«Traditionnellement, dit-il, lorsque le contrat d’assurance était en vigueur depuis plus de deux ans, les assureurs de personnes ne faisaient pas d’enquête. Maintenant, il y a parfois des enquêtes, même si la police est en vigueur depuis cinq, six, sept ou huit ans.»

La plupart des assureurs, notamment Transamerica Vie, Empire Vie et RBC Assurances, ont adopté cette pratique, selon Richard Burjoski, ce qui semble indiquer que les services de réclamations ont changé leur méthode.

Pour le moment, les enquêtes effectuées au-delà du délai prescrit par la clause d’incontestabilité se font seulement à l’extérieur du Québec. Cependant, les assurés québécois ne sont pas à l’abri pour autant, d’après Richard Burjoski.

«Par ces enquêtes, les assureurs cherchent à prouver qu’il y a eu fraude. Et le plus souvent, les déclarations de l’assuré quant à son état de santé sont mises en cause.»

Prétexter la fraude n’a toutefois rien de nouveau. Les assureurs peuvent le faire depuis belle lurette. Malgré cela, auparavant, ces investigations étaient rares.

«C’est que l’assureur a alors le fardeau de la preuve, explique Gino Savard, président de Mica cabinets de services financiers. Ce n’est pas rien. Pour prouver la fraude, il faut par exemple que le client ait pris huit contrats d’assurance. Il est alors évident qu’il savait quelque chose sur son état de santé.»

Apparemment, certains assureurs sont aujourd’hui prêts à enquêter, même si les réclamations ne sont pas exagérées, note Richard Burjoski. «L’incitation à le faire pourrait être financière, dans un contexte marqué par les taux d’intérêt bas et le vieillissement de la population, dit-il. Ils analysent alors les demandes plus à fond en usant d’une nouvelle arme : les renseignements sur la santé plus accessibles.»

Deux premières années

«Depuis 2010, continue-t-il, on constate aussi une multiplication des enquêtes à la suite de réclamations qui surviennent au cours des deux premières années du contrat d’assurance, comme le permet la clause d’incontestabilité. Un phénomène national…»

Lorsqu’une réclamation d’assurance vie, d’assurance maladie ou autre est jugée rapide, l’assureur se réserve alors le droit de revoir le dossier. Il vérifiera en outre les antécédents médicaux et les habitudes de vie (alcool, cigarette, etc.) de l’assuré. «Il tentera de découvrir si le client n’a pas caché quelque chose», dit Gino Savard.

L’assureur passera au peigne fin les réponses données dans le formulaire de souscription et n’hésitera pas à demander aux organismes gouvernementaux des renseignements sur l’assuré.

Des démarches qui peuvent facilement prolonger la période de règlement de quelques semaines, ou même compromettre l’indemnisation.

processus délicat

Ces enquêtes ont le désavantage de placer les représentants en assurance dans une position difficile. D’une part, ils doivent se montrer loyaux envers la compagnie qu’ils représentent. D’autre part, ils doivent défendre les intérêts de leurs clients.

«En raison de ce double rôle, ils peuvent en fait difficilement soutenir les clients, pense Richard Burjoski. À la limite, si l’enquête débouche sur un litige, ils devront carrément s’effacer.»

En fait, les conseillers n’ont qu’un moyen de ne pas se retrouver dans cette position fâcheuse : ils doivent se montrer plus vigilants lorsqu’ils remplissent la demande de souscription. «Ils doivent veiller à y mettre toute l’information pertinente, remarque Richard Burjoski. Ce qui suppose qu’ils influencent le client à dire la vérité.»

Le conseiller peut aussi recommander à son client de recourir aux services d’un avocat, en cas de litige. «Les procès sont cependant assez rares, note Richard Burjoski. Les ententes sont généralement conclues à l’extérieur du tribunal.»

Il reste qu’en se montrant prêt à livrer une dure bataille, l’assuré pourrait faire plier la compagnie d’assurance. «L’assureur ne peut pas faire tout ce qu’il veut, explique Raymond Landry, avocat au cabinet montréalais éponyme. Une fois le délai de deux ans échu, il a généralement le fardeau de la preuve. En contestant et en se défendant, le client va normalement l’acculer au pied du mur, ce qui entraînera un règlement.»

Raymond Landry cite le cas de l’assureur qui découvre que le client s’est trompé en donnant son âge – lorsqu’on vieillit, on arrête parfois de compter.

«L’assureur ne pourrait pas refuser de compenser l’assuré en soutenant qu’il ne l’aurait jamais assuré s’il avait eu la bonne information, dit-il. Dans le cas où l’assureur l’aurait tout de même assuré avec une prime plus élevée, le client aura toujours droit à une indemnisation.»

Quant aux problèmes de santé non dévoilés, il est habituellement impossible de les évoquer si les symptômes n’avaient pas été décelés par un médecin avant la signature du contrat.

L’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP) ainsi que trois avocats qui représentent des assureurs n’ont pas répondu à nos questions.