Un jour, son beau-frère, qui s’occupe alors des cadets de la Marine royale canadienne de Longueuil, lui demande s’il serait capable de jouer «Ô Canada» à la lyre sur un terrain de parade. René Auger a 17 ans, il touche l’instrument pour la première fois et joue d’un trait l’hymne national. «Pour moi, l’instrument était configuré exactement comme un piano.»
Le lendemain, il file se faire couper les cheveux et répète le même exercice sur le terrain de parade devant les cadets. Le commandant le remarque, et lui propose un camp musical à Halifax (Nouvelle-Écosse), s’il sait jouer de la clarinette. Sans se démonter, le jeune homme répond par l’affirmative.
«En réalité, je ne savais pas jouer de la clarinette, j’ai regardé l’instrument dans l’avion. À Halifax, le capitaine responsable s’est aperçu que je ne savais pas jouer de cet instrument. Je lui ai demandé une semaine pour me mettre au niveau des autres, et à la fin du camp, c’est moi qui ai joué le solo !» se rappelle le conseiller en sécurité financière, amusé.
Au piano, à la lyre et à la clarinette, René Auger ajoute la guitare, le saxophone, le hautbois et la trompette.
Il devient directeur de la fanfare des cadets. Il enseigne la musique sur divers instruments, et par la suite, travaille comme vendeur dans un magasin de musique.
Changement inattendu
Rien ne le prédestine alors à une carrière dans les services financiers.
«Une cliente a appelé au magasin. J’étais célibataire. Je l’ai draguée au téléphone et elle est devenue mon épouse ! Elle travaillait dans une banque et son père était banquier. C’est de cette manière que j’ai bifurqué vers le monde de la finance», se remémore-t-il.
Le milieu financier semble alors plus sérieux que la musique. «J’y voyais plus de stabilité pour fonder une famille. En parallèle, j’ai poursuivi la musique comme passion et un peu plus tard, la musique m’a sauvé la vie», explique-t-il.
Au cours de la quatrième année de mariage, leur vie bascule soudainement. «Quelques mois après la naissance de notre deuxième enfant, mon épouse est entrée à l’hôpital pour une joue très enflée, comme si elle sortait du cabinet du dentiste. Quinze jours plus tard, elle était aveugle, sourde et paralysée.»
Le diagnostic tombe comme un couperet. Sa femme vient de souffrir d’une crise majeure de sclérose en plaques.
«J’ai vécu dans une solitude démesurée. J’avais alors deux enfants en bas âge. Ma femme était à l’hôpital. J’ai failli la perdre à deux reprises. Je dormais trois heures par jour. Malgré cela, je faisais chaque jour une heure de piano. J’évacuais ma colère et mon désarroi grâce à la musique. Il fallait que je tienne le coup. La musique était là pour me soutenir et c’est ce qui me donnait le plus d’énergie», dit-il.
Après avoir passé un an dans une unité de soins intensifs et une autre année en institut de réadaptation, sa femme rentre à la maison. À la fois travailleur autonome et aidant naturel, René Auger s’accroche toujours à la musique.
«Nous sommes restés mariés 28 ans, puis nous avons fini par divorcer. C’est à partir de ce moment-là que j’ai pris ma carrière d’auteur-compositeur plus au sérieux. Je me suis mis à beaucoup écrire. J’ai plus de 300 pièces à mon catalogue !»
Épanouissement musical
En 2009, il produit son premier album, Des jardins oubliés, dans le studio qu’il a aménagé.
«Ça a été un bon succès, j’ai commandé 1 000 disques et j’ai tout vendu. J’ai aussi donné quelques concerts.»
Il compte également deux albums supplémentaires à son actif, une comédie musicale, et une autre au sujet des filles du Roy, sur laquelle il travaille actuellement. «J’ai beaucoup d’idées, je n’arrête pas d’écrire. Ce serait terrible si jamais on m’enlevait mon piano. Pour moi, c’est vraiment important, ça représente la vie. Cela fait entièrement partie de moi.»
S’il écrit et compose au minimum une fois par semaine, René Auger n’en oublie pas pour autant qu’il est conseiller. Deux activités qui ne s’excluent pas pour autant.
«Le fait d’être auteur-compositeur aide dans un certain sens lorsqu’on est travailleur autonome. On doit présenter des pro-duits, faire des mises en marché. Le fait d’avoir enseigné la musique m’a permis de développer mon côté pédagogique et de parler devant les autres», explique-t-il.
Il a également pris le temps de s’engager dans l’industrie financière québécoise. «J’ai été directeur du développement des affaires chez Axa assurance. J’ai travaillé pour Empire vie et pour B2B Trust, une des fiducies de la Banque Laurentienne. J’ai également été président du Regroupement indépendant des conseillers de l’industrie financière du Québec (RICIFQ).»
Aujourd’hui, René Auger passe de plus en plus de temps à cultiver sa passion, la musique, et il encourage les autres à faire de même.
«Je pense que tout être humain a une passion, même s’il ne le sait pas toujours. Je conseillerais à tout le monde de prendre une heure pour soi, et d’utiliser cette heure de réflexion pour se demander : qu’est-ce que je veux pour moi-même ? Je suis persuadé que tous se trouveraient une passion. Il est impossible de ne pas avoir de passion.»
Pour René Auger, l’équilibre ne se situe pas uniquement dans un juste milieu entre la famille et le travail, il est dans tous les domaines.
«Je crois qu’il faut se demander ce qui est important : gagner 200 000 $, bien paraître, se payer toutes les folies possibles ? Ou gagner un peu moins d’argent au bénéfice de ce qu’on voudrait faire vraiment ?» À méditer.