Par exemple, un fonds populaire comme le FINB BMO S&P 500 (ZSP-U) de BMO Gestion mondiale d’actifs, qui n’est pas couvert, a terminé la dernière année avec un flux net de 979 M$ (achats moins ventes). De son côté, sa version couverte (ZUE) a affiché un flux net de seulement 136 M$.

La donne a changé depuis le début de 2015 : en effet, au 15 septembre, le ZSP-U n’avait récolté que 42 M$, par rapport à 213 M$ pour le ZUE.

La même tendance se dessine pour le iShares Core S&P 500 Index couvert (XSP), déjà fort populaire en 2014, avec des flux netsde 305 M$, par rapport à 194 M$ pour son équivalent non couvert (XUS). Pour l’année en cours, le XSP avait recueilli 365 M$ d’argent neuf à la mi-septembre, alors que le XUS n’en avait amassé que 142 M$.

De tels chiffres «montrent un changement dans la perception des épargnants à l’endroit du dollar canadien», note Daniel Straus.

Attitude ambivalente

Certains experts, notamment Ian Gascon, président de Placements Idema, jugent qu’un épargnant canadien ne devrait pas couvrir son portefeuille d’actions américaines, en raison de la prépondérance des matières premières et du pétrole dans notre économie.

Ces ressources ont tendance à reproduire les mouvements de l’économie mondiale : quand celle-ci trébuche, les prix des matières premières chutent et entraînent le dollar canadien dans leur glissade.

Une telle situation fait en sorte qu’en ayant recours à la couverture de change, «on s’expose davantage aux variations des matières premières, tant à la hausse qu’à la baisse», dit Ian Gascon.

Le point de vue d’Ian Gascon est celui d’un investisseur à long terme, pour qui les opérations de couverture de change dans un portefeuille «sont néfastes». Cependant, nombre d’épargnants ne suivent pas une perspective à long terme. En outre, plusieurs épargnants disent viser le long terme, mais n’agissent pas toujours en conséquence.

«Plusieurs prétendent avoir une perspective à long terme, mais dans les faits, ils mesurent le rendement de leur portefeuille selon des critères à court terme», affirme Rohit Mehta, vice-président principal de First Asset, à Toronto.

C’est probablement à l’ambivalence des clients que les gestionnaires de portefeuille institutionnels réagissent.

Ces derniers semblent d’ailleurs être les principaux acheteurs de FNB qui offrent une couverture de change. Par exemple, le FINB BMO S&P 500 couvert (ZUE) a recueilli 232 M$ en août dernier seulement.

«De plus, la quasi-totalité de ces sommes sont entrées au cours d’une même journée, probablement en provenance des fonds institutionnels», souligne Daniel Straus.

Rebond anticipé

Les épargnants ont des considérations très terre-à-terre, croit Rohit Mehta.

Selon lui, il faut faire une distinction entre l’exposition d’un portefeuille à un marché – dans ce cas, les titres américains – et la devise dans laquelle ces titres s’échangent. «Les épargnants n’achètent pas en premier lieu une devise, mais une exposition aux titres américains», précise-t-il.

Or, comme on le sait, les titres américains ont très bien performé au cours des dernières années, un rendement amplifié par la chute du huard.

Toutefois, si on regarde le parcours historique de la devise canadienne, on se rend compte que le cours actuel du dollar canadien (environ 0,75 $ US) se situe dans une zone plancher.

De nombreux épargnants pensent donc que le dollar canadien pourrait rebondir. C’est ce qu’indiqueraient les flux d’argent dans le segment des FNB couverts. En effet, même les épargnants qui visent le long terme trouvent parfois intérêt à couvrir leur risque de taux de change.

«Les épargnants ont fait beaucoup d’argent avec les fonds non couverts, mais maintenant, ils veulent protéger les gains réalisés et annuler l’effet de frein qu’exercerait une remontée du dollar canadien», fait remarquer Rohit Mehta.

Pour sa part, Daniel Straus recommande à ses clients de couvrir leur portefeuille de titres américains. «Nous sommes actuellement dans un environnement où les monnaies, à cause de toutes les interventions des banques centrales, sont très volatiles. Et elles le sont davantage que les titres sous-jacents.»

De plus, ajoute-t-il, en ce moment, les coûts de couverture sont très favorables grâce aux taux d’intérêt à court terme très bas.

«Quand le coût lié à la couverture est très bas et que les prix des produits sont raisonnables, comme c’est le cas pour les frais des FNB, s’abriter de la volatilité de la monnaie s’avère bénéfique.»