L’investissement axé sur la valeur, qui depuis plusieurs années peinait dans l’ombre du style axé sur la croissance, commence à reprendre du poil de la bête, soutient Colum McKinley, gestionnaire de portefeuille auprès de la société torontoise Gestion d’actifs CIBC, qui supervise le Fonds d’Actions valeur canadienne CIBC (782 millions $). Effectivement, partant de l’idée que les marchés mondiaux se trouvent dans une situation difficile et précaire, M. McKinley maintient que l’investissement axé sur la valeur aidera les investisseurs à traverser ces moments d’incertitude.
« Si vous examinez les données empiriques à long terme, l’investissement axé sur la valeur s’est sous-classé par rapport à d’autres styles », dit M. McKinley, un vétéran comptant 23 ans d’ancienneté dans l’industrie, qui a pris les commandes du fonds en 2010 lorsqu’il s’est joint à Gestion d’actifs CIBC après avoir travaillé à Gestionnaires de placements Sionna et Gestion de Placements TD, deux firmes torontoises. M. McKinley fait remarquer qu’entre 1995 et 2015, les actions de valeur ont surpassé les actions de croissance par près d’un point de pourcentage.
« Mais il y a des périodes de sous-classement important, dit M. McKinley. L’une d’elles s’est produite à la fin des années 90, au moment de la bulle technologique et des communications. Les actions de croissance ont alors connu une période extraordinaire, tandis que les actions de valeur ont produit des résultats médiocres. Nous avons vu les choses changer avec le temps. »
À la fin de l’année 2000, les évaluations des actions de la technologie et des télécommunications étaient en surchauffe, elles ont subi une correction majeure et les actions axées sur la valeur se sont facilement surclassées jusqu’à environ 2002. « L’une des réalités auxquelles est confronté un investisseur axé sur la valeur est qu’il y a des périodes où il est déphasé par rapport au marché », dit M. McKinley, qui incarne depuis longtemps le style axé sur la valeur. « Il faut être patient, se concentrer sur les rendements à long terme et détenir des compagnies de bonne qualité qui affichent des modèles commerciaux durables et des bilans financiers solides donnant aux firmes le temps de produire des résultats. Une bonne équipe de direction est aussi nécessaire pour exécuter les plans stratégiques à long terme. En dernière instance, tout cela se reflète dans le cours des actions. »
M. McKinley affirme que les marchés ont dernièrement connu le deuxième plus grand écart entre la croissance et la valeur. En 2015, les actions de croissance mondiales, mesurées par l’Indice MSCI Monde croissance (en devises locales), ont généré un rendement total de 6,5 % alors que les actions de valeur ont perdu 1,2 %. Pourtant, 2016, s’annonce déjà comme une meilleure année pour la valeur.
Pendant les sept premiers mois de 2016, l’indice MSCI Canada Valeur a enregistré un rendement total de 15,5 % et l’indice MSCI Canada Croissance 8,6 %. Par ailleurs, le Fonds d’actions valeur canadiennes CIBC a gagné 14,9 %, soit quatre points de pourcentage de plus de la moyenne de la catégorie Actions canadiennes. Sur une plus longue période, l’approche axée sur la valeur étant en disgrâce, le fonds a généré un rendement annualisé de 2,2 % sur les cinq années ayant expiré le 31 juillet, contre 6 % pour la moyenne de la catégorie.
M. McKinley admet que la divergence entre la valeur et la croissance n’est pas aussi extrême qu’elle l’était à la fin des années 90. « Je ne regarde pas le marché en me disant qu’il y a un groupe qui est massivement sous-évalué et l’autre qui est surévalué, observe M. McKinley. Mais mon plus gros souci est que nous sommes passés à des prix record dans une conjoncture où il y a une longue liste de gros risques macroéconomiques à digérer. C’est une période où nous restons plutôt prudents avec nos portefeuilles. »
À cause des préoccupations liées à l’impact du Brexit, entre autres, M. McKinley a mis davantage l’accent sur la protection contre les pertes et augmenté les liquidités jusqu’à environ 8 %. « Nous nous plaçons de façon aussi défensive que possible. Les portefeuilles de valeur constituent un moyen d’y arriver. Ils tendent à être des collections de compagnies aux rendements plus élevés, qui sont par nature à grande capitalisation et dont les évaluations sont inférieures. Si nous assistons à un schisme boursier avec une correction des évaluations, les faibles évaluations de nos actions fourniront une protection en période baissière.
« Nous ne passons pas beaucoup de temps à prédire la direction future des marchés. Nous passons beaucoup de temps à construire un portefeuille de compagnies de bonne qualité qui se négocient au rabais, sachant que tôt ou tard une réévaluation se produira et qu’elle sera reconnue dans le cours de l’action. En fait, cela s’est déjà produit », dit M. McKinley, qui est aussi gestionnaire principal du Fonds à revenu mensuel CIBC (4,5 G$), dont il a pris les commandes en 2013.
Investisseur à l’approche ascendante qui a environ 50 positions dans le Fonds d’actions valeur canadiennes CIBC, M. McKinley compte sur des noms comme Magna International qui surmonteront les éventuelles tempêtes et généreront des rendements totaux attrayants. « Les investisseurs s’inquiètent des risques cycliques à court terme de Magna. Mais son équipe de direction affiche un long palmarès de rendements du capital solides et continue à augmenter ses parts de marché. Le directeur général Don Walker a fait un excellent travail de recentrage de l’affectation du capital », dit M. McKinley, notant que la firme a établi un programme de rachat d’actions et effectué certaine acquisition à point nommée.
Magna se négocie à un ratio cours/bénéfice d’environ 7,8, soit environ 40 % de rabais par rapport à ses pairs. Elle verse aussi un dividende de 2,8 %. « À mesure qu’elle exécutera sa stratégie, les rendements à long terme deviendront attrayants pour les investisseurs. »
AltaGas, autre nom favori, est une compagnie dominante de services publics en Alberta. « Elle est très bien gérée, dit M. McKinley, ajoutant que la firme a développé de nouveaux projets énergétiques en Colombie-Britannique. Elle a des actifs à long terme avec de solides contrats et une augmentation intégrée de ses prix. Ce qui est attrayant est sa croissance durable et prévisible dans le temps. » L’action, qui se négocie à un ratio de 12 fois la valeur d’entreprise par rapport aux bénéfices avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement, verse un dividende de 6 %. « Ce dividende a augmenté dans le passé et continuera à augmenter dans l’avenir. »
Pour l’avenir, M. McKinley demeure optimiste sur la position défensive qu’il a adoptée. « Nous expliquons toujours à nos clients que nous appliquons une approche du placement disciplinée : nous achetons des compagnies de qualité supérieure se négociant au rabais, et intégrons au portefeuille un rendement en dividendes élevé, dit M. McKinley. Si nous appliquons cela durant le cycle entier, les investisseurs seront récompensés. Nous avons constaté les bons résultats de cette stratégie dans un marché plus constructif jusqu’à présent cette année. Et nous sommes très bien positionnés pour surmonter jusqu’à un certain point l’incertitude que nous observons. »