L’Afrique change et quantité de chiffres en témoignent.
Données éloquentes
Le continent a connu «une décennie de croissance post-coloniale sans précédent de l’ordre de 6 % du PIB par an depuis 2000», note Serge Pépin, spécialiste de produits, marchés émergents mondiaux, chez Lloyd George Management (Europe), à Londres.
«Pendant la même période, le nombre de démocraties sur le continent est passé de 2 à 42, et le nombre de conflits est passé de 12 à 4 environ.»
Au cours de la dernière décennie, le PIB global de l’Afrique a augmenté de 135 %.
«L’Afrique compte six des dix pays affichant la plus forte croissance du monde, et 70 % de sa population a moins de 30 ans, ce qui en fait le continent le plus jeune de la planète», relève Christine Tan, gestionnaire de portefeuille, marché émergents, chez Excel Funds, à Toronto.
De plus, le taux d’analphabétisme a reculé de 41 à 32 % depuis 1990, selon Economy Watch.
Risques nombreux, mais décroissants
Certes, tout n’est pas parfait, loin de là.
Les infrastructures sont encore insuffisantes et il y a encore une grande instabilité politique, accompagnée de son lot de corruption, reconnaît Mark Mobius, président exécutif du conseil du Templeton Emerging Markets Group, qui gère notamment le fonds Templeton Africa créé en mai 2012.
Même un pays aussi prometteur que le Nigéria «est freiné par des lacunes criantes en matière d’infrastructures», ajoute Mark Mobius.
«La plupart des entreprises doivent compter sur leur propre pétrole ou sur des génératrices en raison du peu de fiabilité du réseau énergétique gouvernemental», précise-t-il.
Par contre, note l’investisseur émérite, «les risques décroissent grâce aux investissements en cours dans plusieurs pays, ainsi qu’en raison de la transparence accrue découlant des communications par cellulaire et par Internet».
Beaucoup de lacunes, donc, mais une tendance à de grandes promesses.
«Nous constatons que l’Afrique est à un stade de développement semblable à celui que nous avions observé il y a 30 ans en Asie», avance Serge Pépin.
Ce dernier prévoit une évolution du revenu annuel moyen, qui est actuellement de 500 à 1 000 $ US selon les pays, vers une fourchette se situant entre 2 000 et 5 000 $ US au cours de la prochaine décennie.
Obstacle à l’investissement
De tels chiffres indiquent des occasions considérables dans les secteurs de la consommation de détail, des banques, de l’assurance, du tourisme et de la santé.
Au Nigéria, pour servir une population de 170 millions d’habitants – ce qui en fait le septième pays en importance au monde – «on ne compte que cinq centres commerciaux», indique Gary Barford, analyste à la firme sud-africaine Sovereignty Capital.
«C’est une occasion formidable pour les secteurs de l’immobilier, de la construction et du détail», précise-t-il.
En arrière-plan de toutes ses promesses et lacunes, l’Afrique présente un obstacle majeur à l’investisseur : la faiblesse de ses parquets boursiers et leur très basse liquidité.
L’Afrique compte 17 Bourses, affirme Christine Tan. La principale est celle de Johannesburg, en Afrique du Sud, où 410 sociétés sont inscrites. La valeur quotidienne des échanges atteint 3,4 G$ US, par rapport à 4,6 G$ à la Bourse de Toronto (novembre 2013).
Vient ensuite la Bourse du Nigéria, qui compte 210 sociétés, où le volume quotidien chute brutalement à 120 M$ US.
«Il est donc difficile d’investir adéquatement», constate Christine Tan.
Par exemple, l’investisseur qui a mis de l’argent au Kenya ne doit pas s’attendre à pouvoir vendre rapidement ses titres.
«Celui qui investit [au Kenya] a tout avantage à vouloir y rester de trois à cinq ans et à être déterminé à traverser les périodes creuses», souligne Christine Tan.
Initiative prometteuse
Par bonheur, comme pour tout le reste de l’Afrique, cela pourrait changer assez rapidement, surtout grâce à une initiative du Nigerian Stock Exchange (NSE).
En 2011, après avoir remercié tous ses dirigeants, cette Bourse a recruté un vétéran de Wall Street, Oscar Onyema, qui a mis en place un indice de gouvernance où seules les entreprises qualifiées sont cotées.
«Cela pourrait constituer un exemple à suivre pour d’autres Bourses, d’autant plus qu’Oscar Onyema entend coter 500 nouvelles sociétés au cours des cinq prochaines années», explique Christine Tan.
Pour l’instant, sur ce continent, Christine Tan investit uniquement en Afrique du Sud. Mais si Oscar Onyema réussit son pari, le NSE «pourrait devenir la prochaine Bourse où j’investirai», dit-elle.