Le débat reprendra avant la fin de l’année avec la publication d’une annonce détaillé des Autorités canadiennes en valeurs mobilières, qui représentent les organismes de réglementation de tout le Canada. Cette annonce sera la réponse officielle des autorités aux soumissions écrites et verbales effectuées en réponse au document de discussion exhaustif et controversé publié en décembre 2012.

Les autorités ont reçu au total 99 lettres de commentaires émanant de gestionnaires de fonds, de conseillers financiers, d’associations de défense du consommateur et d’autres parties intéressées. En plus, des forums de discussion, réunis pour débattre des questions soulevées par ce document, se sont tenus au Québec, en Ontario et en Colombie-Britannique.

Le problème essentiel qui a émergé a été de savoir si c’est dans le meilleur intérêt des investisseurs de continuer à permettre aux sociétés de fonds de payer les courtiers et les négociants. Le document de discussion original des ACVM conservait une neutralité dans sa présentation des diverses alternatives de réforme portant sur la rémunération des conseillers, et ne prenait donc pas position. Même ainsi, la seule possibilité d’interdire les commissions de suivi a envoyé des ondes de choc qui se sont répercutées dans toute l’industrie des fonds et la communauté des conseillers.

Les frais des fonds – La suite

Le document des ACVM qui s’annonce sera vraisemblablement moins neutre dans sa présentation de toutes les alternatives, et indiquera probablement les préférences des autorités sur les mesures à prendre.

« Les ACVM sont déterminées à faire avancer la discussion », a dit Rhonda Goldberg, directrice du service des fonds communs aux ACVM lors d’un entretien avec Morningstar. « Je ne peux pas vous dire quel en sera l’aboutissement ».

Le degré des réformes proposées dépendra en partie de la capacité des autorités elles-mêmes à se mettre d’accord. Les ACVM sont constituées d’un total de 10 juridictions provinciales et trois territoriales, les organismes les plus imposants étant la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (CVMO), l’Autorité des marchés financiers (AMF) du Québec et la Commission des valeurs mobilières de la Colombie-Britannique.

Bien que certaines autorités, et même peut-être la CVMO, puissent avoir davantage tendance à recommander une interdiction des commissions de suivi et des autres formes intégrées de rémunération des conseillers effectuées par les sociétés de fonds, d’autres juridictions pourraient favoriser une approche plus prudente.

Il règne dans la communauté nationale des organismes de réglementation une certaine sympathie pour l’opinion qui prévaut dans l’industrie — ainsi que l’a formulée l’Institut des fonds d’investissement du Canada (IFIC) — selon laquelle les récentes initiatives de transparence ont déjà répondu aux inquiétudes exprimées par les autorités sur l’ignorance dans laquelle se trouvaient les investisseurs quant à la manière dont leurs conseillers étaient payés et aux sommes en jeu.

Une de ces initiatives est la rubrique Aperçu du fonds, qui remplace le prospectus beaucoup plus long et compliqué comme document à fournir obligatoirement au point de vente et qui contient des informations essentielles sur les frais, les dépenses et la rémunération des conseillers.

L’autre est la série d’amendements réglementaires appelée modèle de relation client-conseiller 2 (ou « CRM2 »), qui est entré en vigueur le 15 juillet et va être généralisé au cours des trois années qui viennent. Ce modèle contient des dispositions mettant en demeure les courtiers et les négociants de faire rapport aux clients une fois par an des sommes reçues en commissions de suivi et autres formes de rémunération par les sociétés de fonds.

Mise en garde de l’IFIC contre « l’importation de solutions »

Selon le président de l’IFIC Glen Gowland, chef des services canadiens de conseils en gestion de capitaux de la Banque Scotia, la mise en application du document « Aperçu du fonds » et de CRM2 placent le marché des fonds au Canada au premier rang de ceux qui fournissent aux investisseurs des divulgations faciles à lire sur les produits et les rémunérations.

Intervenant à la conférence 2013 de ce groupement professionnel qui s’est tenue à Toronto le 9 octobre, M. Gowland a dit que les autorités « devaient agir prudemment avant d’importer des solution qui ont été modelées par des cadres juridiques, commerciaux et culturels non canadiens ». Il a réitéré l’argument souvent avancé par l’industrie que les rémunérations intégrées permettaient un accès aux conseils facile et abordable pour les gens qui investissaient de petits montants, et que les conseillers avaient un impact positif sur l’accumulation des actifs.

Ce message était cohérent avec les remarques faites à la conférence de l’IFIC par John Brogden, directeur général du Financial Services Council d’Australie. Comme l’IFIC, ce groupement professionnel australien représente les conseillers aussi bien que les gestionnaires de fonds.

M. Brogden a souligné ce qu’il décrit comme l’impact traumatisant des réformes financières entrées en vigueur le 1er juillet, notamment l’imposition d’une norme du meilleur intérêt et une interdiction des conflits d’intérêts comme les rémunérations intégrées des courtiers de fonds communs. Il a indiqué que l’industrie australienne avait encouru des coûts de conformité extraordinairement élevés et que la disponibilité de services conseils avait été réduite, avec la mise en vente de certaines firmes et une chute du nombre de conseillers.

La représentante officielle d’un groupement professionnel du Royaume-Uni, où l’interdiction des rémunérations intégrées pour tous les types de produits de placement destinés aux particuliers a pris effet le 1er janvier de cette année, a aussi exprimé ses inquiétudes quant à la disponibilité de services de conseils pour les investisseurs aux moyens modestes.

Julie Patterson, directrice des questions de réglementation pour les fonds de placement destinés aux particuliers à l’IMA (Investment Management Association) au Royaume-Uni, a noté que les sociétés britanniques vendant des produits ne pouvaient pas procurer d’incitatifs de quelque sorte qu’elles soient sur les affaires ayant fait l’objet de services conseils récents. En revanche, les « affaires héritées » (où les conseils avaient été prodigués avant l’interdiction) étaient exemptées.

L’interdiction faite aux sociétés de fonds de rémunérer les conseillers pour leurs nouvelles ventes fait partie d’un train de réformes au Royaume-Uni, appelé Retail Distribution Review (RDR). Il y a aussi des dispositions plus contraignantes concernant la compétence professionnelle des conseillers et les normes en matière de fonds propres exigées des sociétés de conseils.

Mme Patterson a dit aux délégués de l’IFIC que les dispositions de la RDR avaient poussé de nombreux conseillers financiers à vendre leurs entreprises, et a mentionné certaines prévisions selon lesquelles le nombre de conseillers au Royaume-Uni pourrait chuter de 20 % ou plus.

Les associations de défense du consommateur attendent un changement

Paul Bates, l’ex-cadre de l’industrie du courtage qui est à présent président du comité consultatif des investisseurs de la CVMO, ne fait aucune prédiction quant à la prochaine manœuvre des autorités, mais il est convaincu qu’il y aura des changements. « À tout le moins, il faut des alternatives claires aux rémunérations intégrées », a-t-il dit à Morningstar. M. Bates précise qu’il faut donner le temps à l’industrie de s’adapter aux changements de la règlementation sur les pratiques de rémunération. Il est en faveur d’une période de transition de plusieurs années. En même temps, a-t-il ajouté, les autorités doivent établir une date butoir, comme on l’a fait en Australie et au Royaume-Uni.

Ken Kivenko, porte-parole de l’Association pour la protection des petits investisseurs, a indiqué qu’une interdiction des commissions intégrées changerait complètement la donne pour les investisseurs canadiens. « Je comprends pourquoi l’industrie s’inquiète », a-t-il dit. Il soutient très fort cette interdiction, de même que l’établissement d’exigences de compétences professionnelles plus contraignantes pour les conseillers et l’adoption d’une norme du « meilleur intérêt » pour les conseillers.

M. Kivenko croit que la ligne de conduite des autorités sur les frais intégrés sera influencée par les tendances que subit l’industrie des services conseils au Royaume-Uni; par ailleurs, les autorités devront déterminer si les nouvelles règles sur la compétence professionnelle des conseillers et l’interdiction des rémunérations intégrées sont en passe de créer un « fossé des conseils » par lequel les riches pourront se procurer des conseils alors que les petits investisseurs ne le pourront pas.

Dans tous les cas, en attendant la prochaine série de consultations initiée par les autorités, M. Kivenko ne s’attend pas de sitôt à des changements des pratiques régissant la rémunération des conseillers. « Ça prendra des années, même en étant optimiste. »