Une photo d'une statuette de la femme de la justice.
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Le règlement de plus de 3 milliards de dollars américains (G$ US) conclu par le Groupe Banque TD avec les régulateurs américains pour ses manquements à la surveillance des risques de blanchiment d’argent a illustré ce que certains considèrent comme des sanctions relativement faibles au Canada.

Denis Meunier, président de DMeunier Consulting et ancien directeur adjoint du Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE), a fait valoir que les amendes au Canada devaient augmenter considérablement pour assurer une dissuasion adéquate et ne pas devenir simplement un coût de fonctionnement.

Il estime que le gouvernement fédéral devrait ajouter des amendes substantielles pour négligence grave et hausser les sanctions administratives existantes, car les amendes au Canada n’ont pas augmenté depuis 2008.

« Il est temps de cesser de mettre des gants blancs, a déclaré Denis Meunier. Il faut des sanctions pour punir, pour vraiment envoyer un message : nous sommes sérieux. Et ces sanctions devraient se chiffrer en millions et potentiellement en milliards de dollars. »

Au Canada, le CANAFE peut imposer une amende maximale de 500 000 $ pour chaque violation très grave de déclaration, ou il peut renvoyer les violations à des poursuites criminelles potentielles.

En revanche, l’amende massive annoncée la semaine dernière contre la Banque TD est en partie due aux règles américaines qui permettent aux autorités d’infliger des amendes allant jusqu’à 500 000 $ US pour chaque journée où un programme de lutte contre le blanchiment d’argent n’est pas opérationnel.

En fonction des amendes limitées dont dispose le CANAFE, la pénalité de 9,2 millions de dollars qu’il a imposée à la TD plus tôt cette année est la plus importante de son histoire.

Conserver l’expertise dans le secteur public

En plus de l’augmentation des amendes, Denis Meunier a indiqué qu’il aimerait voir des ressources et des efforts accrus pour conserver l’expertise des régulateurs, car il est difficile de rivaliser avec ce qui est offert dans le secteur privé.

Par exemple, la TD a embauché plus tôt cette année Nathalie Martineau, une ancienne dirigeante du CANAFE, au poste de vice-présidente de la gouvernance de la lutte contre le blanchiment d’argent au sein de la banque.

Le Canada doit adopter une série de mesures de lutte contre le blanchiment d’argent, car il est loin de répondre aux attentes mondiales, a déclaré Christian Leuprecht, professeur au Collège militaire royal du Canada et coauteur du livre « Dirty Money: Financial Crime in Canada ».

« Il s’agit d’un problème répandu au Canada que les gouvernements ont été largement heureux d’ignorer », a soutenu Christian Leuprecht.

Selon un rapport du Service canadien de renseignements criminels (SCRC), on estime que 45 à 113 G$ sont blanchis au Canada chaque année.

L’ampleur du problème signifie qu’il faut adopter une série d’approches pour le réprimer, a fait valoir Christian Leuprecht.

« Oui, nous avons besoin d’amendes beaucoup plus sévères, mais nous avons également besoin de capacités pour enquêter. La situation est terrible dans ce pays en ce qui a trait aux capacités pour enquêter », a-t-il affirmé.

Les banques ont peu de chances d’être prises, ou d’être punies si elles le sont, et il est donc nécessaire de coordonner les efforts internationaux, a-t-il déclaré.

« Les banques de ce pays n’ont rien à craindre. Nous avons une unité de renseignement financier qui est essentiellement une unité de conformité administrative », a-t-il soutenu.

Denis Meunier a aussi dit qu’il souhaiterait que le CANAFE obtienne le pouvoir d’imposer des conditions aux banques, comme les régulateurs américains l’ont fait avec le plafonnement de la croissance des actifs de la TD au sud de la frontière.

La TD dit apporter les correctifs

Le CANAFE a indiqué dans une déclaration écrite qu’en plus de la pénalité record infligée à la TD, il a également exigé que la banque élabore un plan d’action pour remédier à ses lacunes. L’organisme peut imposer des pénalités supplémentaires si la banque ne donne pas suite à son plan, a-t-il souligné.

La TD a déclaré qu’elle effectuait les investissements, les changements et les améliorations nécessaires pour respecter ses engagements concernant son programme de lutte contre le blanchiment d’argent.

Le gouvernement fédéral cherche des moyens d’améliorer et de renforcer le régime canadien de lutte contre le blanchiment d’argent, notamment par le biais de consultations publiques l’année dernière. Plus tôt cette année, il a également renforcé les exigences réglementaires pour plusieurs entités non bancaires comme les casinos et les assureurs de titres.

Ces efforts interviennent alors que les organismes de réglementation eux-mêmes reconnaissent également l’ampleur du problème.

Peter Routledge, surintendant des institutions financières, s’exprimant lors d’une conférence sur les risques plus tôt en octobre, a déclaré que l’agence devait examiner de plus près la question.

« C’est un risque qui est plus important que je ne l’avais imaginé il y a trois ans, lorsque j’ai commencé mon travail, a affirmé Peter Routledge. Au cours de la dernière année, l’incidence des problèmes de lutte contre le blanchiment d’argent nous a amenés à accroître ce risque. Et ce n’est pas un événement isolé, il y a eu une série d’événements qui nous ont amenés à y réfléchir. »