Peut-être que la pandémie a fait plonger la Bourse, qui a ensuite repris de la vigueur bien plus rapidement que prévu, quoi qu’il en soit, les conséquences financières découlant de la COVID-19 ont été intenses pour les investisseurs. La situation a entraîné de la volatilité sur les marchés, alors que peu d’investisseurs y étaient préparés. Cela a amené beaucoup d’entre eux à remettre en question leur plan financier, impactant ainsi l’industrie de la finance.
Lors de son plus récent Forum exécutif, Morningstar a invité trois panélistes – Dan Bortolotti, gestionnaire de portefeuille à PWL Capital, Shawn Brayman, directeur de la méthodologie de planification financière à Morningstar, et Goshka Folda, présidente et directrice générale de la société Investor Economics – à réfléchir sur ce que représente la planification financière en cette période trouble, considérant notamment le fait que ceux qui en auraient certainement le plus besoin sont probablement ceux qui en ont le moins de moyens.
« C’est sûr, lorsque l’on pense à certains nantis, comme une certaine proportion de retraités, ils ont craint pour leur santé, mais d’un point de vue financier, leur situation est probablement redevenue plus stable et à titre d’investisseurs, on peut considérer qu’ils sont sortis d’affaire. Ce sont en fait les jeunes qui ont le plus peur. J’observe ainsi deux réactions différentes et bien distinctes. Les investisseurs voient la vie en rose, et pendant ce temps, les jeunes travailleurs canadiens cherchent à deviner ce qui s’annonce et se demandent comment gérer la situation », constate Shawn Brayman.
La crise actuelle se démarque des crises précédentes du fait qu’elle dépasse le cadre monétaire. Cela amène les gens à repenser entièrement leur vie et surtout, à se préoccuper aussi bien du risque financier que sanitaire. Pour les planificateurs financiers, cette réalité se reflète dans le comportement de leurs clients. Ces derniers ont toutefois des préoccupations qui diffèrent en fonction de leur âge.
« D’un côté, il y a les jeunes, par exemple âgés de 20 à 30 ans, qui évoquent l’achat d’assurance vie et se préoccupent de la gestion du risque. D’un autre côté, il y a des clients plus âgés, angoissés par la survie qui se soucient de la planification de leur succession », note Goshka Folda.
D’autres risques sont apparus. Notamment, le risque de ne pas atteindre ses objectifs financiers en raison des bas taux d’intérêt qui nuisent aux rendements des titres à revenu fixe.
« Si vous avez un jeune client avec 70 % d’investi dans le revenu fixe, c’est aussi un risque. Les perspectives de rendement des placements à revenu fixe sont plutôt sombres, et si vous ne voulez pas vous tourner vers les actions, il faut envisager d’autres options, comme augmenter votre niveau d’épargne, ou travailler plus longtemps : les clients n’aiment pas ces suggestions », affirme Dan Bortolotti.
Mieux définir les termes
Pour ces nombreuses raisons, Shawn Brayman estime qu’il faut s’attarder sur certaines définitions, dont celle du risque et celle de planificateur financier.
« La tolérance au risque est psychologique. Elle ne change pas tous les jours. Bien sûr, elle peut changer s’il y a un événement qui bouleverse votre vie, mais ce qui change régulièrement, c’est la perception du risque. […] En tant que planificateur, il faut que nous réexaminions souvent nos plans et que nous utilisions une terminologie exacte pour mesurer les choses, de façon à bien nous faire comprendre quand nous en parlons. »
Du côté des planificateurs financiers, Shawn Brayman estime que le fait que le Canada cherche à réglementer les titres professionnels comme celui de planificateur financier est une bonne nouvelle. « On ne peut pas créer une profession dont tout le monde s’approprie le vocable. C’est une profession, et il faut que nous le fassions comprendre au consommateur. Il faut faire la différence entre vendeurs et professionnels », affirme-t-il.
Dan Bortolotti appuie cela en soulignant qu’encore trop de personnes confondent planificateurs financiers et conseillers en placement. Il rappelle que les premiers ne peuvent pas forcément construire un portefeuille et vendre des produits de placement alors qu’à l’inverse, les seconds ne sont pas forcément capables d’élaborer un plan financier.
« Les deux relèvent de compétences différentes », précise-t-il.
Goshka Folda va dans le même sens en évoquant le sujet de la retraite. « Se constituer un pécule est un des objectifs de vie des investisseurs. Mais à partir du moment où l’on part à la retraite, ce seul objectif tourne au véritable casse-tête. Il faut faire intervenir la longévité, l’état de santé (et dans certains cas les questions liées à la survie parentale), la planification successorale, les décaissements et d’autres facteurs. Si nous ne nous engageons pas dans d’autres secteurs que les placements et les finances, en tant que planificateurs, nous courons à l’échec. »
Les trois experts ont fini par évoquer la réalité des conseillers robots. Ils ont convenu que ces derniers étaient certainement une bonne option pour les investisseurs ayant de petits portefeuilles, mais ont rappelé qu’ils n’étaient pas des humains et ne pouvaient donc pas calmer les angoisses de leurs clients. Contrairement à un planificateur financier en chair et en os.