Qu’il s’agisse de faire obstacle au blanchiment d’argent, d’assurer la gestion de risque ou d’améliorer les opérations, la technologie est sur toutes les lèvres. Elle connaît pourtant de nombreux freins dans l’industrie financière.
Voilà l’un des constats qui ont été tirés des discussions entre les organismes de réglementation, les entreprises de technologie financière (fintechs) et les fournisseurs de services professionnels réunis par l’Association canadienne de la technologie réglementaire (ACTR).
Quelques reproches
La faute à qui? Les acteurs de l’industrie se relancent tous la balle. Les banques reprochent aux fintechs de ne pas prendre en compte leur budget, qui est souvent bien plus bas que ce que celles-ci pensent, et de ne pas porter assez attention à leurs particularités.
Les institutions financières décident de leur budget environ six mois à l’avance et le mettent sur papier généralement vers octobre. Si une fintech arrive avec une proposition de service au mauvais moment, même avec une solution parfaitement adaptée au besoin de la banque, il est fort probable que cette dernière refuse d’établir un partenariat, explique Barb Amsden, conseillère stratégique à l’ACTR.
Autre problème : les institutions financières sont toutes différentes les unes des autres. Une technologie adéquate pour l’une ne fonctionnera pas nécessairement pour l’autre.
De leur côté, les fintechs se plaignent du nombre peu élevé de partenariats conclus entre institutions financières et sociétés de technologie. Le Canada serait ainsi à la traîne du fait de sa réglementation trop stricte et du manque d’ouverture des banques, ce qui pousse certaines fintechs à s’expatrier.
Des dangers à prendre en compte
Évidemment, la technologie n’est pas sans risque. Lorsque les pirates comprennent les systèmes utilisés, ils sont capables de les pirater.
Il existe également un risque réputationnel pour les banques. Lorsqu’elles adoptent l’intelligence artificielle, si elles utilisent mal la technologie ou les données, ce serait nécessairement mauvais pour leur image.
Pour les fintechs, le problème vient du fait que leur système est très différent de celui des banques. Dès qu’elles établissent un partenariat, ces entreprises doivent valider leurs processus et leurs modèles, ce qui est long et constitue un important défi. Si elles pouvaient savoir à l’avance comment concorder leur modèle et ceux de leurs futurs clients dès le début, cela leur coûterait moins cher.
La collaboration, la solution
Les experts semblent s’accorder sur ce qui garantirait le succès de l’intelligence artificielle. Il faudrait faciliter la communication entre toutes les parties touchées, par exemple par l’utilisation de bacs à sable réglementaires.
Ces derniers constituent des endroits créés par les autorités de réglementation pour permettre aux fintechs de tester leurs programmes dans un environnement protégé et surveillé. Ils permettent aux fintechs de régler les problèmes, qui ne surgissent qu’une fois leur technologie mise en application, mais ils offrent aussi la possibilité aux régulateurs de repenser et d’ajuster leur façon de travailler sans nuire à leur mission de protection.
« Certains estiment que les bacs à sable au Canada sont un échec, car peu de décisions sont prises. Mais il y a énormément d’interactions entre les régulateurs et les nouveaux acteurs de l’industrie », note Lise Estelle Brault, directrice principale, Fintech, innovation et encadrement des dérivés à l’Autorité des marchés financiers (AMF).
La collaboration permet également de standardiser davantage les fonctionnements. « Il est toujours bon d’avoir un tiers dans les relations pour avoir un avis externe. Comment une firme seule pourrait-elle concevoir la meilleure technologie? Elle va se concentrer sur sa propre solution, mais il faudrait externaliser pour que la solution soit meilleure », affirme Michael Grecoff, président et chef de la direction de Bay Street Tech.
D’autres entrevoient une solution dans le partage et la standardisation des données. Évidemment, beaucoup sont contre cette idée, car les données sont monnayables et représentent un avantage concurrentiel. Cependant, Michael Grecoff est d’avis que de collaborer sans concurrence, notamment au sujet de la conformité, permettrait de bien mieux protéger les utilisateurs, un problème récurrent quand on parle de technologie.