Comme le Canada n’échappe pas au phénomène, il est intéressant de jeter un œil sur la transformation qui s’opère aux États-Unis pour « mieux comprendre les futures tendances du secteur canadien », a soutenu Ian C. W. Russell, président et chef de la direction de l’Association canadienne du commerce des valeurs mobilières (ACCVM) dans sa récente lettre du président.
La transformation numérique
Il a assisté en avril dernier à la Conférence 2019 de la SIFMA sur la clientèle privée qui avait pour thème la transformation du secteur de la gestion de patrimoine aux États-Unis. Parmi ses constats, il souligne l’impact majeur des bases de données massives sur les activités de gestion de patrimoine. « Les algorithmes et les outils mis au point pour explorer les données permettront aux sociétés de réaliser des gains d’efficience », explique Ian Russell.
La collecte de données permettra notamment de comparer le rendement des conseillers avec leur rémunération et d’éviter de contrevenir à la réglementation en créant des messages d’avertissement sur les pondérations du portefeuille. Pour les salles de marché, l’apprentissage machine et l’analyse prédictive basées sur les données de clients permettront aux conseillers de mieux anticiper les décisions des investisseurs et de leur fournir en temps utile des recommandations en matière de placement. Différents outils en développement feront aussi en sorte d’améliorer les communications numériques entre les conseillers et leurs clients.
Une gamme étendue de services
Des changements dans les attentes de la clientèle forcent aussi l’industrie américaine à s’adapter et à élargir la gamme des services. « Les clients accordent de plus en plus d’importance au contact humain et ils sont prêts à payer pour l’obtenir », constate Ian Russell. La priorité des conseillers est « l’écoute du client pour connaître ce qu’il veut et ce dont il a besoin — et non pas proposer au client ce que veut la société. »
Les conseillers deviennent le « pivot autour duquel s’articulent les activités financières du client » durant sa vie entière par la mise en place d’un plan personnalisé pour établir les objectifs et suivre la progression du portefeuille en fonction de ces objectifs. Une approche qui va plus loin que l’ouverture d’un compte carte blanche et l’accumulation d’actifs financiers.
Les sociétés de toutes tailles ont donc modifié et renforcé leur modèle d’affaires pour répondre à ces nouveaux besoins de la clientèle. La technologie vient à la rescousse pour améliorer l’expérience client notamment avec des plateformes de gestion de patrimoine en ligne « qui ne constituent pas une menace sérieuse aux services-conseils traditionnels ».
L’importance de mettre en place une culture d’entreprise de « faire le mieux pour les gens » est maintenant centrale. « Le défi pour les conseillers et les sociétés est de s’adapter aux changements démographiques qui touchent les marchés : une clientèle plus jeune ; une plus grande diversité du bassin de clientèle (particulièrement les femmes); des clients qui sont mieux informés et qui s’y connaissent bien en technologie », résume Ian Russell.
Cela entraîne une mutation de la structure des sociétés et du secteur lui-même. Plusieurs sociétés délaissent le modèle traditionnel d’un seul conseiller financier par client et misent plutôt sur la constitution d’équipes de conseillers. Elles permettent d’améliorer la productivité et de rehausser la qualité du service à la clientèle en plus de faciliter le processus de transition des professionnels sur le point de prendre leur retraite vers les plus jeunes conseillers.
Elles optent aussi davantage pour des solutions de portefeuilles personnalisés offertes par des tiers ce qui permet aux conseillers de consacrer plus de temps à la relation avec leurs clients. Leur popularité grandissante « signale que le rendement des placements n’est plus un facteur concurrentiel déterminant qui permet de se démarquer ».
Les nouvelles contraintes commerciales ont également entraîné des regroupements de sociétés cherchant à augmenter leur productivité et leur capacité à investir dans les nouvelles technologies.
Cette transformation du secteur de la gestion de patrimoine est loin d’être terminée, « il y aura encore plus de changements dans les années qui viennent », prédit Ian Russell.