SSQ Groupe financier a créé en 2011 des fonds destinés exclusivement aux clients fortunés des réseaux de distribution en sécurité financière.

La Financière Manuvie a lancé l’automne dernier son unité Gestion privée Manuvie. Quant à Excel Gestion privée, issue du regroupement d’Investissements Excel et du Groupe CMA, elle précède de peu l’ouverture de Gestion privée Peak.

Depuis deux ans, plusieurs acteurs s’activent sur le front de la gestion de fortune. Tous ont des stratégies différentes pour percer le marché.

L’événement de liquidité

«Plus de la moitié des clients fortunés au Canada sont des entrepreneurs», explique David Agnew, président et chef de la direction de RBC Gestion de patrimoine. Au cours des prochaines années, plusieurs de ces propriétaires commerciaux vendront leur entreprise ou leur franchise et créeront ainsi un «événement de liquidité».

Des sommes importantes devront alors être investies afin de préserver le capital et de générer des revenus.

Ces clients à valeur nette élevée auront en outre des besoins précis en matière de protection de leur patrimoine, conjugués à des besoins en fiscalité et en planification successorale.

Ajoutons à cela le fait qu’à l’aube de la retraite, ces clients fortunés rechercheront un guichet unique pour tous leurs besoins de gestion, et nous voilà dans un environnement concurrentiel où quiconque sert une partie des besoins de cette clientèle proposera des services pour augmenter la rétention de ces clients.

C’est lors de cet «événement de liquidité» que Financière Manuvie, par l’intermédiaire de sa division Gestion privée Manuvie, entend se positionner comme le guichet unique de choix pour ses clients.

«Des conseillers en assurance de personnes, d’autres encore en assurance collective, ont des clients qui nécessitent une offre globale de gestion privée», explique Bernard Letendre, vice-président et directeur général de la filiale de l’assureur, lancée l’automne dernier.

«Si un entrepreneur souscrit une police de 5 M$ dans le cadre de sa planification financière, il nous faut pouvoir lui offrir les services qui permettent de gérer tout ce patrimoine», au risque de le voir s’échapper vers les banques à charte lorsqu’il voudra consolider tous ses comptes dans un seul endroit.

Consolider l’actif client

Quand ils ont fait croître l’actif de leurs clients au point où ceux-ci disposent d’au moins 500 000 $, tant les conseillers en épargne collective qu’en sécurité financière recherchent ainsi des solutions de gestion privée pour leurs clients.

C’est la nature du marché : «Plus de la moitié de nos clients qui disposent d’un actif de plus de 1 M$ préfèrent un seul guichet de service», indique David Agnew.

Pour les clients des réseaux indépendants qui veulent rester avec leur conseiller, on trouve des produits et des solutions comme ceux nouvellement créés par Gestion privée Peak. «Au Canada, les services en gestion, en planification et en assurance des individus sont souvent dispersés», dit Robert Frances, président de Groupe financier Peak.

Après avoir passé des années à faire croître l’actif des clients des segments de l’épargne et de l’assurance, «nous voulons garder ces clients dans notre giron lorsque vient le moment pour eux de consolider leur portefeuille et leurs besoins», poursuit Robert Frances.

C’est donc un marché où la croissance interne, soit celle alimentée par les clients venant de l’intérieur du réseau, est l’axe principal de développement.

Aux clients qui vendent leur entreprise, «il faut pouvoir offrir des services de gestion de patrimoine intégrée» qui comprennent tout, de la planification successorale à la protection du patrimoine en passant par la gestion de placement, affirme Robert Frances.

Il faut cibler les besoins des clients pour concurrencer les banques, qui sont les dépositaires traditionnels des fortunes privées. «Nous accroissons nos parts de marché de 100 points de base par an depuis trois ans, et nous visons une part totale de 20 % d’ici 2015», poursuit David Agnew, de RBC. Les estimations pour les parts de marché totales des banques vont de 80 à 90 %.

L’indépendance

«Ce qui manquait dans le marché, c’est une offre réellement indépendante, sans produits maison», poursuit Robert Frances. Ce dernier se dit étonné de l’accueil favorable réservé à sa nouvelle filiale. «Le téléphone ne dérougit pas» depuis l’annonce faite au début du mois de juillet.

C’est d’ailleurs pour permettre à ses distributeurs de conserver ceux de leurs clients qui ont besoin de produits de gestion privée que l’assureur SSQ a lancé sa gamme de Fonds Astra pour la clientèle fortunée. Encore ici, on vise la clientèle disposant d’au moins 500 000 $.

«Ce type de client a des besoins précis en matière de protection du capital auxquels nos fonds distincts répondent adéquatement», explique Marc Trépanier, vice-président, développement des affaires, chez SSQ.

En se nichant dans le marché des fonds exclusifs aux clients fortunés, SSQ entend doter ses conseillers d’outils qui leur permettront de retenir leurs clients. «Les conseillers indépendants de nos réseaux nous demandaient ce genre de produits», une offre qui permet ainsi à SSQ d’accompagner «au maximum» les conseillers qu’elle sert.

Un des clients importants de SSQ est justement Investissement Excel, selon Marc Trépanier.

Excel Gestion privée s’est alliée à des gestionnaires privés pour l’épargne collective et à SSQ pour la sécurité financière. «Nous permettons ainsi à nos clients de stabiliser leur clientèle», poursuit Marc Trépanier.

L’indépendance de l’offre de produits et services est d’ailleurs la pierre angulaire de la nouvelle Gestion privée Manuvie, selon Bernard Letendre, vice-président et directeur général de la filiale de l’assureur.

«Nous sommes à peu près la seule [société] à offrir une structure de gestion totalement ouverte.» Tant les équipes de planification successorale que les gestionnaires de portefeuilles sont choisis parmi une brochette d’experts issus tant de Manuvie que de sources externes. On peut ainsi choisir des gestionnaires provenant d’Europe, d’Asie ou des États-Unis.

Un marché à long terme

La courbe d’apprentissage est cependant abrupte pour les nouveaux venus. Traditionnellement, les clients privés proviennent des réseaux internes d’une institution financière, grâce à des liens tissés graduellement avec l’entrepreneur et sa famille.

C’est donc un marché où la présence se bâtit au fil des ans, observe Alan Desnoyers, vice-président et directeur général pour le Québec de BMO Banque privée Harris. «Les clients nous sont recommandés par les succursales ou par d’autres clients, ou encore viennent de nos services bancaires commerciaux», dit-il.

En outre, l’important réseau de succursales des grandes banques leur confère un avantage concurrentiel en matière de pénétration de la marque. Autrement dit, le temps, et la brique et le mortier sont deux des axes importants de la croissance de ce marché.

De plus, la concurrence est telle que les clients qui traversent un «événement de liquidité» reçoivent une firme par la porte avant tandis qu’une autre sort par la porte arrière. Il faut donc se positionner en amont des besoins.

C’est avant qu’ils vendent leur entreprise «qu’il faut recruter les clients parmi les entrepreneurs», explique David Agnew, de RBC. Une fois que la vente de l’actif est entamée, il est trop tard.

«Il est vrai qu’il y a des inconvénients à arriver plus tard sur le marché, concède Bernard Letendre, de Manuvie. Par contre, on apprend aussi [des erreurs des banques].»