L’année du grand fractionnement
La « baisse d’impôt pour les familles » au fédéral est le changement fiscal le plus important pour la déclaration 2014, et sera peut-être même un enjeu de la prochaine campagne électorale. Les couples avec enfants ont intérêt à remplir l’annexe 1-A.
Le crédit permet à un couple ayant un enfant mineur d’attribuer jusqu’à 50 000 $ de revenus au conjoint qui a le revenu le moins élevé. La réduction d’impôt maximale est de 2 000 $. En tenant compte de l’abattement fiscal, l’économie d’impôt réel pour les Québécois est de 1 670 $.
Jean-François Thuot, associé en fiscalité au cabinet Raymond Chabot Grant Thornton, cite l’exemple d’une famille où l’un des conjoints gagne 70 000 $, et l’autre, 25 000 $. Comme les deux compagnons de vie ne sont pas sur le même palier d’imposition, ils pourraient réduire leur facture fiscale de 1 108 $ en recourant au fractionnement, calcule le fiscaliste.
Tous les couples ne sont pas égaux devant ce crédit. Les couples sans enfants, les parents célibataires et les familles monoparentales ne pourront pas en bénéficier. Les grands gagnants de cette mesure sont les conjoints qui ont des revenus inégaux. Pour que le crédit soit rentable, il faut qu’ils se trouvent sur un palier d’impôt différent, précise Jean-François Thuot. « Il ne faut pas tenir pour acquis qu’on va automatiquement toucher le crédit. »
Même avec un important écart de revenus, certains contribuables pourraient être déçus de ce qu’ils récolteront. Jean-François Thuot cite l’exemple du couple dont l’un des conjoints gagne 43 900 $, et l’autre, 25 000 $. Malgré l’écart de revenus de 18 900 $, le crédit n’apporterait rien, car les deux membres se trouvent au même palier d’imposition, explique-t-il.
REER et crédit non remboursable
Précisons que le transfert de revenu au conjoint prévu par le nouveau régime n’a pas pour effet d’alourdir le fardeau fiscal de celui qui le reçoit. En fait, lorsque vous inscrivez le montant du remboursement à la ligne 423 de l’annexe 1, celui-ci est considéré de la même manière que le crédit d’impôt pour les dividendes. Le conjoint ayant le plus faible revenu ne devra pas payer d’impôt supplémentaire dans sa déclaration.
Ainsi, le fractionnement de revenus n’aura pas non plus d’impact sur les autres crédits d’impôt ou les déductions que vous réclamez. «On m’a souvent demandé si cela changerait les stratégies de cotisations de REER, dit François Bernier, directeur de la planification fiscale et successorale chez Placements Mackenzie. Si Monsieur a un revenu de 80 000 $ et Madame, de 25 000 $, la déduction REER de Monsieur se fera toujours sur un revenu de 80 000 $.»
Par contre, un conjoint qui ne paierait pas assez d’impôt pour utiliser tous ses crédits d’impôt non remboursables pourrait réussir à en obtenir davantage une fois le calcul du fractionnement effectué à l’annexe 1-A. Cela pourrait être avantageux pour le crédit d’impôt pour les frais médicaux, note Jean-François Thuot. Au fédéral, on peut combiner les frais médicaux d’un couple sur une seule déclaration. Comme le crédit est remboursable sur la portion des dépenses supérieure à 3 % du revenu net, il est préférable de faire ses calculs sur la déclaration du conjoint qui a le revenu net le moins élevé.
Séparation
Comme nous l’avons mentionné, les parents célibataires et les familles monoparentales n’ont pas accès à ce crédit. Qu’arrive-t-il si les parents séparés d’une enfant reforment une nouvelle union ?
Lorsqu’il forme une nouvelle union, le parent peut bénéficier du fractionnement à nouveau, à condition qu’il ait la garde de l’enfant, répond François Bernier. La limite de réduction d’impôt de 2 000 $ n’est pas partagée entre les parents séparés.
Ainsi, deux parents séparés qui ont la garde partagée de l’enfant et qui reforment chacun un couple avec un nouveau partenaire pourraient utiliser chacun le fractionnement à nouveau jusqu’à un maximum de 2 000 $, précise le notaire.
Du nouveau pour les aînés
Les aînés qui ont un revenu modeste ont accès à un nouveau crédit d’impôt provincial pour les activités physiques ou culturelles. Celui-ci atteint 20 % des sommes payées après le 4 juin, jusqu’à un crédit maximum de 40 $. Pour avoir droit de le réclamer, vous devez avoir au moins 70 ans et avoir des revenus inférieurs à 40 000 $.
Un crédit pour frais médicaux étendu aux malades chroniques
Au fédéral, deux nouvelles dépenses seront admissibles pour le crédit d’impôt sur les frais médicaux, soit la conception d’un plan de traitement personnalisé et les dépenses liées à un animal d’assistance pour aider les personnes atteintes de diabète grave.
Un nouveau crédit à la rénovation
Le gouvernement Couillard a adopté son propre crédit d’impôt à la rénovation, LogiRénov. Celui-ci est valide pour les contrats signés après le 24 avril. Les travaux doivent avoir été effectués par un entrepreneur qualifié. Le crédit de 20 % est accessible sur la portion des dépenses qui excède le seuil de 3 000 $. Le maximum du remboursement est de 2 500 $. À moins que Québec ne reconduise cette mesure, votre contrat doit être signé avant le 1er juillet pour en profiter dans la déclaration 2015. Pour 2014, vous pourriez demander cette aide en même temps que le crédit d’impôt du gouvernement Marois, ÉcoRénov. Le remboursement est de 20 % sur l’excédent des dépenses de 2 500 $, jusqu’à un crédit de 10 000 $. Le contrat doit avoir été signé avant le 1er novembre 2014 et doit remplir une série de critères environnementaux très précis. Les sommes doivent avoir été versées au plus tard au 120e jour de l’année 2015.
Investisseurs
Le taux du crédit d’impôt provincial pour l’achat d’actions de Capital régional et coopératif Desjardins recule de 50 % à 45 % pour les actions acquises après le 28 février. Le montant maximal sera désormais de 2 250 $.
Entrepreneurs et professionnels incorporés
Les actionnaires d’une entreprise dont le revenu imposable est inférieur à 500 000 $ et les professionnels incorporés paieront plus d’impôt sur leurs dividendes en 2014. L’imposition du dividende non déterminé augmente, passant de 38,34 % à 39,78 % au plus haut palier d’imposition.
La déduction maximale sur les gains en capital sur la vente d’une entreprise, pour sa part, passe de 750 000 $ à 800 000 $ dans les deux déclarations.
Une possibilité de fractionnement disparaît
Au provincial, il n’est plus possible de fractionner le revenu de pension avec celui du conjoint avant l’âge de 65 ans. Cet avantage demeure au fédéral. Notez que c’est l’âge du contribuable qui fractionne qui est pris en compte. L’âge du conjoint, qu’il soit plus vieux ou plus jeune, ne change rien à cette règle.
Des crédits existants bonifiés
> Le montant des dépenses admissibles pour les frais d’adoption d’enfants au fédéral passe de 11 774 $ à 15 000 $. Il sera indexé pour les années suivantes.
> Le crédit d’impôt provincial pour maintien à domicile passe de 31 % à 32 %.
> Le crédit d’impôt provincial pour aidant naturel prenant soin de son conjoint passe de 775 $ à 850 $.
> Le crédit d’impôt provincial maximal pour les activités culturelles des enfants passe de 20 $ à 40 $. Le montant du crédit peut atteindre 80 $ si l’enfant de votre client est atteint d’une maladie grave ou d’une déficience.
> Le montant maximal des frais admissibles pour le crédit d’impôt pour la condition physique des enfants au fédéral passe de 500 $ à 1 000 $.
N’OUBLIEZ PAS…
Le crédit d’impôt pour frais de scolarité
Bien des établissements d’enseignement n’envoient plus ni le T0224 ni le relevé 8. Puisque ces formulaires n’atterrissent plus automatiquement dans la boîte aux lettres, ils passent sous le radar de certains contribuables. « N’oubliez pas de demander à votre client que son enfant aille le chercher, dit Jean-François Thuot, associé en fiscalité au cabinet Raymond Chabot Grant Thornton. Si vous allez chez le comptable en oubliant ce papier-là, vous laissez des crédits sur la table. »
Des preuves en béton pour les travailleurs autonomes
Les travailleurs autonomes ont intérêt à bien conserver les pièces justificatives pour les déductions liées au travail. Les estimations brouillonnes ne leur seront d’aucune utilité s’ils reçoivent la visite d’un vérificateur, prévient Jean-François Thuot.
Investisseurs
Il y a des erreurs courantes à éviter pour les investisseurs qui rapportent un gain en capital, constate Jean-François Thuot. « Le montant qui est inscrit sur le relevé de votre client n’est pas nécessairement le bon coût moyen par part, prévient-il. Si votre client a changé de courtier, il est possible que le montant inscrit sur son relevé ne soit pas exact. S’il a le même titre chez plus d’un courtier, vous devez calculer le coût moyen de celui-ci pour l’ensemble de ses avoirs. »
Personnes handicapées
Des personnes handicapées laissent parfois filer entre leurs doigts des coups de pouce fiscaux du gouvernement. « C’est surprenant, le nombre de personnes qui ont des limitations marquées dans une activité de la vie, mais qui n’ont jamais demandé le crédit d’impôt », dit François Bernier, directeur de la planification fiscale et successorale chez Placements Mackenzie. Notez que si un des proches de votre client a droit au crédit d’impôt pour personnes handicapées, il pourrait contribuer à un régime enregistré d’épargne invalidité (REEI) en son nom.
Philanthropie
N’oubliez pas que les dons de bienfaisance peuvent être regroupés sur la déclaration d’un seul conjoint. Le crédit d’impôt sur la tranche supérieure à 200 $ des dons est plus élevé. Votre client pourrait ainsi aller chercher jusqu’à 36 $ en économie d’impôt supplémentaire. «Il vaut mieux déclarer 1 000 $ sur la déclaration d’un conjoint que 500 $ sur la déclaration de chaque conjoint», explique François Bernier.
N’oubliez pas le crédit d’impôt pour premier donateur. C’est un crédit supplémentaire de 25 % sur un premier don d’un maximum de 1 000 $. Rappelons que vous devez ne pas avoir fait de dons dans les cinq déclarations précédentes.
T1135 : Ottawa vous simplifie la tâche
Les pressions de l’industrie financière ont permis d’éviter un beau casse-tête aux investisseurs détenant plus de 100 000 $ en titres étrangers chez un courtier canadien. Si c’est le cas de votre client, Ottawa lui a (un peu) simplifié la tâche.
Bien des professionnels de l’industrie appréhendaient les modifications prévues au T1135 pour la déclaration 2014. Ce formulaire, qu’il faut remplir lorsque le client détient plus de 100 000 $ d’actifs étrangers, a été modifié afin de lutter contre l’évasion fiscale à l’étranger. Si Ottawa n’avait pas rectifié le tir, les clients d’un compte de courtage canadien auraient été forcés de passer leur portefeuille au peigne fin pour départager les titres versant un dividende de ceux qui ne le font pas. Une tâche qui se complexifie, plus quelqu’un détient de titres et plus il peut effectué de transactions au cours de l’année.
En fait, l’intention initiale d’Ottawa était de demander le recensement de tous les titres étrangers détenus chez un courtier canadien. Afin d’ « alléger » la tâche des contribuables en 2014, le fisc avait prévu exempter les titres versant un dividende, puisqu’ils sont déclarés dans les formulaires T3 et T5. Au bout du compte, cette exemption aurait causé beaucoup plus de mal que de bien, croit François Bernier, directeur de la planification fiscale et successorale chez Placements Mackenzie. « Ça aurait forcé les clients et les conseillers à fouiller dans l’historique du compte pour trouver les titres qui n’ont pas versé de dividendes, répond-il. Ça aurait créé un bordel épouvantable, si vous permettez l’expression. »
Afin d’éviter ce capharnaüm, Ottawa a ajouté la catégorie 7 au T1135. Cette section est destinée aux détenteurs d’un compte de courtage canadien. Elle permet de divulguer la valeur la plus élevée de leurs titres par pays. Ils devront faire cet exercice pour chaque compte détenu. « Dans votre compte, vous regarderez quelle a été la valeur la plus élevée de tous vos titres américains comme Google, GM et Ford, donne en exemple Ricardo Antuna, conseiller sénior, fiducie et service-conseil, Banque Nationale Gestion privée 1859. Nestlé serait comptabilisé dans une ligne différente pour la Suisse. »
La tâche sera plus facile pour les clients en gestion privée dans les grandes institutions financières. « Chaque grande banque produit un rapport qui donnera la plupart des informations nécessaires, explique Ricardo Antuna. Ça sera peut-être plus difficile pour les petits courtiers ou pour ceux qui détiennent un compte de courtage direct où le client ne paie pas pour les services. »
Devez-vous remplir un T1135?
Vous devez remplir un formulaire T1135 si vous détenez près de 100 000 $ d’actifs étrangers, même si ceux-ci se trouvent dans un compte de courtage canadien. Les comptes enregistrés, comme le REER, le FERR ou le CELI, ne sont pas compris dans le calcul. Si vous avez travaillé aux États-Unis et que vous détenez un compte 401k ou un IRA (des comptes de retraite américains), vous êtes aussi exempté.
Le propriétaire d’une résidence à l’étranger ne doit inscrire la valeur de celle-ci que s’il en tire des revenus de location. Bref, si votre condo de Floride ramasse la poussière pendant que vous êtes au Québec, celui-ci ne vous force pas à remplir un T1135.
Les fonds communs et fonds négociés en Bourse (FNB) canadiens sont considérés comme des valeurs mobilières canadiennes, même s’ils contiennent des actions internationales.