La Banque Laurentienne prépare une offensive numérique pour attirer plus de dépôts tandis qu’elle s’apprête à lancer un compte à intérêt élevé en ligne. En entrevue, la présidente et cheffe de la direction, Rania Llewellyn, assure que le plan stratégique de l’institution financière est sur la bonne voie.
« L’année dernière, nous avions de bons taux sur les certificats de placement garanti (CPG), mais nous étions limités par le fait qu’il était impossible d’ouvrir un compte sans passer par une succursale », explique Rania Llewellyn en entrevue, en marge de l’assemblée des actionnaires, mardi.
D’ici « quelques semaines », les épargnants pourront ouvrir un compte à intérêt élevé et un compte chèque en ligne à la Laurentienne. L’institution compte mener une campagne publicitaire « ciblée » pour mettre de l’avant son taux d’intérêt, qui, à 3 %, serait « parmi les plus attrayants dans le marché ».
L’offre en ligne permettra aussi de joindre des clients numériques à l’extérieur du Québec. C’est ce que la banque est parvenue à accomplir avec son offre renouvelée de carte de crédit Visa, lancée récemment. « Ce qui est intéressant, c’est la répartition moitié-moitié entre le Québec et le reste du Canada (pour les demandes de cartes). Nous attirons de nouveaux clients. »
Ouvrir un compte en ligne chez une grande banque canadienne est une opération relativement banale, mais la Laurentienne avait accumulé un important retard technologique dans l’industrie.
Rania Llewellyn avait été embauchée en octobre 2020 pour redonner un élan à la banque montréalaise en perte de vitesse tandis que les investisseurs avaient perdu patience devant le peu de progrès observé sous son prédécesseur. À son arrivée, la Laurentienne n’avait pas d’application mobile et l’activation d’une carte de crédit pouvait prendre jusqu’à 25 jours.
Le point sur le plan stratégique
La Laurentienne, qui a échaudé ses actionnaires par le passé, serait maintenant une banque différente, assure Rania Llewellyn. Elle souligne que la direction est en avance sur son plan stratégique.
La banque a une application mobile, ses processus sont plus rapides et le taux de satisfaction de la clientèle et des employés est à la hausse. Ces progrès se reflètent également dans les résultats financiers. Le bénéfice par action a augmenté de 14 % en 2022, comparativement à une croissance visée initialement de 5 %.
Il reste encore des défis pour la Laurentienne, estime l’analyste Meny Grauman, de Banque Scotia. Pour la première moitié de l’exercice 2023, la direction a prévenu les investisseurs qu’ils doivent s’attendre à des dépenses élevées, des marges sous pression et un ralentissement de la croissance du portefeuille de prêts en 2023.
« S’il ne fait aucun doute que la banque exécute bien son plan par rapport à ses objectifs, l’environnement macro-économique devient plus difficile et nous continuons de voir plus de potentiel haussier ailleurs parmi les grandes banques dont les sources de revenus sont plus diversifiées », commente l’analyste.
La Banque Laurentienne est parvenue à excéder ses objectifs en 2022, malgré une flambée de l’inflation et les perturbations économiques liées à la guerre en Ukraine, souligne Rania Llewellyn. Elle anticipe que les résultats seront sous pression pour la première moitié de l’exercice, mais entrevoit une reprise pour le reste de l’année, « à condition que les taux d’intérêt se stabilisent ».
La Laurentienne dispose d’une marge de manœuvre pour accomplir ses objectifs, même si l’économie ralentit, car elle est en avance sur ses cibles intermédiaires, ajoute sa PDG. « Nos objectifs sur trois ans n’ont pas changé (2022 à 2024). »
Au sujet des dépenses plus élevées que prévu au premier trimestre, Rania Llewellyn répond qu’elles se stabiliseront au cours de la deuxième moitié de l’exercice 2023. Au cours des six premiers mois de l’exercice, la banque doit procéder à d’importants investissements, notamment pour le renouvellement de son offre de cartes de crédit. « Pour améliorer notre efficacité, il faut dépenser de l’argent pour faire de l’argent. »
L’entreprise n’a pas la réputation d’être particulièrement habile avec le contrôle des dépenses, mais l’analyste Darko Mihelic, de RBC Marchés des capitaux, est prêt à donner le bénéfice du doute à la nouvelle direction. « La Laurentienne a eu de la difficulté, par le passé, avec le contrôle des dépenses, mais dans cette situation (un important virage stratégique), nous ne sommes pas trop préoccupés de voir que les dépenses sont plus élevées que prévu », écrivait-il en mars.