À preuve, la croissance du volume d’affaires y est de 35 % sur cinq ans, ce qui représente une moyenne de 7 % par année, d’après les données de TD. La clientèle a par ailleurs augmenté de 25 % durant la même période.
À son avis, c’est en intégrant chacune de ses lignes d’affaires, soit en créant une banque qui peut répondre à toutes les situations et tous les besoins d’un client, qu’elle arrivera à prendre plus de place dans l’échiquier québécois.
Sylvie Demers considère son parcours professionnel comme un atout pour arriver à ses fins. En plus de 30 ans de carrière à la TD, elle a touché à l’ensemble des lignes d’affaires, ce qui la place en bonne position pour avoir une vue d’ensemble de chacun des secteurs et déceler le potentiel associé à chacun d’eux.
Ses collaborateurs reconnaissent cette force chez elle. Comme le souligne Stephan Bourbonnais, premier vice-président et directeur régional pour l’Est du Canada, services privés de Gestion de patrimoine TD, «elle brise d’une main de maître les silos. Nous avons l’occasion de travailler ensemble et de faire grandir la présence de TD au Québec, et non seulement celle d’une ligne d’affaires».
Sylvie Demers soutient aussi que son passage au siège social de la Banque TD à Toronto lui a donné la «crédibilité» nécessaire dans l’institution financière pour mener à bien ses projets.
Les gains futurs de parts de marché de la banque ne se feront pas «avec de la brique et du mortier», selon elle, considérant qu’avec l’ouverture de 48 nouvelles succursales au cours des 13 dernières années, l’institution a maintenant atteint un niveau «confortable» de points de service. Elle en possède 349, soit 132 succursales et 217 guichets.
Ce travail de développement du réseau de succursales sur le territoire québécois est l’héritage de sa prédécesseure, Christine Marchildon, qui a assuré la direction du Québec de 2011 à 2015.
Avec autant de succursales, le défi est maintenant de les rendre opérationnelles en y intégrant tous les services de la TD dans une offre harmonisée. C’est ce qui a intéressé Sylvie Demers lorsqu’elle est entrée en poste en 2015.
Une fois en place, elle a également créé un comité de la marque, dont l’objectif est de comprendre qui sont ses concurrents et de saisir où la banque peut accroître ses parts de marché. Ce dernier s’occupe aussi de déterminer où TD doit être présente et qui doit la représenter.
Il importe de «développer la marque autant à l’externe qu’à l’interne», explique Sylvie Demers en donnant comme exemple le nombre de marcheurs de la Banque TD, dont elle-même, participant au défilé de la Fierté gaie de Fierté Montréal, qui est passé de 50 à 450 en quatre ans.
Faire sa marque
L’Estrienne en a fait du chemin avant d’arriver à la tête de la direction du Québec. Après des études à HEC Montréal, elle entre à la Banque TD comme directrice de comptes. Nous sommes en 1985. Pour la jeune femme francophone de 22 ans, les défis sont multiples.
«Il m’est déjà arrivé d’aller voir des clients avec mon adjoint, et les clients allaient vers lui en se présentant à monsieur Demers, dit-elle anecdotiquement. Ils savaient que le directeur de comptes était Demers [sans savoir s’il s’agissait d’une femme ou d’un homme].»
À l’époque, l’institution était définie comme le banquier du textile et la clientèle était juive, masculine et âgée.
«Ce fut un défi que de m’imposer dans un contexte comme celui-là», ajoute Sylvie Demers, qui s’implique dans plusieurs activités de la TD pour favoriser l’avancement des femmes à l’interne, en faisant du mentorat et en donnant des conférences.
Depuis, elle a joué divers rôles au sein de la Banque TD. Après cinq ans comme vice-présidente du réseau de succursales du district de Montréal Centre-Sud, elle est devenue vice-présidente régionale et chef de marché des services aux clients privés de Gestion de patrimoine TD pour l’Est du Canada.
Finalement, avant de prendre la direction du Québec, Sylvie Demers a occupé les responsabilités de vice-présidente aux initiatives stratégiques, après un passage comme présidente du marché de l’affinité de TD Assurance.
Analytique et structurée, c’est son sens de l’organisation et sa capacité à maximiser les compétences de ses équipes, tout en allant chercher de nouveaux talents, qui lui ont permis de progresser et d’appliquer son modèle dans chacune des lignes d’affaires où elle a évolué.
Ces traits de personnalité sont d’ailleurs reconnus par ses prédécesseurs. «C’est une gestionnaire qui a vraiment fait ses classes et gravi les échelons un par un, souligne Bernard Dorval, ancien président suppléant de TD Trust et président de la division québécoise de la Banque TD. Elle n’a pas eu peur de tenter de nouvelles expériences, de se lancer de nouveaux défis et elle a toujours bien réussi.»
Même son de cloche du côté de Christine Marchildon, qui ajoute que «c’est une femme d’action. Elle va utiliser les informations et les analyses pour passer à l’action. Sylvie est quelqu’un qui « livre la marchandise »».
Un peu à la manière d’une joueuse d’échecs, elle sait prendre son temps pour jouer les bons pions aux bons moments. «Je ne suis pas une sprinteuse, je suis une marathonienne», indique-t-elle.
Holistique dans son approche, elle compte sur les données et les faits pour prendre des décisions. Sylvie Demers demande d’ailleurs toujours à ceux qui travaillent avec elle de lui fournir des chiffres «afin qu’on ne prenne pas de décision sur une exception, mais plutôt sur des faits».
Pour elle, la marque d’un grand leader est visible dans la continuité des activités de son équipe après son départ. S’il a bien fait son travail, s’il a été en mesure d’aller chercher les bons talents, s’il a mis en place la bonne structure et s’il s’est assuré d’avoir mis en oeuvre des pratiques soutenables, tout devrait bien se passer, même après son départ.
«Pour moi, la fierté est que, quand je pars, c’est sans aucun doute mieux que lorsque je suis arrivée et que ça va continuer à progresser», dit-elle.
Pratiques douteuses et TD
En mars, un reportage de la CBC rapportait les propos de trois anciens employés de la Banque TD qui affirmaient avoir subi des pressions pour vendre des produits et services financiers inadéquats ou non nécessaires à des clients.
Ces révélations ont mené à une vague de confessions d’employés de cinq banques canadiennes et, par la suite, à une enquête sur les pratiques commerciales dans le secteur des services financiers par l’Agence de la consommation en matière financière du Canada (ACFC).
Sylvie Demers soutient que ces révélations ont été un «choc» et une surprise pour elle.
«Ce n’est absolument pas la culture que nous prônons», dit-elle. À la suite des déclarations, elle a décidé d’organiser des groupes de discussion avec les employés pour comprendre comment ils se sentaient. Ces derniers considéraient que ces pratiques n’étaient pas dans la culture de la société et ils étaient même inquiets de la réaction des clients à ces révélations.
«Nous sommes retournés faire nos classes, souligne-t-elle. De un, nous avons écouté nos employés, nous ne voulons pas qu’ils se sentent comme ça ; de deux, [nous nous sommes questionnés à savoir si] nous prenions le temps de bien communiquer ; et de trois, nous nous sommes assurés de parler avec nos clients.»
Au Québec, entre mars et mai 2017, la banque a reçu trois plaintes de clients ayant des questions sur certains aspects de leur compte bancaire. La TD soutient avoir répondu adéquatement à ces derniers.
La Banque TD a également créé des forums de discussion internes et externes afin de cibler ce qui ne fonctionne pas. L’institution évalue d’ailleurs actuellement ses pratiques et son offre de services.
Sylvie Demers explique que TD se questionne sur les outils, la connaissance, l’éducation et les accréditations qu’ont les employés. Avec un taux de roulement de 30 % du personnel dans les succursales canadiennes, la formation est quelque chose qui doit être recommencé régulièrement.
«Nos aspirations sont là», soutient-elle.
Parlant d’aspiration pour l’avenir, Sylvie Demers souligne que TD préfère accueillir les nouvelles technologies financières plutôt que d’être dépassée par celles-ci.
«Nous ne voulons pas être un Kodak ou un Polaroid, dit-elle. Nous avons des équipes complètes qui travaillent sur l’intelligence artificielle. Nous nous sommes associés à différentes fintechs.»
Preuve de cet engagement dans les nouvelles technologies, la banque a par ailleurs conclu en octobre une entente avec Kasisto, un fournisseur de services conversationnels avec intelligence artificielle.