Le président-fondateur de la firme new-yorkaise Eurasia Group estimait l’escalade militaire peu probable.
Par contre, il soutenait que les marchés devraient subir de plein fouet l’incertitude de ce ballet politique et militaire. «À court terme, aucun coup de feu ne sera tiré, mais les marchés s’enflammeront», précisait Ian Bremmer.
Les heures qui ont suivi la publication de son analyse lui ont donné raison. Le lundi 3 mars, les principaux indices financiers occidentaux étaient à la baisse : le Dax (- 3,44 %), le CAC 40 (- 2,66 %), le FTSE 100 (- 1,49 %), le Dow Jones (- 0,95 %), le NASDAQ (- 0,72 %).
Les Bourses de Moscou affichaient alors les pertes les plus importantes. Le Micex (Moscow Interbank Currency Exchange) et le RTS (Russian Trading System) ont reculé de 10,8 % et de 12,3 %, respectivement.
Les valeurs phares russes ont aussi dégringolé, notamment la banque semi-publique russe Sberbank Rossii (- 14,9 %) et le géant gazier Gazprom (- 14,4 %).
Cependant, ce sont sans conteste les finances publiques de l’Ukraine qui subissent les impacts les plus importants.
Le président par intérim Oleksander Turchinov a rappelé récemment que les caisses du Trésor étaient vides, faisant craindre pour la solvabilité du pays.
À la fin de novembre, celles-ci ne contenaient déjà plus que l’équivalent de 18,79 G$ US. Actuellement, les réserves en devises de l’Ukraine oscilleraient entre 12 et 14 G$ US, selon Goldman Sachs.
Le poids de la dette
Le réveil est difficile pour les sociétés d’investissement qui percevaient jusqu’ici l’Ukraine comme un des pays émergents les plus prometteurs.
Alors que plusieurs d’entre elles se réfugient dans les valeurs sûres, comme les obligations allemandes, d’autres essaient de profiter de la situation.
C’est le cas de la firme britannique Franklin Templeton, connue pour ses investissements dans les pays émergents. Par l’intermédiaire de ses fonds Global Bond et Global Total Return, elle aurait investi dans près du tiers des obligations émises par l’État ukrainien, ce qui représenterait 6,4 G$ US, selon Bloomberg.
En entrevue avec la publication française Option Finance, Didier Lambert, gérant sénior spécialisé en dette émergente chez JP Morgan Asset Management, a expliqué pourquoi des firmes comme Franklin Templeton s’intéressaient à l’Ukraine.
«Les emprunts de l’État ukrainien à échéance très courte rapportent actuellement 30 % par an. Nous sommes sous-pondérés sur la dette ukrainienne, a-t-il précisé. Pour un gestionnaire benchmarké qui suit un indice global de dette émergente, il peut être difficile de rester totalement à l’écart de cette source de rendement, même si le risque est important.»
Néanmoins, les risques auxquels s’exposent les investisseurs sont notables, selon Didier Lambert.
«Si la dette externe ukrainienne représente moins de 20 G$ US, son échéance est très courte, puisque 13 G$ US doivent être remboursés dès cette année, ce qui augmente encore la probabilité de défaut du pays.»
Toutefois, le gouvernement ukrainien compte respecter les échéances de la dette publique.
«Les obligations de l’État ukrainien en matière de dette seront respectées, conformément aux obligations prévues sur les marchés intérieur et extérieur», a affirmé la directrice du département de la politique de la dette du ministère des Finances, Galina Pakhatchouk, selon les propos rapportés par Reuters le 6 mars.
Les alliés à la rescousse
La solvabilité de l’Ukraine et le rendement des firmes qui y ont acheté des obligations au cours des derniers mois dépendront du soutien financier que lui apporteront ses alliés, souligne Trevor Cullinan, analyste de Standard & Poor’s.
«Sans aide bilatérale ou multilatérale, l’Ukraine devrait faire défaut d’ici les 12 prochains mois», dit-il.
L’Union européenne (UE) a assuré publiquement qu’elle viendrait en aide à l’Ukraine à hauteur de 11 milliards d’euros.
«Au total, le paquet provenant du budget de l’UE et des institutions financières européennes pourrait apporter un soutien d’au moins 11 milliards d’euros sur les deux prochaines années,», a déclaré le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, comme le rapportait l’agence de presse Belga, le 5 mars dernier.
Ce programme comprend 1,6 milliard d’euros de prêts dans le cadre d’une assistance macro-économique, 1,4 milliard en dons, et 3 milliards pour le financement de grands projets.
La Banque mondiale, elle, a indiqué le 10 mars qu’elle était prête à accorder jusqu’à 3 G$ US d’aide à l’Ukraine cette année.