La rentabilité du rééquilibrage ne fait pas de doute, comme le montre une simulation faite par Raymond Kerzhéro, directeur de la recherche chez PWL Capital, à Montréal (http://tinyurl.com/zq6dwge). Sur une période de 35 ans (1980-2014), 10 stratégies de rééquilibrage ont permis à un portefeuille canadien d’obtenir un rendement meilleur et moins volatil que s’il n’avait pas été rééquilibré. Le chercheur a obtenu les mêmes résultats en effectuant cette simulation sur trois périodes d’environ 10 ans (1980-1991, 1992-2003, 2004-2014).
Raymond Kerzhéro a appliqué les mêmes 10 stratégies de rééquilibrage à des portefeuilles composés exclusivement de titres américains, européens ou japonais. Dans 29 cas sur 30, les portefeuilles rééquilibrés ont mieux performé que ceux qui n’ont pas été rééquilibrés.
«Nous évaluons que dans une perspective canadienne, un rééquilibrage ajoute 0,57 % aux rendements ajustés selon le risque avant les coûts et 0,41 % net de frais de transaction et de fiscalité», écrit Raymond Kerzhéro.
Le rééquilibrage s’avère plus payant pour les portefeuilles qui ont une valeur plus élevée, pour lesquels les frais de transaction sont moins coûteux, fait ressortir l’étude. Ainsi, dans un portefeuille de 100 000 $, ces coûts représentent 0,09 % de l’actif sous gestion ; dans un portefeuille de 1 M$, les coûts ne sont que de 0,01 %.
«On rééquilibrera moins souvent un plus petit portefeuille, car le coût peut être plus élevé», souligne Raymond Kerzhéro en entrevue téléphonique.
En fonction de l’âge
À quelle fréquence faut-il rééquilibrer son portefeuille ? Les différences de rendement entre les 10 stratégies de rééquilibrage de Raymond Kerzhéro sont parfois importantes (de l’ordre de 23 points de base dans le cas le plus marqué), et aucune ne procure des rendements supérieurs de façon constante. Dans le portefeuille canadien, la meilleure stratégie varie selon les décennies.
Pour la période 1980-1991, la stratégie 3 donne le meilleur rendement, l’écart étant de 13 points de base avec la stratégie 9, la moins performante. Pour la période 2004-2014, c’est la stratégie 10 qui donne les meilleurs résultats, l’écart avec la moins performante (stratégie 8) étant de 23 points de base.
Selon Ed Clissold, plus un épargnant approche de la retraite, plus il doit rééquilibrer son portefeuille fréquemment, surtout en cette période de faibles taux d’intérêt.
«Les épargnants plus âgés doivent être plus créatifs pour trouver du rendement, et du coup, prennent plus de risques, dit-il. Ils doivent donc être vigilants et ramener leur portefeuille à un niveau de risque plus tolérable», explique le stratège américain.
Dans leur cas, le minimum requis est un rééquilibrage annuel.
Se fier plutôt à l’écart-type
D’autres experts sont toutefois sceptiques à l’égard d’une telle stratégie de rééquilibrage régulier.
D’une part, Guy Mineault, économiste et conférencier, croit qu’avec le rééquilibrage, «on donne un coup de bâton à la section de notre portefeuille qui va bien et on en accroît le risque en achetant des titres qui vont moins bien», affirme-t-il.
Selon lui, plusieurs institutions financières rééquilibrent dès qu’une catégorie d’actif dévie de 2,5 % du profil de risque de l’investisseur. «Elles le font pour éviter que des clients les poursuivent, mais du même coup, elles sacrifient le rendement de l’investisseur», soutient celui qui a créé, l’automne dernier, le Mouvement d’éducation et de défense des investisseurs en fonds et FNB (MEDIF). Guy Mineault juge que le rééquilibrage devrait être aligné sur l’évolution de l’écart-type de l’indice de référence qui ressemble le plus au portefeuille de l’épargnant.
Il s’appuie sur les profils de risque mis de l’avant par l’Institut des fonds d’investissement du Canada. Pour un épargnant qui a un profil modéré (écart-type entre 11 % et 16 %), il est temps de rééquilibrer son portefeuille lorsque l’écart-type de l’indice de référence déborde de ces pourcentages vers le haut ou vers le bas.
La crainte de perdre gros
Ce sont surtout les investisseurs institutionnels qui rééquilibrent leur portefeuille ; les épargnants individuels le font rarement, fait remarquer Jason Hsu, cofondateur de la firme d’analyse californienne Research Affiliates.
Cela tient moins «à des erreurs comportementales qu’au fait que des personnes se soucient d’autre chose que de maximiser les rendements de leurs investissements», écrit-il dans l’étude «Why We Don’t Rebalance».
Jason Hsu illustre cette frilosité à l’égard du rééquilibrage de la façon suivante : « »Chérie, je viens de perdre encore 50 000 $ parce que j’ai rééquilibré le portefeuille en achetant d’autres titres financiers qui étaient en baisse. Mais ne t’inquiète pas ! Le prix va bientôt revenir à la moyenne historique ».»
«Ce n’est pas une bonne chose à dire quand on vient d’annuler une escapade romantique en Europe et que la possibilité d’une prime de fin d’année s’estompe», souligne-t-il.
La même perspective peut s’appliquer aux conseillers. «Sur le plan des statistiques, vous avez plus de chances d’obtenir de meilleurs rendements à long terme si vous rééquilibrez pour réagir à d’importants mouvements de prix», écrit-il. «Toutefois, si vous achetez des actifs risqués en période de détresse économique, il y a de grands risques qu’entre-temps, votre portefeuille chute davantage que si vous n’aviez pas rééquilibré, ajoute-t-il. À court terme, vos possibilités d’être blâmé par les clients que vous conseillez et, plus important encore, d’orage matrimonial, pourraient augmenter si vous rééquilibrez.»