«La raison de ces fermetures est simple : ces fonds ont attiré peu d’investissement», expli- que Léon Garneau Jackson, vice-président, Est-du-Canada, BMO Gestion mondiale d’actifs. Les convictions environnementales de la population canadienne ne se sont malheureusement pas transformées en investissement, précise-t-il.
Un peu plus de quatre ans après leur création, «ces deux fonds restaient minuscules sur le plan de l’actif, dit-il. Les garder ouverts n’aurait pas été bénéfique pour nous ou pour les investisseurs, car il était impossible de maintenir des frais de gestion justifiables.»
Placements Mackenzie a également dissous son fonds environnemental l’an dernier. Vice-président et directeur régional chez Placements Mackenzie, Andre De Costa estime qu’on assiste davantage à une spécialisation en environnement par certains gestionnaires de portefeuille plutôt qu’à la disparition des fonds environnementaux. «Quelques entreprises en ont fait leur force», dit-il, citant l’exemple de Placements NEI, une société détenue par le Mouvement Desjardins et les Cre- dit Union Centrals provinciales.
L’essoufflement des fonds thémati-ques environnementaux ne surprend pas Christopher Davis, directeur du service d’analyse des fonds chez Morningstar : «Trop souvent, de tels fonds gadgets ont une fin décevante pour les investisseurs, ou pire encore. Heureusement, ces fonds-là n’ont jamais vraiment été très populaires, ce qui montre que les investisseurs sont plus perspicaces que ne le croyaient les firmes qui les ont lancés.»
Un phénomène mondial
Le phénomène n’est pas que québécois et canadien. En Europe, continent reconnu pour sa sensibilité environnementale, ces fonds ont sous-performé. De 2008 à 2011, les actifs verts ont stagné à 13 milliards d’euros, une somme insuffisante pour assurer la croissance verte et l’épargne des particuliers.
Le centre sur l’investissement socialement responsable Novethic s’est penché sur la question. Il a étudié 200 fonds thématiques environnementaux gé-rés dans 18 pays européens. Son constat : l’intérêt croissant d’avant 2007 est retombé. L’ef-fet conjugué de la crise financière et du recul de l’intérêt pour les questions environnementales lié à l’échec du Sommet de Copenhague aurait eu raison de ce type d’investissement, selon l’organisation.
Et l’investissement continue…
Toutefois, l’abandon ou la fusion de fonds thématiques ne signifient pas un recul de l’investissement socialement et environnementalement responsable. En fait, l’actif canadien total investi conformément aux nor- mes de responsabilité sociale a augmenté de 16 % au cours des 18 derniers mois, totalisant 600 G$, selon le dernier bilan de l’Association Investissement Responsable (AIR).
«Nous constatons une croissance continue des investissements qui tiennent compte des critères de responsabilité sociale», souligne Deb Abbey, directrice générale de l’AIR. Cette croissance découle principalement de l’augmentation des investissements provenant des fonds de pension. Dans son bi-lan, l’AIR concède que le capital de risque qui soutient le développement durable a chuté de 7 %.
Olivier Gamache, PDG du Groupe investissement responsable, rappelle ici l’importance de distinguer les fonds thématiques des «fonds d’investissement socialement responsable plus généraux». Les fonds thématiques – comme ceux que BMO et Scotia ont fermés – investissent dans des secteurs ou certains types d’actifs spécifiquement liés à la durabilité comme les énergies propres, la lutte aux changements climatiques, les technologies vertes et l’agriculture durable.
Il explique : «Les investisseurs des fonds thématiques s’intéres-sent à une particule d’un secteur bien précis où il y a une possibilité de croissance. Ce ne sont pas des fonds diversifiés où on investit l’ensemble de ses avoirs».