Chez les représentantes, la clientèle médiane est de 56 ménages à l’actif élevé et de 72 ménages dont l’actif est moindre, par rapport à 51 et 78, respectivement, chez les hommes conseillers.

«À mon avis, les écarts dans les résultats ne sont pas assez importants pour donner un avantage aux femmes», dit Hélène Gagné, gestionnaire de portefeuille chez Valeurs mobilières PEAK, qui a parcouru l’étude.

Or, dans une autre étude intitulée «Moneyball for Advisors» réalisée en octobre 2012, PriceMetrix concluait que le fait de compter un nombre élevé de ménages plus fortunés parmi sa clientèle était un des quatre facteurs quantitatifs prédictifs de la réussite d’un conseiller.

PriceMetrix mentionnait un deuxième facteur important : la profondeur de la relation du conseiller avec son client, ce qui implique qu’il serve plus d’un membre de la famille.

Une fois de plus, les femmes semblent avoir un léger avantage, puisqu’elles comptent un nombre plus équilibré d’hommes et de femmes parmi leur clientèle. En Amérique du Nord, la médiane pour les conseillères est de 51 femmes pour 49 hommes, par rapport à 44 femmes et 56 hommes pour les conseillers.

Peu convaincant

Lors d’un webinaire consacré aux facteurs prédictifs de réussite qui s’est tenu en mai 2013, Pat Kennedy, vice-président, produits et gestion client chez PriceMetrix, a expliqué que l’approche de la firme s’inspire de la méthode utilisée pour sélectionner des joueurs de baseball professionnels.

Ainsi, on examine des données quantitatives qui semblent prédire la performance à venir du joueur. De petites différences peuvent faire en sorte qu’on considérera qu’un joueur sera meilleur qu’un autre dans l’avenir.

De même, l’écart des données entre les femmes et les hommes semble suffisant pour conclure que les conseillères sont en meilleure position, selon PriceMetrix.

Ces explications ne convainquent pas Manon Létourneau, gestionnaire de portefeuille et associée chez Banque Nationale Gestion privée 1859.

L’étude de PriceMetrix va trop loin, croit-elle. «On trouverait probablement autant de différences si l’on comparait les hommes entre eux et les femmes entre elles. Il y a autant de types de conseillers que de variétés de fleurs.»

Les données des deux conseillères interrogées semblent d’ailleurs le prouver. Hélène Gagné compte 55 % de femmes parmi sa clientèle, tandis que Manon Létourneau sert autant de femmes que d’hommes.

Facteurs qualitatifs

Au cours du webinaire, Patrick Kennedy a cependant admis que des facteurs qualitatifs pouvaient déjouer le pronostic qu’il tire des données quantitatives. «Par exemple, l’énergie au travail peut compenser certaines lacunes du conseiller, a-t-il souligné. Mais je ne peux pas en tenir compte dans mes prévisions, car ce facteur n’est pas mesurable.»

Or, de l’avis des conseillères interrogées, les facteurs qualitatifs sont plus importants que les facteurs quantitatifs sur lesquels PriceMetrix appuie ses prévisions.

Hélène Gagné et Manon Létourneau mentionnent des facteurs cruciaux tels que l’écoute du client et le souci du détail. «En raison de leur sensibilité, les femmes ont peut-être un avantage», avance Manon Létourneau. Cependant, aucune étude ne permet de le prouver.

Effet d’exclusion

Un autre élément peut expliquer le bon positionnement des femmes, qui n’est toutefois pas soulevé par l’étude : le fait qu’elles ne comptent que pour 12 % de l’ensemble des conseillers en Amérique du Nord, selon PriceMetrix.

En effet, l’étude de PriceMetrix souligne qu’un récent sondage en ligne réalisé par FundFire a révélé que les femmes sont plus susceptibles que les hommes de signaler que le sexisme est répandu dans l’industrie. Résultat, dans ce contexte hostile, seules les meilleures réussiraient à percer…

Une fois de plus, Hélène Gagné et Manon Létourneau n’adhèrent pas à cette conclusion. Manon Létourneau souligne qu’historiquement, la finance a toujours été un milieu d’hommes, ce qui explique la faible représentativité des femmes.

«Les choses changent, mais nombre de femmes se détournent du métier parce que ce domaine demande beaucoup d’heures. Il est difficile de concilier le travail et la famille», explique-t-elle.

Pour sa part, Hélène Gagné explique la réussite des conseillères par le fait qu’elles sont appréciées des consommateurs.

«Beaucoup de femmes – un segment de la clientèle qui s’enrichit rapidement – et d’hommes aiment faire affaire avec une femme, affirme-t-elle. Sans compter que la gent féminine excelle dans les relations d’aide et le domaine des services.»

Biais favorable

Malgré leur perception favorable et leur volonté d’accroître la présence féminine dans l’industrie, Hélène Gagné et Manon Létourneau ne s’en tiendraient pas à une affaire de chromosomes si elles avaient à recruter un conseiller.

«J’examinerais les compétences du candidat, sa détermination, la façon dont il a relevé les défis dans le passé, explique Hélène Gagné. Être conseiller demande beaucoup de détermination et de résilience. Il faut avoir une attitude positive au départ.»

Cependant, à compétences et à qualités égales, Manon Létourneau admet qu’elle embaucherait… une femme. «Je crois que cela simplifierait la relation, dit-elle. On se comprend mieux entre femmes.»

Alors, faut-il conclure que PriceMetrix a erré dans son étude ? Les conseillères interrogées semblent le penser. «Personnellement, je ne me suis jamais comparée à mes collègues, souligne Manon Létourneau. Et je n’ai aucun intérêt à le faire. Dans ce métier, chacun croit qu’il détient la meilleure formule, sinon il ne serait pas là.»