Alex Bryan tient toutefois à nuancer son propos : «À long terme, ces actions donnent un très bon rendement et la corrélation entre la hausse des taux et le cours des actions à dividendes élevés n’est pas univoque. Vers le milieu des années 1970, les taux ont grimpé et les actions à dividendes ont été performantes.»
«Le rendement en dividendes du S&P 500 est actuellement de 2,2 %, soit 20 points de base de moins que celui des bons du Trésor américains de 10 ans. Historiquement, l’écart est de 200 points en moyenne. Un retour à la normale impliquerait que les taux 10 ans augmentent à 4,4 % (soit 2,2 % plus 2 %) ou que le rendement des actions diminue pratiquement à 0 % (soit 2,2 % moins 2 %). L’écart est donc favorable aux actions.»
Au Canada, les experts mettent certains bémols. «Étant donné la faiblesse des taux, les investisseurs misent sur les bond proxies, des placements qui donnent du revenu lorsque le rendement des obligations est faible. Le danger est que l’investisseur augmente alors son risque», explique Philippe Pratte, chef des investissements et gestionnaire de portefeuille chez Pratte gestion de portefeuilles.
Il n’est pas le seul à exprimer cette appréhension. «Il ne faut pas que les actions, les fonds communs ou les fonds négociés en Bourse (FNB) à dividendes élevés accaparent la place des fonds à revenus fixes», s’inquiète Laurent Boukobza, vice-président, Distribution des FNB chez Placements Mackenzie.
Philippe Pratte prête une attention particulière aux sociétés qui versent un dividende supérieur à 70 % de leurs bénéfices. «Si l’économie ralentit, la société risque de devoir réduire son dividende», prévient-il avant d’ajouter «qu’on commence même à prendre nos précautions à 60 %».
Laurent Boukobza relativise cette règle. «Pour les sociétés de haute technologie, on peut aller à 80 %, car elles n’ont pas autant besoin de liquidités. Facebook n’a pas besoin d’investir dans des usines ou des stocks de pièces, contrairement à General Motors», observe-t-il.
Les titres qui ont un dividende élevé, une croissance moindre des profits et un taux de distribution (pay-out) élevé se comportent comme les obligations, constate Pierre Trottier, gestionnaire de portefeuille chez iA Groupe financier : «C’est pourquoi je favorise les titres à dividende moindre, mais en croissance.»
Lorsqu’on lui demande de fournir des titres précis, Philippe Pratte mentionne le FNB BMO américain de dividendes.
Pour ce qui est des actions, Philippe Pratte avoue son penchant pour Blackstone Group : «La société a une croissance intéressante, un dividende qui s’apprécie, du momentum et le dividende sur 12 mois est de 6,4 %.»
Le conseiller gatinois aime aussi Vail Resorts : «L’action est en hausse de 50 % depuis un an et le dividende de 2 % est en hausse. La firme achète des centres de ski dans diverses régions. Si une région connaît des chutes de neige moindres que prévu, Vail réoriente les clients vers un autre centre de ski. C’est du bon hedging.»
Pierre Trottier reluque les institutions financières américaines. «La Fed a commencé à augmenter les taux à court terme et les taux 10 ans devraient suivre. C’est positif pour les banques», constate celui qui gère les fonds américains de dividendes d’iA Clarington.
De plus, l’allègement de la réglementation annoncé par Donald Trump devrait être favorable aux banques. Quant à leur évaluation du marché à 17,9 fois les bénéfices contre une moyenne historique de 15, Pierre Trottier n’est pas inquiet : «Ce n’est pas excessif.»
Pierre Trottier cite Citigroup : «La réussite aux tests de résistance de juin permettra à Citi de hausser son dividende et d’effectuer des rachats d’actions, puisqu’elle aura des réserves excédentaires.» Il suit également avec intérêt Wells Fargo, malgré le scandale des ventes forcées dans lequel cette institution a été impliquée récemment.
Pierre Trottier apprécie certains titres technos : «J’aime Microsoft, qui possède une politique de dividende établie. Chaque année, pratiquement, ils augmentent le dividende.»
RACHATS D’ACTIONS
Que penser des rachats d’actions ? «J’y vais au cas par cas, reconnaît Pierre Trottier. Google ne verse pas de dividende, mais ils ont commencé à racheter leurs actions. Leurs liquidités permettraient de verser un dividende. Cela élargirait leur base d’investisseurs et serait bien vu par le marché.»
En fait, l’exemple de Google rappelle à Pierre Trottier le cas d’Apple. «J’ai acheté Apple avant qu’elle ne verse un dividende. La société avait une croissance intéressante et beaucoup de liquidités. C’est pourquoi elle était l’exception dans mon portefeuille d’actions à dividendes. Aujourd’hui, mon exception, c’est Google.»
«Les fiducies immobilières sont chères. L’immobilier procure une protection contre l’inflation, mais si les taux augmentent, l’immobilier va baisser. De plus, elles versent des distributions de 6 ou 7 % parce qu’elles vident la fiducie en vendant des actifs», s’inquiète Philippe Pratte.
Pierre Trottier partage cette perception. «Les REIT sont plus vulnérables. Même chose pour l’immobilier commercial. Il faut faire attention à tout ce qui est lié aux centres commerciaux», croit-il en évoquant la concurrence du commerce en ligne.
Pierre Trottier aime bien aussi les titres de consommation de base, comme Kraft, Mondelez et Walgreens : «La probabilité que le dividende sur ces actions soit haussé est forte.»