D’abord attiré par l’assurance de dommages, où il pouvait rapidement voir l’impact de ses projections, il a débuté chez Promutuel, à Québec, en 1992, comme conseiller en actuariat. Jean-François Chalifoux se rappelle avoir été un des rares de sa promotion à obtenir rapidement un emploi, année où l’industrie des services financiers canadiens subissait encore les répercussions de la récession mondiale.
Trois ans plus tard, il quitte l’assureur de dommages pour un emploi similaire au Mouvement Desjardins, qu’il abandonnera après trois ans, à 27 ans, pour son premier poste de gestionnaire, à titre de directeur de l’actuariat d’une petite équipe d’actuariat chez ING (Intact assurance à l’époque), à Toronto.
Il n’en avait toutefois pas encore terminé avec le Mouvement Desjardins. En 2000, après l’acquisition par Desjardins Assurances générales de deux filiales d’assurance de la Banque CIBC hors Québec – La Personnelle et Certas -, la société part à la recherche d’une personne bilingue qui connaît bien son environnement et lui offre le poste de gestion d’une équipe de 80 personnes.
Moins d’un an après son embauche, celle qui l’avait recruté quitte précipitamment l’organisation. Il occupe par intérim la direction générale du secteur. Lorsque son patron, Jude Martineau, président et chef de la direction des sociétés d’assurance de dommages du Mouvement Desjardins, le convoque à son bureau, il lui offre d’occuper le poste de façon permanente, ce qui le prend de court. Alors âgé de 31 ans, et dans l’attente de son deuxième enfant, Jean-François Chalifoux juge que le risque est grand.
«Dans mon esprit, je me considérais comme trop jeune et trop inexpérimenté, ajoute-t-il. Toutefois, entre faire confiance à un nouveau et me faire confiance à moi, j’ai fait le choix de me faire confiance.»
En acceptant le poste, il se retrouverait à la tête de 800 employés. Après une discussion franche et ouverte avec Jude Martineau, il décide de courir le risque et d’accepter l’offre.
Malgré sa rapide progression professionnelle, Jean-François Chalifoux garde en tête son objectif de devenir numéro un d’une société, et il ne se repose pas sur ses lauriers. Il cherche dès lors à se diversifier et à obtenir un poste de gestionnaire des opérations en services financiers et non seulement en assurance de dommages.
Cette occasion se présente en 2009 lorsqu’il obtient le poste de premier vice-président assurance institutionnelle, assurance directe. En 2014, il est finalement nommé directeur général de l’assureur de personnes du Mouvement Desjardins par Denis Berthiaume, qui était à l’époque président et chef de l’exploitation de Desjardins Sécurité financière (DSF).
En juin 2015, après 12 ans chez Desjardins, on lui offre finalement le poste de président-directeur général de SSQ Groupe financier.
«Je regardais le profil recherché, les qualités que SSQ souhaitait du futur leader et je trouvais que j’en possédais plusieurs», dit-il.
Attiré par le défi de croître sur le marché canadien et par la forte dimension humaine de l’assureur, Jean-François Chalifoux accepte le poste. Il se retrousse les manches et se met à travailler sur la transformation interne de la société.
Consolider avant de grossir
SSQ misera sur la croissance interne et surtout sur la consolidation de sa nouvelle structure opérationnelle et de gouvernance intégrée pour se développer dans les trois prochaines années. Dans un premier temps, Jean-François Chalifoux s’est attelé à simplifier la structure de l’assureur tout en mettant au point un nouveau plan stratégique triennal.
«Je sentais que les employés souhaitaient créer des occasions, des ventes croisées, des synergies d’affaires, du référencement intersecteurs, qu’ils désiraient être plus efficaces sur le plan opérationnel, mais qu’ils n’y arrivaient pas», explique-t-il.
Ce gain d’efficacité s’est réalisé dans les quatre principales lignes d’affaires, soit en assurance vie, en assurance de dommages, en assurance collective et en investissement.
«Nous sommes passés de lignes d’affaires à des fonctions d’affaires, soit de manufacture, de distribution et de gestion d’opérations», indique Jean-François Chalifoux.
La restructuration a également entraîné la fusion des cinq entreprises de distribution – SSQ, cabinet de services financiers ; assurancevoyages.ca ; 6801188 Canada ; SSQ Évolution ; et Garantie supplémentaire 100 Limite – en une seule, nommée SSQ Distribution.
Dans un deuxième temps, Jean-François Chalifoux a décidé de simplifier la structure de gouvernance de l’entreprise. SSQ a maintenu ses trois conseils d’administration – un pour SSQ, Société d’assurance-vie, un pour SSQ, Société d’assurance, et un pour SSQ, Société d’assurances générales – pour veiller au bon fonctionnement de la société, mais leur taille et leur composition ont été harmonisées.
La réorganisation rend possible une gestion intégrée pour l’ensemble des opérations de la société et simplifie le travail des administrateurs, car elle leur permet d’avoir une compréhension globale de tous les secteurs d’activité.
Les employés ont appris les modifications en mars 2016 et les deux modèles ont cohabité jusqu’à l’application complète du nouveau modèle, en janvier 2017.
Le président croit que ces changements importants leur permettront d’atteindre trois objectifs distincts, soit d’augmenter le nombre de ventes croisées, d’améliorer l’efficacité des opérations de l’entreprise et de permettre aux employés de se développer dans l’organisation.
«Nous avons sacrifié un peu l’imputabilité des lignes d’affaires [ndlr : envers leur propre conseil d’administration] pour nous doter d’une structure intégrée, afin de capter le plein potentiel des synergies d’affaires, [diminuer] les coûts opérationnels et stimuler la carrière et le développement de l’employé», explique-t-il.
Le natif de Mont-Laurier avait d’ailleurs constaté que toutes ses lignes d’affaires s’étaient développées en marge les unes des autres et qu’il était maintenant temps de décloisonner le tout.
Dans un troisième temps, Jean-François Chalifoux s’est attelé à la création d’un plan stratégique triennal. Ce dernier mise d’ailleurs principalement sur la croissance interne pour les trois prochaines années, plutôt que sur une croissance par acquisition.
Jean-François Chalifoux évaluera la réussite de son plan sur l’aptitude de la société à «capter le plein potentiel de ses clients, partenaires de distribution et partenaires d’affaires actuels».
SSQ s’est donné comme cible 100 M$ de nouvelles primes souscrites brutes récurrentes d’ici trois ans, soit à la fin de 2019, liées au décloisonnement de l’entreprise.
Le moteur collectif
Avec ses 8,29 % de parts de marché, selon l’édition 2016 du «Rapport de l’Autorité des marchés financiers sur les institutions financières», SSQ est le cinquième assureur au Québec dans le secteur de l’assurance vie collective.
La locomotive de la société est depuis toujours le secteur collectif. La portion accidents et maladie de ce secteur réussit d’ailleurs particulièrement bien. En 2016, les primes directes souscrites de la société y ont atteint 1,2 G$, ou 18,6 % de parts de marché, derrière DSF, qui domine le secteur.
Jean-François Chalifoux soutient que cette force du groupe se maintiendra, puisqu’elle fait partie de l’identité de SSQ : «C’est le secteur dans lequel notre empreinte est la plus forte.»
SSQ sert plus de deux millions de clients au Canada en collectif, en incluant les conjoints et les enfants à charge, et le président souhaite utiliser cette masse critique pour promouvoir l’ensemble de ses fonctions d’affaires.
«Il faut trouver comment connecter notre locomotive aux autres secteurs d’affaires afin d’alimenter leur croissance», dit-il.
Il soutient que l’application du nouveau modèle d’entreprise permettra davantage la liaison entre l’assurance collective et les autres secteurs d’activité.
«SSQ a 22 millions d’interactions avec ses clients annuellement, mais est-ce que ces gens savent que nous ne faisons pas seulement de l’assurance collective ?» s’interroge Jean-François Chalifoux.
De plus, pour la période allant de 2012 à 2016, la part de marché de SSQ en assurance de personnes au Québec, en primes directes souscrites, est passée de 9,3 % à 8,5 %.
L’assureur explique que cette variation provient du retrait de SSQ, en 2014, des régimes collectifs avec gestion des adhérents.
Le conseil renouvelé
Pour Jean-François Chalifoux, le conseil aura toujours sa place dans l’industrie des services financiers. Il reconnaît toutefois que l’assurance de personnes n’est pas à l’abri des bouleversements technologiques majeurs qui ont eu lieu dans d’autres industries.
«Les assureurs et particulièrement les distributeurs indépendants devront avoir une ouverture et s’adapter», dit-il.
Il s’attend à des modifications importantes au cours des prochaines années dans la façon de concevoir les produits d’assurance, de les distribuer et de les gérer.
Dès lors, malgré le fait que le conseiller fasse toujours partie de l’équation pour lui, ce dernier devra s’adapter à la nouvelle réalité.
«Nous ne sommes pas dans une situation où tout le monde est surassuré, bien au contraire, indique-t-il. Les conseillers devront anticiper les changements, s’adapter à un nouvel environnement et saisir les occasions que cela amène.»