La diversification géographique s’appuie sur l’idée générale selon laquelle, si des marchés dans le monde sont faiblement corrélés, l’achat de titres étrangers permet d’atténuer le risque d’un portefeuille et d’obtenir des rendements plus élevés.
Y aller plutôt par secteurs
Pour Michael Donadelli, professeur de finance à l’Université de Francfort, il est clair que la diversification géographique n’est plus aussi efficace qu’elle l’a déjà été. «Depuis le début des années 2000, avec la fin de la crise financière en Asie de l’Est et l’entrée de la Chine dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC), l’intégration des marchés s’est accrue indéniablement. Plus les pays sont intégrés sur le plan commercial, plus ils deviendront intégrés sur le plan financier», explique-t-il en entrevue.
Même s’il croit que la stratégie présente encore des avantages, il considère que la diversification à l’étranger doit se faire par secteurs plutôt que par un investissement dans un indice.
Guy Mineault, président du nouveau Mouvement d’éducation et de défense des investisseurs en fonds (MEDIF) en arrive la même conclusion.
Il note que les corrélations entre les différentes régions du monde ont reculé de moitié depuis quatre ans. Toutefois, la corrélation entre les sous-secteurs (santé, métaux, consommation, etc.) a aussi diminué depuis quatre ans, et de façon générale, ces coefficients entre sous-secteurs sont plus faibles que ceux entre zones géographiques.
«Donc, personnellement, je préfère encore bâtir des portefeuilles de fonds par sous-secteurs plutôt que par régions géographiques», affirme-t-il en entrevue.
Attention à la volatilité
Guy Mineault a produit un tableau (voir ci-dessous) dans lequel se trouvent les niveaux de corrélation entre plusieurs indices géographiques MSCI pour les trois dernières années.
Une corrélation de 0,5 entre deux Bourses indique qu’elles augmentent ou diminuent simultanément la moitié du temps. Une corrélation «forte» commence à partir d’un coefficient de 0,7. À titre d’exemple, pour les trois dernières années, la corrélation entre le S&P 500 de la Bourse de New York et le S&P/TSX de la Bourse de Toronto, deux Bourses qu’on pourrait croire fortement intégrées, est de 0,48.
Cela dit, Guy Mineault insiste sur le fait qu’il faut surveiller les bêtas (la volatilité d’un titre ou d’un fonds par rapport à un indice de référence) et les écarts-types (ou fourchettes de rendement).
«La corrélation ne dit pas tout non plus, insiste-t-il. Qu’elles soient corrélées ou pas, certaines Bourses sont beaucoup plus volatiles que d’autres.
«Par exemple, le rendement du S&P/TSX fluctue moins à la hausse et à la baisse que le S&P 500 [avec un écart-type de 8,08 points de pourcentage par rapport à 9,56 points au 1er septembre 2015] pour les trois dernières années. La Bourse chinoise fluctue de 22,9 points en moyenne depuis trois ans, et la Bourse argentine, de 39,3 points», précise Guy Mineault.
Pour sa part, Leo Chan, professeur de finance à la Woodbury School of Business de l’Utah Valley University, juge qu’il faut revoir notre manière d’utiliser ces corrélations qui sont, selon lui, calculées sur de trop longues périodes.
«Ces coefficients peuvent changer rapidement, et dans une perspective d’investissement, ils devraient être recalculés chaque trimestre ou au moins deux fois par an», suggère-t-il.
Par ailleurs, même s’il est toujours vrai que l’investissement dans les pays émergents permet de diversifier un portefeuille, il y a un «mais», souligne Leo Chan. «Le principal problème, c’est que les investisseurs semblent oublier une donnée importante, soit la proportion des capitaux étrangers dans ces marchés.»
Autrement dit, la diversification peut mener à une situation où ce sont des investisseurs étrangers qui dominent un marché. «Le problème est que ces investisseurs et leurs clients n’ont pas les mêmes besoins ni les mêmes pratiques de gestion de portefeuille.»
De son côté, Marie-Claude Beaulieu, directrice du Département de finance, assurance et immobilier et titulaire de la Chaire RBC en innovations financières de l’Université Laval, affirme qu’il existe en effet une «tendance générale des économies émergentes à l’internationalisation».
Elle souligne néanmoins que certains marchés sont moins intégrés qu’il n’y paraît. «En désagrégeant les données», Marie-Claude Beaulieu croit ainsi qu’il existe des possibilités de diversification géographique, même entre deux marchés relativement corrélés, comme le Canada et les États-Unis.
Enfin, même si la diversification géographique est encore valable, on a souvent tendance à négliger la composante du risque politique dans l’équation, souligne Marie-Claude Beaulieu. «Toute une stratégie peut être remise en question par un simple changement de gouvernement ou de politiques», prévient-elle.