D’abord, la VG a constaté que les derniers cycles d’inspection de la Chambre de la sécurité financière (CSF) et de la Chambre d’assurance de dommages (ChAD) couvraient une période de quatre ans au lieu des trois ans initialement prévus. Et que les rapports d’inspection de l’AMF ne seraient pas présentés en «temps opportun», ce qui influerait négativement sur la pertinence des recommandations faites aux chambres.
Mais il y a pire : le processus de suivi des mesures correctrices ne serait pas suffisamment structuré et encadré pour permettre à l’AMF de s’assurer qu’elles ont bien été mises en place, et ce, dans un délai raisonnable.
En conséquence, les lacunes dans les délais de cheminement des dossiers d’enquête de la CSF sont demeurées l’une des faiblesses récurrentes dans cet organisme d’autoréglementation.
Dans son rapport de juin 2012, l’AMF recommandait que «la CSF prenne les mesures adéquates afin de diminuer le nombre de dossiers d’enquête en cours depuis plus de 15 mois». Or, cinq ans plus tard, l’AMF n’aurait pas fait de suivi de cette recommandation, et le régulateur constate que les délais d’enquête sont toujours trop longs. Selon la VG, la mise en place d’indicateurs de délais permettrait à l’AMF de prendre des mesures nécessaires si la situation ne s’améliorait pas.
Ensuite, selon le rapport de la VG, l’AMF effectue un suivi adéquat des irrégularités constatées lors de l’inspection des entreprises en valeurs mobilières. Mais la situation est moins rose en assurance.
«Dans le secteur des assurances, l’Autorité ne dispose pas des outils et de toute l’information nécessaires pour cibler adéquatement ses interventions en fonction des risques», écrit-elle.
La quantité d’entreprises à inspecter est peut-être une des causes de cette inégalité. En effet, au 31 décembre 2016, l’AMF a 6 900 entreprises à surveiller, principalement dans le secteur de l’assurance de personnes. En valeurs mobilières, le régulateur compte plus de 720 entreprises assujetties, dont 170 qui ont leur siège social au Québec. L’écart est significatif.
Le FISF ne joue pas son rôle
En outre, Guylaine Leclerc conclut que «le FISF ne joue pas pleinement son rôle, soit d’indemniser les victimes de fraude dans les disciplines prévues».
La vérificatrice générale montre du doigt les conditions d’admissibilité du FISF. Rappelons que si le client est victime de fraude, d’opérations malhonnêtes ou de détournement de fonds dans un secteur où son représentant n’est pas autorisé à exercer, il ne sera pas indemnisé.
Elle reproche à l’AMF de ne pas avoir mis en place les moyens nécessaires pour que le consommateur puisse trouver facilement l’information qui lui permettrait de déterminer si son représentant est autorisé à lui offrir un produit ou un service financier donné.
Tous y perdent
L’AMF a accueilli les recommandations de la VG. «L’amélioration des processus d’inspection et d’enquête constituera une des priorités de l’Autorité qui s’est engagée à continuer d’améliorer ses activités dans son récent plan stratégique 2017-2020», a déclaré le régulateur dans la foulée de la publication du rapport.
Quant au FISF, le régulateur rappelle qu’il a déjà soulevé «à maintes reprises» les problèmes reliés au champ d’application limité au type de produit financier autorisé : «À cet égard, l’Autorité mettra rapidement en oeuvre toute modification permettant au FISF de jouer pleinement son rôle.» L’AMF compte aussi sur la prochaine révision législative du gouvernement pour améliorer le processus de révision des décisions d’indemnisations du FISF.
Plusieurs conseillers ont peut-être réprimé un sourire à la lecture de ces lignes. Après tout, quoi de plus satisfaisant que de voir la police du secteur financier se faire taper sur les doigts ? Cela dit, si le régulateur n’arrive pas à respecter ses délais avec les organismes d’autoréglementation ou qu’il n’a pas tous les outils nécessaires pour cibler ses interventions en assurance, tous les assujettis en seront touchés.
L’industrie gagne à avoir un régulateur solide et compétent. Si l’AMF n’a pas les moyens ou si ses processus ne sont pas adéquats pour qu’elle fasse bien son travail, des angles morts réglementaires risquent d’apparaître et des individus mal intentionnés pourraient en profiter. Ni l’industrie ni les clients ne sortiraient gagnants d’une situation semblable.
Et pas besoin d’aller aussi loin, si l’AMF n’est pas capable de s’assurer que la CSF prenne les moyens nécessaires pour réduire son délai de traitement des enquêtes, qui le fera ? Derrière chaque représentant qui fait l’objet d’une enquête, il y a une firme et des clients qui se retrouvent en attente et dans l’incertitude jusqu’à ce que le dossier soit traité. C’est sans compter, les coûts économiques et humains liés à ces retards.
Enfin, si le FISF, qui est financé par les conseillers, ne joue pas son rôle, comment les clients peuvent-ils avoir confiance dans ce mécanisme d’indemnisation ?
Conseillers, élus et consommateurs ont avantage à donner au régulateur les moyens de bien faire son travail.
L’équipe de Finance et Investissement