Canadiens.» Et il est d’autant plus préoccupant qu’on ne trouve pas son équivalent au Canada.
L’outil le plus répandu pour échapper à cet impôt successoral est la fiducie transfrontalière irrévocable, qui précise plusieurs questions fiscales des deux côtés de la frontière et dont les termes, irrévocables, sont «coulés dans le béton».
Cet outil permet également d’éviter plusieurs problèmes qui surgissent au décès, en cas d’invalidité ou d’inaptitude d’un client.
En effet, lorsqu’une de ces éventualités survient, le cadre juridique américain présente de nombreuses difficultés pour un client canadien.
Par exemple, un problème immédiat est celui du testament et du mandat en cas d’inaptitude validés devant notaire. Le testament est reconnu par la justice américaine, mais pas le mandat en cas d’inaptitude.
Tous deux doivent être homologués par une cour américaine, ce qui entraîne «des procédures longues et coûteuses pendant lesquelles l’actif peut être gelé pendant une période qui varie de trois à 18 mois», fait ressortir Shlomi Steve Levy.
Certes, il existe des dispositions qui permettent à un couple, de personnes mariées ou conjoints de fait, qui achète un immeuble d’éviter les problèmes successoraux.
Par exemple, au moment de l’achat, si des conjoints de fait précisent dans l’acte d’achat que l’immeuble est en détention conjointe avec droit de survie, au moment du décès de l’un des conjoints, la propriété passera automatiquement au survivant sans homologation et sans impôt successoral, selon l’avoir total du couple. Mais qu’en sera-t-il au décès du survivant ?
«Une fiducie transfrontalière irrévocable règle tous les problèmes successoraux de décès, d’inaptitude et d’homologation, soutient Shlomi Steve Levy. Et s’il advenait que la fiducie soit poursuivie, le créancier ne pourrait aller chercher que l’actif de la fiducie, sans toucher au patrimoine personnel du propriétaire.»
De plus, toute ponction fiscale à l’intérieur du cadre de la fiducie est faite selon les barèmes de l’impôt individuel.
Par ailleurs, hors fiducie, les dispositions de l’impôt successoral sont avantageuses pour plusieurs contribuables dont la fortune personnelle atteint jusqu’à un maximum de 5,25 M$.
Par exemple, pour un immeuble de 300 000 $ détenu par un couple dont l’actif total se chiffre à 4,5 M$, grâce à l’exemption sur le patrimoine mondial de 5,25 M$ par personne, ces contribuables n’auront à payer aucun droit successoral.
En somme, une planification transfrontalière est truffée de problèmes fiscaux potentiels. Conseil : consultez un spécialiste avant de laisser un client acquérir un bien de valeur aux États-Unis.