
Un examen de la façon dont l’Agence du revenu du Canada (ARC) a administré les exigences de déclaration 2023 pour les simples fiducies révèle que le principal problème était la lourdeur de la législation.
« Les principaux obstacles auxquels l’Agence a dû faire face dans le cadre de l’administration des exigences en matière de production de déclarations de revenus des simples fiducies n’étaient pas d’ordre administratif, mais législatif, car le concept de simples fiducies dans le libellé de la loi était trop général », indique un rapport du Bureau de l’ombudsman des contribuables, daté du 5 mars. Il qualifie la législation de « lourde ».
Les exigences accrues en matière de déclaration pour les simples fiducies étaient censées entrer en vigueur pour l’exercice fiscal 2023. Mais après que les nouvelles règles aient suscité une confusion généralisée, l’ARC a accordé une exemption de déclaration aux simples fiducies quelques jours avant la date limite de déclaration des revenus.
« Les contribuables et les représentants n’auraient pas dû passer des mois à essayer de comprendre la loi puisque l’Agence a fini par exempter les simples fiducies des exigences en matière de production », indique le rapport, soulignant que certains fiscalistes étaient mal à l’aise de facturer des frais à leurs clients après l’annonce de l’exemption.
« Tout cela a été une perte de temps et d’efforts », commente le rapport.
Malgré l’exemption de déclaration pour 2023, l’ARC a indiqué à advisor.ca, début juillet 2024, que 52 000 déclarations de fiducie avaient été produites pour des simples fiducies pour 2023. Ces contribuables ne peuvent pas être indemnisés pour leurs frais juridiques et comptables, car la Loi de l’impôt sur le revenu ne contient aucune disposition permettant à l’ARC de le faire. De ce fait, « bon nombre [de contribuables] ont peut-être perdu confiance dans le régime fiscal », prévient le rapport de l’ombudsman des contribuables. (Le rapport note également que les informations confidentielles de ces contribuables ne seront pas supprimées des bases de données de l’ARC, car l’agence a l’obligation légale de conserver ces informations.)
L’examen supervisé par l’ombudsman des contribuables, François Boileau, porte sur le rôle de l’ARC dans l’administration et l’application de la législation relative à la déclaration des fiducies (par opposition au rôle du ministère des Finances dans la création de cette législation). Les recommandations qui en résultent indiquent que l’ARC doit revoir sa collaboration avec les parties prenantes et avec le ministère des Finances du Canada, ainsi que sa communication avec les contribuables, et qu’elle évalue également si un formulaire de déclaration unique pour les simples fiducies est nécessaire pour faciliter la déclaration.
Préambule à l’examen
La législation élargie sur la déclaration des fiducies, qui vise à assurer la transparence des informations sur les bénéficiaires effectifs afin de lutter contre l’évasion fiscale, a été adoptée en 2022 et est entrée en vigueur pour les fiducies dont l’exercice se termine le 31 décembre 2023 et les années suivantes. En vertu de ces règles, la majorité des fiducies, y compris les simples fiducies, sont tenues de produire une déclaration T3 dans les délais impartis, sous peine de se voir imposer des pénalités. (En vertu de la législation précédente, seules les fiducies ayant des impôts à payer pour l’année ou celles qui disposaient d’immobilisations devaient produire une déclaration annuelle de revenus des fiducies).
Dans le cas d’une simple fiducie, le fiduciaire détient généralement le titre de propriété des biens de la fiducie, mais ne peut prendre aucune mesure sans l’accord de tous les bénéficiaires. Les hypothèques cosignées et les comptes bancaires conjoints sont des exemples de simples fiducies.
« De nombreux contribuables pourraient ne pas savoir qu’une simple fiducie a été créée en raison de leurs arrangements, avertit le rapport de l’ombudsman des contribuables. Il pourrait s’agir d’un parent qui contrôle le compte bancaire de son enfant ou qui co-signe son hypothèque, ou d’un enfant qui s’occupe de ses parents vieillissants en les aidant à gérer leur compte bancaire. »
Compte tenu des difficultés liées à la déclaration élargie, l’ARC a accordé une dispense générale de production aux simples fiducies pour l’année d’imposition 2023 à la fin du mois de mars 2024, soit quelques jours seulement avant la date limite de production de la déclaration des fiducies, fixée au 2 avril 2024. Ce revirement de dernière minute a suscité une grande frustration chez les fiscalistes et les contribuables, ce qui a incité l’ombudsman des contribuables à procéder à un examen.
« Le public voulait des réponses, et nous voulions voir si les processus liés au service de l’Agence pouvaient être améliorés », explique le rapport détaillant l’examen.
Défauts de communication de l’ARC
Bien que l’ARC ait pris des mesures pour communiquer la nouvelle législation sur la déclaration des fiducies, l’agence était « limitée dans l’orientation qu’elle pouvait fournir aux contribuables [sur les simples fiducies] car elle ne peut pas donner de conseils juridiques aux contribuables, y compris si une simple fiducie existe ou non », indique le rapport.
« La question de savoir si un arrangement particulier est une fiducie ou une simple fiducie dépend des faits particuliers de chaque situation, ainsi que de la loi applicable. De plus, les principes juridiques applicables aux relations de fiducie varient en fonction de la province ou du territoire concerné », indique le rapport.
En outre, l’ARC n’a pas fourni d’exemples « réalistes » et « clairs » de simples fiducies pour aider les contribuables, selon le rapport. Le rapport souligne également le manque de rapidité, l’ARC ayant publié des informations sur les simples fiducies un an après l’adoption de la législation. Le manque de communication en temps opportun a enfreint certains droits des contribuables et a augmenté les coûts de mise en conformité.
« Nous avons entendu parler de petites entreprises qui ont dépensé des milliers de dollars pour embaucher de nouveaux employés, former des employés et produire des déclarations pour les clients. Nous avons entendu dire que certains préparateurs de déclarations de revenus ont embauché des avocats pour appuyer leur équipe et aider à comprendre les obligations en matière d’observation de leurs clients, lit-on dans le rapport. Il n’a pas été utile que l’Agence fournisse des renseignements après que les préparateurs de déclarations de revenus ont eu déjà terminé les préparatifs et la formation pour la prochaine période de production des déclarations de revenus. »
Le rapport s’interroge également sur le temps qu’il a fallu à l’ARC pour envisager une exemption de déclaration. « Plus précisément, nous ne savons pas pourquoi l’Agence n’a pas accordé une exemption en novembre 2023 au lieu d’approuver l’allègement des pénalités. La justification fournie aux cadres supérieurs de l’Agence pour l’allègement des pénalités ne semblait pas être très différente de ce qui a été fourni pour l’exemption de production. »
« Toutefois, l’exemption de la simple fiducie signifiait que toutes les simples fiducies qui avaient déjà produit une déclaration l’ont fait pour rien et, dans de nombreux cas, à grands frais », souligne le rapport. Au 12 mars 2024, 4 652 simples fiducies avaient déposé leur déclaration. (Le 12 mars, l’ARC a déclaré qu’elle appliquerait une pénalité pour négligence grave uniquement dans les cas les plus flagrants où une fiducie simple a omis de produire une déclaration.)
Entre l’annonce de l’exemption le 28 mars 2024 et le 1er août 2024, 9 665 déclarations T3 de simples fiducies ont été produites, soit 18 % de toutes les déclarations T3 de simples fiducies produites pour 2023. Selon le rapport, le nombre de déclarations produites après l’exonération pourrait être attribué au fait que celle-ci a été communiquée par le biais de conseils fiscaux plutôt que par un communiqué de presse. Il souligne également que la décision de l’ARC de renoncer aux pénalités de retard pour les fiducies simples en novembre 2023, suivie de l’annonce de l’exemption à la dernière minute, pourrait avoir eu un impact sur la confiance envers l’agence.
« L’Agence doit être plus prudente dans ce qu’elle fait afin que la confiance qu’elle a établie avec les Canadiens ne soit pas érodée en changeant sa position à la dernière minute, avertit le rapport. Lorsqu’elle a annoncé l’exemption, elle a informé les contribuables qu’elle collaborerait avec Finances Canada pour fournir des précisions au cours des prochains mois — les contribuables pourraient être mieux servis. Des précisions auraient dû être fournies aux contribuables bien avant la date limite de production. »
Dans l’ensemble, l’ARC n’a pas minimisé le temps, les efforts et les coûts que les contribuables ont dû engager pour se conformer aux nouvelles exigences de production, selon l’examen. Le rapport recommande que l’ARC détermine, d’ici le 30 juin 2025, s’il y a lieu d’introduire un formulaire unique pour les exigences de production des simples fiducies. Le formulaire T3 de cinq pages et l’annexe 15 de deux pages pourraient décourager de nombreuses personnes, prévient le rapport.
Il note également que toutes les informations demandées sur le formulaire T3 peuvent ne pas être pertinentes pour une simple fiducie particulière. « Il serait peut-être plus utile si l’Agence avait des déclarations T3 uniques pour les simples fiducies qui ne comprendraient que les champs pertinents », lit-on dans le rapport.
Le rapport recommande également que l’agence procède à un examen interne, d’ici le 31 mars 2026, de la manière dont elle collabore avec les parties prenantes lorsque des modifications législatives sont adoptées. Il suggère également qu’elle évalue, d’ici cette même date, la façon dont elle travaille avec le ministère des Finances lorsqu’une proposition législative risque d’augmenter les coûts de conformité pour les contribuables.
« L’Agence devrait consulter les intervenants dès le départ, même avant l’entrée en vigueur de la loi, afin de s’assurer qu’elle soit au courant de toute rétroaction et de toute préoccupation afin qu’elle puisse élaborer un plan d’action pour y répondre en temps opportun », suggère le rapport. L’ARC n’a rencontré les parties prenantes que six mois après l’entrée en vigueur des nouvelles règles fiduciaires.
Le rapport souligne que les interactions de l’ARC avec le ministère des Finances devraient être examinées à la lumière des coûts de conformité et de la clarté de la législation.
Il recommande également à l’ARC de revoir, d’ici le 31 mars 2026, la façon dont elle communique les mises à jour aux contribuables par le biais de conseils fiscaux et de communiqués de presse.
Enfin, il suggère que l’ARC crée un « guide adaptable », d’ici le 31 mars 2027, pour l’aider à rationaliser la façon dont elle administre les modifications de la législation fiscale. Ce guide permettrait de s’assurer que les modifications apportées aux informations sur les impôts et les prestations sont diffusées en temps voulu et comprises par le contribuable moyen.
L’examen de l’ombudsman des contribuables a été mené en consultation avec les parties prenantes, y compris CPA Canada, les contribuables et l’ARC. Ryan Minor, directeur fiscal de CPA Canada, a déclaré dans un courriel que l’organisation était « satisfaite » des recommandations du rapport.
Simples fiducies et propositions de modification
Le 12 août 2024, des modifications techniques à la législation sur la déclaration des fiducies, qui supprimaient effectivement l’obligation de déclaration pour 2024 et exemptaient davantage de simples fiducies des règles élargies de déclaration des fiducies, ont été publiées à des fins de consultation.
Comme il était peu probable qu’un projet de loi contenant les amendements proposés reçoive la sanction royale avant que les fiscalistes ne commencent à planifier la saison des impôts, l’ARC a annoncé en octobre 2024 une exemption de déclaration pour les simples fiducies pour l’année fiscale 2024 (à moins que l’agence ne demande directement à une fiducie de produire une déclaration).
« Nous espérons que la législation finale sera disponible bien avant la date limite de dépôt des déclarations, ce qui donnera à l’ARC suffisamment de temps pour informer le public de ses obligations », dit Ryan Minor, en référence à l’année d’imposition 2025.
Il a également noté que, lors de la consultation, le Comité mixte sur la fiscalité de l’Association du Barreau canadien et de CPA Canada a demandé « des exemptions plus réalistes couvrant des situations courantes à faible risque ».
Selon le projet de loi, une fiducie — y compris une simple fiducie — est exemptée de l’obligation de déclaration lorsque tous les fiduciaires et bénéficiaires sont liés entre eux, que la juste valeur marchande (JVM) des biens ne dépasse pas 250 000 $, et que les actifs de la fiducie se composent uniquement de liquidités, de certificats de placement garanti (CPG), de fonds communs de placement, de biens à usage personnel, de titres négociés sur une bourse désignée, ainsi que d’autres actifs spécifiques.
Le projet de loi conserve l’exemption de dépôt pour les fiducies dont la juste valeur marchande (JVM) est inférieure ou égale à 50 000 $, mais ne limite plus les types d’actifs que ces fiducies peuvent détenir pour être admissibles à l’exemption. De plus, il n’est plus nécessaire que les fiduciaires et les bénéficiaires soient liés pour bénéficier de l’exemption de 50 000 $.
La législation proposée prévoit également une dispense de dépôt pour un arrangement dans lequel des individus détiennent le titre légal d’un bien immobilier qui serait la résidence principale d’un ou plusieurs propriétaires légaux, et tous les propriétaires légaux sont liés. Cette disposition s’appliquerait aux fiducies dont l’exercice se termine le 31 décembre 2025 ou plus tard.
Certaines fiducies sont exclues des règles de déclaration élargies, notamment :
- les successions à taux progressif,
- les fiducies d’invalidité qualifiées,
- les fiducies de fonds communs de placement et les régimes enregistrés,
- les fiducies existant depuis moins de trois mois
- et les fiducies dont la valeur des actifs est inférieure à 50 000 $.
Avec les fichiers de Rudy Mezzetta.