La perspective de voir les courtiers appartenant aux banques retirer les fonds d’investissement indépendants de leurs gammes de produits – ce qui suscite aujourd’hui l’ire des régulateurs – était anticipée par le secteur et reconnue par les régulateurs eux-mêmes lors de l’élaboration des réformes axées sur le client.
La plus récente analyse tirée du Report Card on Bank d’Investment Executive a révélé que plusieurs grandes banques ont cessé de vendre des fonds de tiers à la lumière d’une série de nouvelles exigences, y compris les obligations de connaissance du produit, qui sont adoptées dans le cadre de l’important projet réglementaire axé sur le client qui vise à améliorer le traitement des investisseurs de détail par le secteur.
Le constat selon lequel les courtiers appartenant aux banques ont réduit leur utilisation de produits indépendants a d’ailleurs attiré l’attention de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (CVMO), qui a écrit aux banques pour exprimer les préoccupations des régulateurs.
« L’intention derrière les réformes axées sur le client est de donner aux investisseurs l’accès aux produits qui répondent le mieux à leurs besoins – et non de provoquer un mouvement vers l’offre de produits exclusifs », a affirmé Kristen Rose, directrice des affaires publiques de la CVMO, dans un communiqué.
« Pour réitérer cette attente, nous avons communiqué avec les banques afin de vérifier comment chacune d’entre elles comprend et a l’intention d’aborder cette situation », a-t-elle ajouté.
Pour l’instant, les organismes d’autoréglementation du secteur se tiennent à l’écart de cette question.
L’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM) a refusé de commenter, et l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels (ACFM) s’est contentée de dire qu’elle surveille les actifs administrés par les courtiers qui offrent des produits exclusifs et évalue « leur conformité aux exigences réglementaires ».
Pourtant, si les régulateurs peuvent se montrer déçus de la réduction des gammes de produits offerts par les banques, ils ne peuvent guère en être surpris – le secteur a signalé que l’adoption de ces règles pourrait entraîner une réduction du choix de produits pour les investisseurs, et les régulateurs ont eux-mêmes reconnu l’existence de ce risque au cours du processus d’élaboration des règles.
Par exemple, l’Institut des fonds d’investissement du Canada (IFIC) a déclaré dans un commentaire aux Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) en 2018 que les propositions pourraient amener les entreprises à resserrer leurs gammes de produits.
« L’obligation de connaître son produit, qui implique la comparaison des produits de la gamme offerte par l’entreprise inscrite avec des produits similaires offerts sur le marché amènera les entreprises inscrites à restreindre leurs gammes de produits afin de gérer les obligations de conformité de l’entreprise », a souligné l’IFIC dans son mémoire.
« Nous pensons que toute réduction du choix, qu’elle soit intentionnelle ou non, ne profite pas aux investisseurs », a martelé l’IFIC à l’époque ; le groupe a également demandé aux ACVM de « reconsidérer les aspects des propositions qui pourraient avoir pour conséquence involontaire de réduire le choix des investisseurs ».
Cette possibilité a également été soulignée par les autorités de réglementation dans leur consultation publique.
Dans une analyse d’impact de la réglementation qui accompagnait l’édition 2018 des propositions de la réforme axées sur le client, les régulateurs ont noté qu’une « conséquence involontaire » des règles pourrait concerner les courtiers ayant une offre de produits mixtes abandonnant des produits tiers.
« Si les modifications proposées sont mises en œuvre, nous prévoyons qu’un petit nombre d’entreprises qui offrent actuellement des produits exclusifs et non exclusifs, mais qui détiennent encore une grande partie des actifs des clients dans des produits exclusifs, pourraient déterminer qu’il est plus logique pour elles de passer à un modèle d’affaires strictement exclusif à l’avenir », ont déclaré les régulateurs dans leur analyse.
Maintenant que ces conséquences involontaires se matérialisent, il reste à voir si les régulateurs peuvent les contenir.
L’IFIC a refusé de commenter la situation.