Toutefois, cette stratégie est pratiquée d’une façon bien différente par rapport à ce que plusieurs ont appris à une certaine époque.
Auparavant, on enseignait au conseiller d’être proactif et d’aborder directement la question avec les clients dès la première rencontre : «Avez-vous des amis ou des connaissances auxquels vous pouvez me recommander ?»
L’approche était claire, nette et… inutile.
«Les résultats n’étaient pas au rendez-vous, tranche Sara Gilbert. Le conseiller partait et tout se terminait là.»
Selon elle, c’était mettre la charrue avant les boeufs que de demander au client de travailler pour nous, alors que la relation implique d’abord et avant tout un travail de la part du conseiller.
Retour à la base
Aujourd’hui, l’art de la recommandation se pratique de façon passive.
On ne sollicite plus les recommandations, «on se met en position d’être recommandé», affirme Sylvain De Champlain, président de De Champlain Groupe financier et associé chez Virage Coaching.
«Nous sommes 32 000 conseillers au Québec, rappelle-t-il. Si un conseiller est seulement bon, il est en péril ; il devient vite un numéro parmi tant d’autres.»
Plusieurs conseillers se perçoivent à juste titre comme les gardiens de l’actif financier de leurs clients, et croient que les rendements sont la clé de la réussite.
Toutefois, ils n’en sont que la deuxième condition, juge Sara Gilbert.
«Le premier gage de réussite, c’est la relation client, dit-elle. Il faut obtenir des résultats tangibles et bien les communiquer. Les références viennent après coup. En fait, c’est un retour à la base du service-conseil.»
Et ce fondement, c’est l’écoute, insiste André Martel, président de Services Financiers André Martel, qui travaille en collaboration avec Sylvain De Champlain.
«À la base, nous nous soucions des objectifs et des rêves de nos clients. Le reste en découle.»
C’est sur ces rêves et objectifs que s’échafaude le travail de planification et de gestion des avoirs des clients. Et, bien sûr, il faut que ce travail soit fait de façon impeccable et irréprochable.
Bien communiquer
La clé pour établir une solide relation-client, c’est de bien communiquer, souligne lui aussi Sylvain De Champlain.
«C’est un des défis importants des conseillers, soutient-il. Les meilleures pratiques recommandent de communiquer de 10 à 12 fois par an avec ses clients, que ce soit par des rencontres, des lettres financières, des courriels, des appels de mise au point.»
C’est une pratique à laquelle on doit se consacrer sans cesse.
Par exemple, avant chaque rencontre, André Martel veille à ce qu’une adjointe confirme le rendez-vous avec le client. Chaque rencontre, la première surtout, est suivie d’une lettre qui en rappelle les moments clés et les actions à entreprendre.
Et pas de messagerie vocale pendant les heures normales de bureau ! Les clients qui appellent s’attendent à parler directement à un employé du cabinet.
Cultiver des centres d’influence
S’il veille à tous ces aspects de sa pratique, le conseiller n’aura pas besoin de faire de la sollicitation pour qu’on le recommande auprès de clients potentiels, juge Sylvain De Champlain.
«On devient éminemment recommandable, et les recommandations viennent d’elles-mêmes», dit-il.
C’est ainsi qu’il a recruté tous ses nouveaux clients «au cours des 15 dernières années, sauf bien sûr pour les clientèles que j’ai « achetées »», précise-t-il.
«Dans mon cas, j’ai toujours été mal à l’aise de demander des références», ajoute Sylvain De Champlain.
Évidemment, le conseiller peut faire certaines choses pour recruter plusieurs nouveaux clients à la suite de recommandations. Ces approches relèvent elles aussi de la communication.
Par exemple, on peut cultiver ce que Sylvain De Champlain et Sara Gilbert appellent des «centres d’influence». Il s’agit habituellement de bureaux de professionnels dont un conseiller va solliciter la collaboration pour une expertise spécifique : fiscaliste, avocat, notaire, etc.
Francis Sabourin appartient à un réseau d’une demi-douzaine de professionnels. Le vice-président et gestionnaire de portefeuille chez Richardson GMP collabore avec les membres du réseau pour les dossiers de ses clients.
«Les clients auxquels mes services ont été recommandés viennent à 50 % des centres d’influence, dit-il. Toutefois, ce sont eux, surtout les comptables et les fiscalistes, qui m’envoient les clients les plus importants.»
La règle qui prévaut dans les échanges avec ces centres est fondée sur le partage, pourrait-on dire. «Avant de recevoir, il faut s’assurer de donner», souligne Francis Sabourin.
Il rappelle un épisode où il a offert à un avocat d’un grand cabinet qui cessait ses activités de l’aider à trouver un autre poste.
«En moins d’une heure, je recevais une référence pour une cliente disposant d’un actif de 2 M$. Pourtant, je ne m’attendais pas à ce qu’on me renvoie l’ascenseur.»
Il faut cependant éviter de multiplier de tels centres d’influence, insiste Francis Sabourin. «On ne doit pas en avoir trop, car sinon, on ne développe pas de relation en profondeur et on ne peut plus vraiment aider les autres professionnels.»
Il y a 18 ans, alors qu’il mettait au point un cours sur la retraite, André Martel a développé un centre d’influence inhabituel. Il dispense son cours auprès de plusieurs grandes entreprises de sa région de Saguenay : Rio Tinto Alcan, Hydro-Québec, les Forces armées canadiennes.
À une certaine période, il a recruté 80 % de ses clients grâce à ces cours et grâce aux recommandations faites par les services des ressources humaines.
Invitez vos amis !
Sylvain De Champlain et André Martel utilisent une stratégie habile : chaque année, ils invitent toute la clientèle à un événement marquant auquel participe un conférencier ou un artiste de renom.
Chaque client reçoit deux paires de billets : une paire pour lui et son conjoint, et l’autre pour un couple d’amis.
Voilà une excellente façon de se faire connaître. Après tout, il ne suffit pas d’être recommandable. Il faut faire en sorte que cela se sache !