Selon la VG, l’AMF n’a pas respecté le cycle d’inspection de trois ans prévu dans les plans de supervision convenus avec la CSF et la ChAD. En effet, les derniers cycles d’inspection ont couvert une période de quatre ans plutôt que de trois ans.
Aussi, «les rapports faisant état des recommandations formulées aux chambres sont publiés trop longtemps après la fin de la période couverte par l’inspection, ce qui peut avoir un impact sur la pertinence des recommandations. En effet, nous avons constaté qu’il pouvait s’écouler de 14 à 27 mois entre la fin de la période d’inspection et la finalisation du rapport», lit-on dans le rapport.
De plus, l’AMF ne tient pas toujours compte des changements survenus après la période d’inspection, afin de s’assurer que les lacunes existent encore et que les recommandations demeurent pertinentes au moment de les formuler.
Par exemple, l’AMF a constaté que des modifications devaient être apportées au règlement interne de la CSF. Elle a fait une recommandation à ce sujet en juin 2012, alors que des modifications avaient déjà été apportées par la CSF en février 2012.
C’est pourquoi la VG recommande d’effectuer les inspections auprès de la CSF et de la ChAD en temps opportun, notamment en considérant les informations et les événements survenus jusqu’à la date du rapport.
L’AMF pourrait aussi améliorer son suivi des mesures correctrices lorsqu’elle formule plusieurs recommandations à la CSF et à la ChAD, selon Guylaine Leclerc. Ainsi, après chaque inspection, les chambres doivent élaborer un plan d’action renfermant des mesures correctrices ainsi qu’un échéancier de mise en oeuvre, le cas échéant. «Le processus de suivi des mesures correctrices n’est pas suffisamment structuré et encadré», selon la VG.
«Pour plusieurs irrégularités constatées, l’AMF s’est satisfaite des mesures annoncées par les chambres, alors que celles-ci étaient imprécises, et elle a conclu qu’elle en ferait le suivi uniquement lors de l’inspection subséquente, lit-on dans le rapport. Une meilleure évaluation des plans d’action, y compris une rétroaction auprès de l’organisme concerné, aurait favorisé une plus grande prise en charge des recommandations. Dans certains cas, l’ajout d’indicateurs permettrait de suivre la mise en oeuvre des mesures correctrices prévues, ce que l’AMF ne fait pas.»
Résultat : plusieurs irrégularités n’ont donc pas fait l’objet d’un suivi en temps opportun et des lacunes perdurent. Par exemple, en juin 2012, l’AMF a soulevé des lacunes relativement aux délais de cheminement des dossiers d’enquête et a recommandé que la CSF prenne les mesures adéquates afin de diminuer le nombre de dossiers d’enquête en cours depuis plus de 15 mois.
«L’AMF n’a pas fait de suivi de cette recommandation et près de cinq ans plus tard, soit en 2017, l’AMF constate encore que les délais d’enquête sont longs», apprend-on dans le document.
D’autres suivis à renforcer
Selon le rapport, l’AMF ne disposerait pas des outils et de toute l’information nécessaires pour cibler adéquatement ses interventions en fonction des risques des cabinets du secteur de l’assurance. De plus, son processus de suivi des irrégularités observées dans ce secteur lors des inspections mériterait d’être renforcé.
Étant donné le nombre important d’entreprises distribuant des produits et des services d’assurance, soit plus de 6 900 au 31 décembre 2016, l’AMF inspecte un échantillon d’entreprises. Cette approche est justifiable, selon le rapport de la VG.
Or, il est essentiel que l’AMF cible adéquatement en fonction des risques les entreprises qui devront faire l’objet de travaux d’inspection plus approfondis. L’AMF n’a toutefois pas tous les outils pour effectuer ce ciblage adéquatement, soutient la VG.
«Les critères utilisés afin de sélectionner les entreprises à inspecter ne permettent pas une réelle discrimination en fonction du risque», lit-on dans le rapport.
L’AMF dispose de peu d’information sur les pratiques des entreprises de distribution de produits et de services d’assurance. L’utilisation d’un questionnaire d’autoévaluation depuis 2015-2016 auprès des entreprises avec un seul représentant est un des moyens que l’AMF a mis en place pour pallier cette lacune, selon le rapport.
Cependant, au 31 décembre 2016, le portrait obtenu grâce à ce questionnaire était encore fragmentaire, car seulement 105 questionnaires ont été compilés sur un échantillon visé de 2 800 entreprises.
Peu d’inspections de suivi
Toujours dans le secteur des assurances, l’AMF a réalisé des activités de suivi que la VG juge «insuffisantes pour permettre [à l’AMF] d’apprécier dans quelle mesure les correctifs ont été mis en place pour pallier les lacunes observées, lorsque celles-ci sont importantes».
Depuis 2014, seulement 16 % des inspections réalisées et pour lesquelles des lacunes ont été constatées ont fait ou feront l’objet d’une inspection de suivi. La décision de choisir une entreprise plutôt qu’une autre n’est pas suffisamment justifiée en fonction des risques et de l’importance des lacunes, mentionne le rapport de la VG.
«Dans plusieurs cas où il y avait présence de lacunes importantes, l’AMF n’avait pas effectué de suivi afin de s’assurer de la correction des lacunes observées, lit-on dans le rapport. Dans certains cas, l’AMF a uniquement exigé qu’une lettre d’engagement à corriger les irrégularités constatées soit signée par l’entreprise concernée.»
Dans d’autres cas plus problématiques, les dossiers ont été transférés à la Direction principale du contentieux pour évaluer si des recours devant le Tribunal administratif des marchés financiers pouvaient être exercés, par exemple afin d’imposer des pénalités administratives.
«Toutefois, pour certains de ces dossiers, aucun recours devant le tribunal n’a finalement été entrepris et les dossiers ont alors été conclus par la signature d’une lettre d’engagement», apprend-on dans le rapport.
C’est sans compter que, de façon générale, la lettre d’engagement n’est pas accompagnée d’autres dispositions permettant d’obtenir la certitude que de réelles mesures structurantes sont mises en place, soutient la VG. «L’AMF pourrait par exemple exiger la production d’un plan d’action, demander certaines preuves que les mesures correctrices sont mises en place ou réaliser des interventions de suivi ciblées sur les principales lacunes observées», suggère-t-elle.
La VG recommande donc d’établir un meilleur profil de risques des entreprises distribuant des produits et des services dans le secteur des assurances et de renforcer le suivi des irrégularités constatées.
Le tableau est toutefois plus reluisant dans le secteur des valeurs mobilières. Selon la VG, «la stratégie d’intervention ainsi que le suivi des irrégularités constatées sont généralement appropriés et l’approche de l’Autorité permet d’atténuer les risques».
Le FISF encore décrié
La vérificatrice générale remet en question «l’effet limitatif» des conditions d’admissibilité du FISF. Selon Guylaine Leclerc, le FISF «ne joue pas pleinement son rôle, soit d’indemniser les victimes de fraude».
Selon le rapport, de nombreuses demandes d’indemnisation sont rejetées chaque année parce que le représentant n’avait pas agi dans les limites autorisées par son certificat dans une des disciplines encadrées, soit l’assurance de personnes ou l’assurance collective de personnes, l’assurance de dommages, l’expertise en règlement de sinistres, la planification financière, l’épargne collective ou les plans de bourses d’études.
À défaut de quoi, «le consommateur n’est pas couvert par le FISF pour les agissements de personnes non inscrites auprès de l’AMF ou pratiquant dans d’autres disciplines, tel le courtage en placement de valeurs mobilières», rappelle la VG.
Il s’agit en fait du motif de refus le plus important. À elle seule, cette condition est à l’origine du rejet de près de 40 % des demandes d’indemnisation refusées de 2011-2012 à 2015-2016, soit 119 demandes.
De plus, le processus de révision des demandes d’indemnisation pourrait être amélioré. Actuellement, le directeur de l’indemnisation statue sur l’admissibilité d’une réclamation et, si aucun fait nouveau n’est apporté, la décision est finale et sans appel.
«Dans cette situation, le seul recours possible pour un consommateur en désaccord avec la décision de l’Autorité est d’en demander la révision à la Cour supérieure du Québec, afin d’obtenir son annulation, ce qui suppose des frais et des délais pouvant s’avérer fort importants», constate la vérificatrice générale.
Elle suggère de s’assurer que le consommateur dispose d’une information plus pertinente et facilement compréhensible, pour valider si le produit ou le service financier qu’il souhaite acquérir pourra faire l’objet d’une indemnisation par le FISF en cas de fraude, de manoeuvres dolosives ou de détournement de fonds.
En collaboration avec Richard Cloutier