Le Financial Times en rajoute. Dans un article fort intéressant, «Playing to the cheap seats», la publication rapporte, toujours selon Morningstar, une accélération de la tendance observée en 2012. Au cours des dix premiers mois de 2013, l’actif des fonds communs alternatifs a gonflé de 51 %, pour atteindre 239 G$ US.

Certes, les fonds communs alternatifs ne comptent encore que pour 2 % des actifs totaux des fonds communs, mais ils ont attiré environ 20 % des nouveaux actifs. Des proportions qui me rappellent beaucoup celles des fonds négociés en Bourse lorsque la vague a commencé.

Le marché canadien n’est pas aussi avancé dans cette sphère. Encore selon Morningstar, seulement sept fonds communs canadiens qui utilisent des «stratégies spéciales» et sont admissibles au REER affichent un actif supérieur à 100 M$. Ici aussi, un mouvement en ce sens est perceptible, et je suis convaincu qu’il prendra de l’ampleur au cours des prochaines années.

L’attrait pour le marché de détail s’explique assez facilement. Selon Henry Davis, directeur général de Arden Asset Managemement, au cours des cinq prochaines années, 80 % des entrées nettes d’actif dans l’industrie de la gestion de patrimoine proviendront de la clientèle de détail.

Or, si les banques et les assureurs veulent accroître leur part et que les gestionnaires veulent continuer à exploiter cette industrie, «pourquoi pas nous ?» se disent un nombre croissant de sociétés de gestion alternative. Si c’est dans l’intérêt des sociétés de gestion, cela l’est-il pour les investisseurs ? Plusieurs sont sceptiques face à cette approche de gestion. En effet, pourquoi utiliser des stratégies qui peuvent limiter le gain potentiel et qui coûtent plus cher en frais de gestion, dans le but de se prémunir contre une baisse des marchés, alors que les marchés connaissent beaucoup plus d’années positives que d’années négatives ?

Cette remise en question est souvent amplifiée par le fait que lors de la dernière correction, les fonds de couverture n’ont pas toujours rempli leur mission d’atténuer la chute des marchés pour les investisseurs.

Cette année, les gestionnaires dominent

Le récent SPIVA Canada Scoreboard ne donnera pas de munitions aux promoteurs de la gestion alternative. Ce rapport bisannuel a souvent été utilisé pour dénigrer la gestion active des fonds communs traditionnels, mais il ne le sera pas cette année.

En effet, 72,7 % des fonds d’actions canadiennes ont battu leur indice depuis un an (en date du 30 juin 2013). Sur le plan des rendements, le fonds moyen a obtenu 11,2 % par rapport à 7,9 % pour le S&P/TSX Composite. C’est un écart important.

Cela reste insuffisant pour renverser une tendance de fond, alors que sur cinq ans, seulement 30,4 % des fonds ont surpassé leur indice. Côté rendement, la marge est très mince : un rendement annualisé de – 0,68 % pour les fonds par rapport à – 0,53 % pour l’indice. Ces rendements peu reluisants sont plombés par la chute vertigineuse survenue en septembre 2008, une tache qui sera effacée lors du prochain rapport.

Soulignons que les fonds canadiens de petites et moyennes capitalisations et ceux de dividendes ont connu un succès similaire cette année, mais que les fonds américains, internationaux et globaux exprimés en dollars canadiens n’ont pas eu la même performance, car de 13,2 % à 27,3 % ont battu leur indice depuis un an.

Consolidation de la place des conseillers

Si j’étais conseiller, je verrais ces deux éléments d’un bon oeil. D’une part, en raison de leur position, les conseillers sont mieux placés que les investisseurs individuels pour choisir un bon gestionnaire, non pas celui qui dépasse son indice de temps en temps, mais celui qui le bat année après année. D’autre part, l’avènement de fonds communs alternatifs donnera une nouvelle dimension à la relation conseiller-client. Le conseiller se trouvera à terme avec plus d’outils pour gérer le risque et contrôler la volatilité, pour générer de l’alpha et surtout donner de la valeur à ses clients.

En effet, si un fonds de marché neutre ou global macro devenait pertinent pour un client, qui serait mieux placé que son conseiller pour lui expliquer en quoi cela consiste ? Et si, à l’inverse, une stratégie alternative pouvait être néfaste pour ce même client, le conseiller pourrait montrer sa valeur en lui déconseillant d’emprunter cette voie, aussi attrayante qu’elle puisse paraître au premier coup d’oeil.

Il y a beaucoup d’éducation à faire, autant du côté des clients que de celui d’une majorité de conseillers, car ces stratégies restent souvent mal comprises. Finance et Investissement fera sa part en suivant de près l’évolution des stratégies de gestion alternative dans des produits de détail.

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Je profite de cette page pour féliciter Guillaume Poulin-Goyer pour sa promotion au poste de directeur des contenus. De plus, je souhaite la bienvenue dans notre équipe à notre nouvelle journaliste, Marie-Claude Frenette. Deux nominations qui renforcent notre équipe de rédaction.

Christian Benoit-Lapointe

Rédacteur en chef