Il y a deux grands courants d’opinion : ceux qui pensent que cette nouvelle forme automatisée de conseils financiers heurtera les conseillers et ceux qui estiment qu’une relation de confiance résistera aux assauts d’une concurrence sans visage.
Je suis plutôt de l’avis de ces derniers.
En fait, l’arrivée des conseillers-robots me rappelle un peu celle des services de courtage à escompte, il n’y a pas si longtemps. À l’époque, ces services suscitaient la crainte de bon nombre, car ils amenaient une structure de coûts beaucoup plus basse que celle en place.
Force est d’admettre que le conseil de plein exercice ne s’est pas écrasé, même si aujourd’hui, le courtage à escompte occupe une place relativement importante, surtout auprès des investisseurs autonomes.
C’est un peu le scénario que j’envisage pour les conseillers-robots. À court terme, ils prendront des clients aux conseillers, mais j’ai l’impression qu’ils se créeront une niche se situant entre les courtiers à escompte et les conseillers. C’est-à-dire un conseil de base à faible coût, ce qui n’est déjà pas le créneau de prédilection des conseillers.
De plus, certaines firmes de robots-conseillers offrent même leurs services aux… conseillers. En effet, il existe une certaine complémentarité entre le conseiller humain et le robot. Le conseiller humain pourrait, par exemple, segmenter sa clientèle et faire servir certains segments (plus petits comptes ou comptes moins complexes) par le robot.
Bref, les robots-conseillers ne devraient pas trop changer l’ordre en place dans l’industrie financière. Du moins, pour le moment. L’industrie de l’hôtellerie doit composer avec Airbnb, et celle du taxi, avec Uber ; celle des services financiers pourrait rencontrer ce grand perturbateur qui viendra du monde numérique. Prenons deux exemples aux États-Unis.
L’assurance simple, intuitive et humaine
Si une société a le potentiel de bousculer l’ordre établi dans son industrie, c’est Oscar Health Insurance. Dans un marché mature, celui de l’assurance maladie aux États-Unis, le petit nouveau est en train de se tailler une place grâce à une approche basée sur la technologie.
Oscar se décrit ainsi sur sa page Facebook : «Une nouvelle sorte d’assurance maladie qui utilise la technologie pour rendre l’assurance simple, intuitive et humaine. Autrement dit, le genre de soins de santé que nous voulons…»
Oscar veut utiliser la technologie pour rendre l’expérience simple et agréable. En gros, on a injecté une dose de Silicon Valley dans cette industrie assez conservatrice. Voici comment Oscar aborde ses clients potentiels pour sa campagne publicitaire dans le métro de New York. «L’assurance maladie qui ne fera pas exploser votre tête. Et si elle le fait, vous êtes couvert.»
La nouvelle compagnie a déjà levé 150 M$ de capitaux, et selon Bloomberg, elle prépare un nouveau financement qui porterait sa valeur à plus d’un milliard de dollars américains. Les investisseurs sont sans doute très attentifs au fait qu’après avoir servi les clients des États de New York et du New Jersey, Oscar compte s’établir dans la très populeuse Californie. Devenir milliardaire en moins de deux ans d’existence, ce n’est pas rien.
Dessine-moi un FNB
On sait que les fonds négociés en Bourse (FNB) ont largement fait leur place en raison de leur faible coût. Eh bien, ils ont un aspirant sur ce plan : Motif Investing.
La firme établie en Californie offre une solution d’investissement presque sur mesure : le motif. Il s’agit d’un portefeuille qui peut contenir jusqu’à 30 titres ou FNB. La firme facture un montant de 9,95 $ pour créer le portefeuille, et c’est tout : pas de frais de gestion annuels ni de frais mensuels.
L’investisseur peut construire son propre motif ou choisir parmi les 150 motifs construits par des professionnels ou plus de 55 000 fabriqués par la communauté. Les motifs peuvent être bâtis en fonction d’une tendance (par exemple, les tablettes, qui contiendra des fabricants, pièces, services connexes, etc.), une stratégie d’investissement ou un horizon de retraite (par exemple, la retraite dans cinq ans).
Motif Investing dit avoir plus de 100 000 clients, c’est beaucoup pour une société fondée en 2010.
Évidemment, ces deux solutions ne sont pas offertes aux Canadiens, mais elles illustrent le potentiel de changement que les technologies peuvent avoir sur la structure d’une industrie.
Heureusement, je crois que le marché du conseil financier est beaucoup plus prêt aujourd’hui à affronter une concurrence numérique qu’il ne l’était au tournant du millénaire, à l’époque où l’investissement et le rendement étaient davantage mis en avant.
En axant leur valeur sur le conseil et tous les axes de la planification financière, les conseillers apportent beaucoup à leurs clients.
Il serait tout de même prudent de surveiller du coin de l’oeil les génies de la Silicon Valley, car ils n’ont pas fini de nous surprendre.
Christian Benoit-Lapointe
Rédacteur en chef