Le groupe de défense des intérêts des clients craint qu’en cas de réclamation, un éventuel litige sur le partage de la responsabilité puisse susciter un débat, judiciaire ou non, entre le cabinet et son représentant, ce qui risquerait d’imposer au client des délais supplémentaires importants dans le traitement de sa réclamation.
Rappelons que, selon cette proposition de cadre de l’AMF, lorsqu’un client souscrira une assurance de personne par Internet, celui-ci pourra, s’il le désire, faire appel à un conseiller afin d’obtenir du conseil financier. La responsabilité du représentant et celle du cabinet seraient alors partagées entre autres en fonction du niveau d’intervention du représentant dans la transaction. Il faudrait évaluer la situation au cas par cas, tel que le rapportait Finance et Investissement.
Or, dès qu’un conseiller interviendra lors d’une vente en ligne, ses obligations demeurent les mêmes, tel que l’indiquait Marc Beauchemin, avocat senior aux affaires juridiques et réglementaires et secrétaire adjoint de la Chambre de la sécurité financière, en novembre dernier : « Le conseiller ne peut pas dire : “Parce que c’est Internet et que c’est un autre mode de distribution, mes obligations vont être différentes.” Non, les obligations restent les mêmes. S’il est intervenu, c’est sa responsabilité et c’est sa responsabilité au complet. »
« Il ne devrait pas revenir au client de déterminer à qui incombe cette responsabilité pour faire valoir ses droits. Il pourrait également être difficile pour le client de savoir à quelle organisation adresser sa plainte ou sa réclamation », lit-on dans le mémoire d’OC soumis lors de la consultation sur le Projet de règlement sur les modes alternatifs de distribution.
C’est pourquoi OC recommande que le projet de règlement oblige les cabinets à divulguer annuellement à l’AMF une série d’informations supplémentaires. Parmi celles-ci, le nombre de réclamations et le montant versé en indemnités; le nombre de résolutions; le nombre de résiliations ab initio; le nombre de réclamations refusées; le motif général de ces refus; parmi les réclamations refusées et les résiliations, le nombre de polices auxquelles on a souscrit uniquement par l’entremise de sa plateforme; le nombre de plaintes et leurs motifs.
« L’ajout du nombre de réclamations refusées et du motif de refus, qui constituent des renseignements particulièrement importants, permettrait de savoir si les produits d’assurance qui ont été vendus étaient appropriés. Un nombre élevé de réclamations rejetées pourrait indiquer que les analyses des besoins des clients qui ont été effectuées étaient inadéquates et permettrait à l’AMF de détecter plus efficacement les problèmes résultant de la vente d’assurance en ligne », écrit OC.
Selon ce groupe, ces divulgations sont pertinentes puisque plusieurs années peuvent s’écouler avant que survienne un sinistre. Les impacts réels de ces nouvelles pratiques ne pourront donc être constatés qu’au fil des ans.
OC appuie également l’AMF dans son projet d’obliger les cabinets que plusieurs renseignements soient visibles en tout temps sur la plateforme, dont le nom et les coordonnées du cabinet, le moyen de solliciter l’intervention d’un représentant du cabinet et les coordonnées permettant au client de formuler une plainte.
Or, l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP) réclame justement plus de souplesse par rapport à ce critère.
« Nous nous questionnons, dans le contexte d’un espace numérique utilisé pour l’offre d’assurance, sur la nécessité de rendre visibles en tout temps les coordonnées permettant au client de formuler une plainte. En effet, il semble contre-intuitif pour un consommateur de consulter la ressource d’offre du produit plutôt que de se tourner vers des ressources après achat », lit-on dans le mémoire de l’ACCAP.
« Lorsqu’ils magasinent sur Internet, les consommateurs peuvent facilement avoir accès à des sites provenant d’entreprises ou de cabinets étrangers, voire même de personnes malveillantes. Les renseignements prévus à cet article sont des renseignements de base essentiels », juge l’organisme Option consommateurs.
À l’instar d’OC, l’ACCAP est d’accord avec l’exigence de rendre visible en tout temps le moyen de solliciter un représentant certifié.
« La possibilité de solliciter un représentant permet de protéger les consommateurs contre une déclaration inexacte, un choix de protection inadaptée et plus encore. Ce renseignement devrait donc être non seulement visible en tout temps sur la plateforme, mais aussi être visible en tout temps, de façon proéminente, peu importe où se trouve le consommateur sur la plateforme », lit-on dans le mémoire d’OC.
Le groupe de défense des intérêts des consommateurs va encore plus loin et propose de forcer le cabinet de bloquer le processus de souscription d’assurance dès que le consommateur sollicite l’intervention d’un représentant, et ce, tant et aussi longtemps que le consommateur n’a pu obtenir l’assistance demandée : « La demande d’intervention d’un représentant témoigne d’une difficulté de la part du consommateur et il serait inopportun de le laisser compléter une proposition d’assurance dans ces circonstances. »
OC demande aussi à l’AMF d’ignorer la demande de certains groupes, dont l’ACCAP, de ne pas obliger les cabinets à rendre disponible en tout temps un spécimen de la police pour chaque produit offert pour des raisons de concurrence.
Lire : Distribution par Internet : l’ACCAP veut plus de souplesse
« Lorsqu’un consommateur fait affaire avec un représentant, ce dernier a en main un spécimen de la police des produits qu’il vend et peut s’y référer selon les questions que lui pose le consommateur. Pour offrir un niveau équivalent de protection au consommateur qui se procure un produit d’assurance en utilisant Internet, il faut aussi lui permettre de lire la police d’assurance qu’il s’apprête à acheter », écrit OC.
« Le choix est donc simple, poursuit OC : soit le cabinet offre ses produits et services par Internet, avec toutes les obligations et la transparence que cela implique, soit il choisit de ne pas le faire et d’opter pour la vente et la distribution de ses produits par la voie traditionnelle, c’est-à-dire par l’entremise de représentants. »
Par ailleurs, Option consommateurs recommande l’ajout d’un article prévoyant qu’en cas de disparité entre l’information transmise sur la plateforme et les conditions de la police, l’interprétation qui sera la plus favorable au consommateur doit prévaloir.
De plus, OC souhaite que le règlement vienne atténuer l’obligation de haute bonne foi qui incombe au client lorsqu’il souscrit une police d’assurance.
« Lorsqu’un consommateur fait appel aux services d’un représentant certifié, ce dernier est en mesure de constater les hésitations que pourrait avoir le consommateur à l’égard de certaines questions. Aussi, lorsqu’une réponse lui semble incomplète, le représentant peut demander au consommateur des précisions », explique OC.
« Or, la situation est toute autre s’il s’agit, pour le consommateur, de répondre à un questionnaire en ligne, poursuit OC. Le consommateur, profane, devrait pouvoir se fier au questionnaire mis à sa disposition pour connaître les circonstances et les renseignements pertinents qu’il a l’obligation de divulguer. »
C’est pourquoi OC demande à ce que l’AMF ajoute un article qui prévoit que le client qui répond adéquatement et honnêtement aux questions qui lui sont posées via la plateforme sera réputé satisfaire à son obligation de déclarer toutes les circonstances connues de lui.
Enfin, malgré toutes les précautions prises par le règlement de l’AMF, il subsiste toujours un risque de créer un régime distinct de celui qui est applicable à la vente de produit d’assurance par l’entremise d’un représentant certifié, selon OC.
« Pour éviter que ce risque se réalise, il est important que l’AMF veille à l’application du règlement. Pour qu’elle puisse y parvenir, il faudra que le gouvernement lui fournisse le soutien qui lui permettra d’avoir les ressources humaines et matérielles nécessaires à la réalisation de son mandat », lit-on dans le mémoire d’OC.